Protéger le climat et renforcer la sécurité alimentaire de la Suisse

L’Initiative contre l’élevage intensif, soumise au peuple le 25 septembre 2022, veut introduire dans la Constitution la notion de dignité des animaux, interdire l’élevage intensif, garantir l’accès à l’extérieur des animaux, un nombre plus restreint d’animaux par exploitation et aligner les critères pour l’importation. Elle a de fait un impact direct sur l’environnement.

En effet, les produits d’origines animales sont responsables de 85% des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole. De plus la production animale industrielle entraîne une augmentation des émissions locales d’ammoniac : 94 % des émissions d’ammoniac au niveau national proviennent de l’agriculture. La part de l’;élevage y est de 93 %, alors que celle de la production végétale de 7 %, d’après l’OFEV.

Mais revenons un instant, 3 ans en arrière, quand le GIEC sortait son rapport intitulé « Climate Change and Land ». Il y était dit clairement que nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sans réduire nos émissions dans le domaine de l’alimentation, Or la moitié de l’impact de ce domaine est lié à notre consommation de viande. Autrement dit, nous devrons diminuer de près du tiers notre consommation carnée.

Lutter contre l’élevage intensif, c’est contribuer à résoudre les enjeux climatiques, notamment ceux de la sur-fertilisation des sols et des eaux. C’est réduire les quantités de méthane, protoxyde d’azote et d’ammoniac, gaz à effet de serre, qui impactent la qualité de l’air. C’est travailler sur la qualité de l’eau alors que, selon l’OFEV 12% des stations suisses dépassent la valeur limite de nitrates. C’est aussi lutter contre la déforestation dans le cadre d’élevage à l’étranger et d’importation de fourrage : d’après Agristat, en 10 ans les importations de fourrage ont augmenté de 27%.

La Suisse est un trop petit pays pour y abriter des centaines de millions d’animaux de rente. Elle importe 1,4 millions de tonnes d’aliments pour animaux. Ces importations permettent d’élever beaucoup plus d’animaux que ce qui serait adapté aux régions suisses.

Cette initiative amène l’agriculture vers un modèle plus durable, adapté au territoire de la Suisse et appelle à plus de sécurité alimentaire. La moitié de nos terres arables est utilisée pour nourrir les animaux de rentes, ce qui réduit notre sécurité alimentaire. En effet, la surconsommation carnée nécessite de grandes surfaces de terres agricoles. Ces terres pourraient fournir bien plus de nourriture si elles étaient davantage destinées à la culture d’aliments végétaux, dont des protéines végétales, nourrissant directement les êtres humains. D’après Bio Suisse, cinq portions de nourriture végétale peuvent être produites sur la surface nécessaire à la production d’une seule portion d’escalope de porc. La conséquence est directe : les grandes surfaces de terres utilisées pour produire de la viande dans notre pays nous mènent à devoir importer plus d’aliments pour nous nourrir tandis que le fourrage importé est responsable de déforestations mondiales.

Le Conseil fédéral le dit d’ailleurs « pour renforcer notre taux d’auto-approvisionement et notre résilience face aux crises alimentaires, l’un des moyens les plus efficaces est de réduire notre consommation de viande. » Et c’est la surconsommation carnée actuelle qui est à l’origine de l’élevage intensif. En Suisse 50 % des porcs ne voient jamais le soleil et certains ne disposent pas plus d’un mètre carré dans des halls contenant jusqu’à 1500 animaux. 90 % des poulets ne voient pas non plus le soleil tandis que les exploitations peuvent détenir jusqu’à 27’000 poulets à chair et 18’000 poules pondeuses.

En respectant le bien-être animal, nous respectons le climat et accompagnons l’agriculture vers plus de durabilité. La Suisse doit rester un pays producteur de viande, notamment grâce à ses grands pâturages, souvent en altitude. Mais cette production doit tenir compte de la dignité des animaux et de la protection de la nature. 25 ans sont à disposition, soit une génération, pour amorcer ce changement nécessaire. Et il doit pouvoir se faire avec le monde agricole.

COP26: Briser le tabou du fossile, comme seule réponse à l’urgence climatique

La COP26 devait tout mettre en œuvre pour éviter un réchauffement de 2,7 degrés. Tout mettre en œuvre, cela signifie d’avoir de l’ambition pour rassurer la population, c’est répondre concrètement et rapidement à l’urgence climatique. Les pays devaient s’engager au minimum à diviser leurs émissions de CO2 par deux d’ici 2030 comme le préconise le GIEC. Ils auraient aussi dû libérer un financement solidaire international important pour le climat. Ils ont échoué.

Nous le savons toutes et tous, les pays les plus pauvres pourront difficilement s’engager sans soutien international. C’est une question de justice puisque les pays riches et émergents sont les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre et portent donc une lourde responsabilité sur le devenir de la planète. Le financement solidaire pour le climat aurait dû d’ailleurs être additionnel à toute les formes de coopération au développement déjà engagées. Il s’agissait aussi d’investir dans les mesures d’adaptation au changement climatique. Cet enjeu central devait éviter des crises humanitaires découlant d’importants mouvements migratoires. Mais ils ont échoué.

