L’Europe n’est pas une forteresse !

Aux portes de l’Europe se joue une tragédie et la Suisse est co-autrice de la pièce. Les réfugié-e-s sont renvoyé-e-s et se voient refuser le droit de demander l’asile : Frontex, en collaboration avec les polices nationales de frontières, fait barrage.

Frontex est l’agence de garde-frontières et de garde-côtes de l’Union Européenne. Depuis sa création en 2005, son budget n’a cessé de croître, passant de 6 millions à 1,2 milliards à l’horizon 2027. Ses opérations de rapatriements et d’expulsions de réfugié-e-s sont au cœur de nombreux scandales. Frontex est visée par l’Office européen de lutte antifraude, OLAF, d’accusations de refoulements illégaux de migrant-e-s en mer Egée. Frontex est dénoncée par un nouveau rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory de défendre les intérêts de l’industrie des armes et de la surveillance plutôt que les droits humains. Frontex est poursuivie pour violation des droits humains, par deux demandeurs d’asile qui ont été violemment expulsés alors qu’ils cherchaient à être protégés par l’Union Européenne.

La Suisse porte une responsabilité directe. D’abord parce qu’elle est membre de l’espace Schengen. Ensuite parce qu’elle apporte un large soutien financier à l’agence Frontex. Le Conseil national a approuvé dernièrement un budget annuel de 61 millions de francs jusqu’en 2027, soit 5% du budget total de Frontex. Cette décision est aujourd’hui combattue par un référendum. La Suisse d’habitude peu généreuse dans tout ce qui a trait aux institutions européennes n’hésite pas – dans le cas présent – à mettre la main au portefeuille quand il s’agit de fermer les frontières de notre continent.

Si la liberté de circulation de nombreuses personnes en Europe a été garantie par les Accords de Schengen, la mise en place aujourd’hui d’un régime inhumain aux portes de l’Europe est inacceptable L’Europe n’est pas une forteresse ! Cette évolution Schengen entrave la protection des droits humains tandis que Frontex devient un géant hors contrôle et obscur aux frontières de l’Europe.

L’Europe a cru bon de considérer qu’un mur pour protéger ses frontières ne pouvait être que la seule et unique bonne réponse à la crise humanitaire. Le bilan de cette politique inhumaine désastreuse fait régulièrement la Une des médias. Et à l’intérieur de cet espace sensé être totalement hermétique, les Accords de Dublin et leurs bien connues défaillances structurelles s’appliquent et continuent de porter atteinte à la santé des personnes. Les migrant-e-s qui voyaient dans l’Europe une réponse à leur détresse, comme un modèle des droits humains et démocratie, doivent bien déchanter ! En arrivant en Europe, ils se trouvent face à des violations inacceptables de leurs s droits fondamentaux.

La Suisse a un rôle à jouer. Elle a le pouvoir d’être exemplaire et de donner un message fort à l’Union européenne et à son programme Frontex. Elle doit accompagner une migration sûre et humaine au lieu de l’empêcher par la violence. En signant ce référendum contre le financement de l‘agence de garde-frontières Frontex https://verts.ch/campagne/les-droits-humains-au-lieu-de-la-violence-aux-frontieres-stop-au-financement-de-frontex, nous apporterons une pierre à l’édifice et un signal de solidarité Le suivant sera de sortir de Frontex. Arrêtons de cautionner la ruine du droit d’asile !

La place financière suisse partenaire de la guerre ?

La Suisse interdit le financement des armes nucléaires, des armes biologiques, des armes chimiques ou encore des mines anti-personnelles. C’est une évidence mais cela ne suffit pas. La Suisse doit aujourd’hui aussi interdire le financement des producteurs de matériel de guerre. Même si son influence dans le monde est restreinte, la Suisse peut donner un signal fort aux autres pays, elle peut servir de modèle et montrer l’exemple. Et ce message s’adresse en premier lieu à la place financière : ce secteur joue souvent un rôle contradictoire par rapport aux grandes orientations politiques que nous souhaitons mener en Suisse :

  • sur la question climatique, la place financière suisse investit massivement dans les énergies fossiles alors que notre pays a l’ambition, même timide, d’en sortir (voir sur ce thème mon initiative parlementaire Les comptes de la Confédération sous le prisme du climat)
  • sur la question des guerres à travers le monde, la place financière suisse accepte de financer des producteurs de matériel de guerre, alors que notre pays se dit neutre et joue sur ses bons offices et sa diplomatie de la paix.

Cette économie de la guerre et de la mort est d’ailleurs en pleine croissance à entendre le Secrétariat d’Etat à l’économie quand il annonçait fièrement que les ventes de matériel de guerre à l’étranger avaient augmenté de 43%. Comment comprendre, aujourd’hui, cette Suisse prête à financer des conflits, de manière indirecte parfois, tout en soutenant activement le réseau diplomatique ? Si on considère par ailleurs qu’une partie des grandes décisions diplomatiques dans le monde, ayant pour but la résolution des conflits, sont prises à Genève, l’investissement de la place financière suisse dans les guerres est non seulement contradictoire mais met à mal l’image de notre canton, de notre pays, et il est fort à parier que nous pourrions payer un jour le prix de ces contradictions, si rien n’est fait rapidement.

Aujourd’hui, l’Afghanistan, le Yémen, le Soudan du Sud, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Syrie, l’Irak, le Mali, le Nigeria ou encore la Somalie sont en guerre. Des guerres qui font des morts, des ravages dans la société et dont les premières victimes sont souvent des enfants. Un récent rapport de l’ONG Save the Children précisait qu’en 2017, 18% de tous les enfants du monde – c’est-à-dire près de 420 millions d’enfants – vivaient dans des zones touchées par des conflits, soit presque 1 enfant sur 5, qui souffre de la faim, du manque d’hygiène ou d’accès aux soins de santé, autant de conséquences directes de la guerre.

Le financement de matériel de guerre n’est pas digne d’un pays neutre qui dit œuvrer pour la paix. La Suisse doit exporter son aide et des solutions pacifistes et en aucun cas exporter la guerre. Je ne veux être ni témoin, ni complice. Je refuse, sous la pression de retombées négatives qui affecteraient dans une mesure excessive l’activité de la Banque nationale suisse, mais aussi celle des fondations, des caisses de pension et des fonds de compensation, de menacer des populations entières et, par là même, de favoriser la violation des droits humains. Pour toutes ces raisons, je soutiendrai l’initiative “pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre”