Foot, guerre et politique

“La guerre, c’est la poursuite de la politique par d’autres moyens » écrivait Clausewitz ; « le foot, c’est la poursuite de la guerre par des moyens pacifiques » soutient La Ligne Claire.

Au XVIIIe siècle, Maurice de Saxe pouvait prêter son épée au service du Roi de France tandis que le Prince Eugène de Savoie combattait à la tête des armées impériales. L’arrêt Bosman de la Cour Européenne de Justice en 1995, qui autorisait les clubs européens à recruter les meilleurs joueurs, produit des effets similaires à telle enseigne que désormais les joueurs de foot s’offrent à qui les paie au mieux, comme jadis les mercenaires suisses.

Le tournois de l’Euro 2000 vient en quelque sorte siffler le contraire d’une trêve puisque les joueurs sont tenus de quitter le club qui les emploie et sont en quelque sorte rappelés sous les drapeaux de leur équipe nationale.

L’invention de l’artillerie au XIVe est venue changer de manière fondamentale l’art de la guerre ; désormais on se tuerait à distance plutôt qu’au coude à coude. Avec l’Euro 2000, le foot renoue avec l’art de la guerre tel qu’on le connaissait dans l’Antiquité. Des hommes, revêtus de jambières, peints ou tatoués aux couleurs de leur camp se toisent sur le champ de bataille. Lors des matchs de rugby, les combattants pratiquent le haka, une danse rituelle qui vise à intimider l’adversaire par des danses, des chants et surtout une démonstration de la puissance collective de sa propre équipe. De même qu’Athéniens et Spartiates s’invectivaient avant le combat, il n’est pas rare qu’on entende fuser des insultes avant le début des matchs de foot, qui souvent sont en rapport avec la mère du joueur adverse, et que la décence empêche La Ligne Claire de reproduire. Onze joueurs, champions de leur propre camp, arborent leur tatouage comme autrefois les chevaliers leur écu à la bataille d’Azincourt.

A l’issu du tournoi, un autre mot encore tiré du langage militaire, le vainqueur se voit discerner un trophée (du latin tropaeum) comme jadis un général romain. Et de même que les légions victorieuses défilaient à Rome, les équipes gagnantes descendent les Champs-Elysées, séjour des âmes vertueuses, sur un autobus découvert, qui pour la circonstance fera office de char de combat.

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

5 réponses à “Foot, guerre et politique

  1. je me demande quand et comment trouveront le moyen d’interdire ces ” combats “ entre équipes qui représentent des Nations parce que, en effet, déjà en chantant leur Hymne National, ces combats ne sont pas politicament corrects.
    Je suis fière de mon équipe italienne : quand j’étais jeune, années ’60, si on chantait Fratelli d’Italia on risquait de se faire tabasser….

  2. « le foot, c’est la poursuite de la guerre par des moyens pacifiques »

    “War is all commerce”, disait Evelyn Waugh. Le football est-il autre chose qu’un business? Demain, pour un ballon qui fera courir vingt-deux abrutis et mettra en rut reporters à leurs micros et 65’000 spectateurs hallucinés par le spectacle “pacifique” le plus débile et vain qui soit, comme autrefois les jeux du cirque, chaînes de télévision et bourses du monde entier seront sur pied de guerre. Dès lors, Clausewitz aurait pu remplacer le mot “guerre” par celui de “foot”, exutoire de l’instinct guerrier qui n’est, lui-même, que de la libido sublimée, selon Freud.

  3. Hum, « la ligne claire » trouve (non sans difficulté je dois dire) des analogies historiques pour le football, pourquoi pas, c ;est après tout une lecture légère du week-end de plus.
    Par contre, ce que je reproche a cet article c’est son cote condescendant envers le football (Oh exprime avec toute la finesse de « la ligne claire »).
    Ce a quoi je dits si certains adulent le football, et si certaines sociétés les financent a travers publicités, et si le joueurs sont tatoués, et si, et si. Ils ne font du mal a personne, et personne ne nous oblige a les suivre. Qui sommes-nous pour porter de telles critiques (ok, indirectes) envers le vulgum pecus ?
    Apres tout, certains d’entre nous, lecteurs occasionnels de notre compagnon de classe (scolaire :-), gravitons dans le monde de la finance qui est loin d’être fort honorable dans certains cas !
    Que ce soit le football en Europe, le tour de France, le football américain, le rugby anglais, les jeux olympiques (full disclosure : je ne suis aucun), on peut ne pas aimer, mais soyons un peu plus indulgents envers les roi du terrain et des tifosi.

    1. Pourquoi un Ronaldo, l’ex-attaquant du Real Madrid, toucherait-il une retraite de 80 millions d’euros par an, garantis à vie (chiffres fournis par l’UEFA), lui qui se vante de n’avoir fréquenté l’école – surtout l’école buissonnière – que pendant cinq ans, quand un(e) assistant(e) d’université en Suisse, pays qui offre pourtant parmi les meilleures conditions de travail pour ses universitaires, gagne en moyenne quatre mille francs par mois après dix à quinze d’études, parfois dans plus d’une faculté, en Suisse et à l’étranger? (A titre de comparaison, le salaire officiel de base d’une personne sans formation est de 3’000.-/mois).

      Quelle indulgence faut-il avoir pour ce “roi” du terrain?

      Qui profite de cette aberration, sinon le monde si souvent immonde de la finance, dont vous parlez, et celui des mass-mediocres?

      De là à avoir de l’indulgence pour des industries moins pacifiques et plus rentables, il n’y a qu’un pas. Il est vrai que de l’Antiquité au Moyen Age, l’Eglise avait fait des indulgences un commerce très lucratif. Quoi d’étonnant dès lors si un représentant de la finance les invoque? La banque est-elle autre chose qu’une maison de tolérance?

  4. Si j’ose et sauf erreur: trophée vient du grec “τροπαιον”.
    Le grec “tropé” qui donnera le “tropaion” ci dessus, signifie un tour, un changement de direction, de “trépo” tourner: le trophée, un monument fait des prises faites à l’ennemi, marque l’endroit où celui-ci a tourné le dos.
    Vos considérations latines sont secondaires à cette étymologie grecque.

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