La Suisse se dit déçue du résultat de la COP26 et d’un accord édulcoré en dernière minute, sauvant in extremis le charbon. C’est vrai les lobbies du fossile étaient les plus présents sur place, ils ont fait leur job ! Il y a de quoi être en colère et se questionner : être pris en otage et accepter un pas de fourmi ou tout abandonner parce que cela manque d’ambition. Pourtant cette même Suisse a fait clairement partie des pays les plus actifs sur le principe de compensation carbone à l’étranger, une solution de facilité.  Caricatural, la Suisse  a essayé de nous faire rêver avec son annonce d’un projet solaire déployé sur les 60 îles habitées de l’archipel Vanuatu. Oui ce sont des îles en danger avec la montée des eaux, mais la dimension de la bonne conscience achetée de la Suisse a de quoi faire sourire : la symbolique plutôt que l’ambition pour notre planète. Il est malheureusement plus facile de vendre du rêve avec des îles paradisiaques au milieu du Pacifique que de fixer des objectifs clairs de réduction, prendre des mesures concrètes, ici, chez nous, notamment dans le transport, l’aviation, le chauffage ou encore la consommation. Mais la Suisse a échoué.

La Suisse est touchée de plein fouet par le réchauffement climatique : les températures ont augmenté en moyenne deux fois plus vite chez nous que sur le reste de la planète. La Suisse cumule aussi des responsabilités, celle notamment de sa place financière qui émet 20 fois plus de CO2 que l’ensemble des ménages et de entreprises du pays. La Suisse, pays riche et innovant n’a aucune excuse pour ne pas s’engager davantage dans une réponse climatique forte. Pour certains secteurs, les solutions sont pourtant si simples à implémenter. Dans le domaine des transports par exemple avec la fin des voitures thermiques, la diminution de la taille du parc automobile, une offensive massive en faveur des transports publics et des mobilités douces. Dans le secteur de la construction avec l’assainissement des bâtiments tout en mettant la fin des chaudières à mazout ;ou encore dans le domaine de l’énergie avec un soutien sans faille aux renouvelables, dans une logique pérenne d’économie d’énergie.

Lever le tabou du fossile ou reconnaître le rôle central de la nature dans la lutte contre le réchauffement climatique ne suffira pas. Ce sont là les prémisses de la réflexion alors que nous devrions être à l’apogée de l’exercice, c’est-à-dire au moment de l’action.

A quelques mois de la COP15 sur la biodiversité, acte II, prévue à Kunming dans le sud-ouest de la Chine, rappelons, en outre, aux Etats qu’ils ne limiteront pas le réchauffement climatique sans protéger et restaurer la nature. La biodiversité est notre meilleure « assurance-vie » pour s’adapter au changement climatique tandis que le changement climatique représente lui-même une des principales menaces sur la biodiversité car il déstabilise les écosystèmes. La crise du climat et l’effondrement de la biodiversité sont intimement liés, il s’agit désormais de faire front commun.

La place financière suisse partenaire de la guerre ?

La Suisse interdit le financement des armes nucléaires, des armes biologiques, des armes chimiques ou encore des mines anti-personnelles. C’est une évidence mais cela ne suffit pas. La Suisse doit aujourd’hui aussi interdire le financement des producteurs de matériel de guerre. Même si son influence dans le monde est restreinte, la Suisse peut donner un signal fort aux autres pays, elle peut servir de modèle et montrer l’exemple. Et ce message s’adresse en premier lieu à la place financière : ce secteur joue souvent un rôle contradictoire par rapport aux grandes orientations politiques que nous souhaitons mener en Suisse :

  • sur la question climatique, la place financière suisse investit massivement dans les énergies fossiles alors que notre pays a l’ambition, même timide, d’en sortir (voir sur ce thème mon initiative parlementaire Les comptes de la Confédération sous le prisme du climat)
  • sur la question des guerres à travers le monde, la place financière suisse accepte de financer des producteurs de matériel de guerre, alors que notre pays se dit neutre et joue sur ses bons offices et sa diplomatie de la paix.

Cette économie de la guerre et de la mort est d’ailleurs en pleine croissance à entendre le Secrétariat d’Etat à l’économie quand il annonçait fièrement que les ventes de matériel de guerre à l’étranger avaient augmenté de 43%. Comment comprendre, aujourd’hui, cette Suisse prête à financer des conflits, de manière indirecte parfois, tout en soutenant activement le réseau diplomatique ? Si on considère par ailleurs qu’une partie des grandes décisions diplomatiques dans le monde, ayant pour but la résolution des conflits, sont prises à Genève, l’investissement de la place financière suisse dans les guerres est non seulement contradictoire mais met à mal l’image de notre canton, de notre pays, et il est fort à parier que nous pourrions payer un jour le prix de ces contradictions, si rien n’est fait rapidement.

Aujourd’hui, l’Afghanistan, le Yémen, le Soudan du Sud, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Syrie, l’Irak, le Mali, le Nigeria ou encore la Somalie sont en guerre. Des guerres qui font des morts, des ravages dans la société et dont les premières victimes sont souvent des enfants. Un récent rapport de l’ONG Save the Children précisait qu’en 2017, 18% de tous les enfants du monde – c’est-à-dire près de 420 millions d’enfants – vivaient dans des zones touchées par des conflits, soit presque 1 enfant sur 5, qui souffre de la faim, du manque d’hygiène ou d’accès aux soins de santé, autant de conséquences directes de la guerre.

Le financement de matériel de guerre n’est pas digne d’un pays neutre qui dit œuvrer pour la paix. La Suisse doit exporter son aide et des solutions pacifistes et en aucun cas exporter la guerre. Je ne veux être ni témoin, ni complice. Je refuse, sous la pression de retombées négatives qui affecteraient dans une mesure excessive l’activité de la Banque nationale suisse, mais aussi celle des fondations, des caisses de pension et des fonds de compensation, de menacer des populations entières et, par là même, de favoriser la violation des droits humains. Pour toutes ces raisons, je soutiendrai l’initiative “pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre”