Aéroport: les nuisances qu’on importe et qui explosent

Un aéroport atteignable à pied ou à vélo est l’expression même d’un aéroport urbain. C’est la définition aussi de l’aéroport de Genève, à proximité immédiate de nombreuses habitations, à Vernier, Meyrin, au Grand-Saconnex, à Versoix en passant par Genthod, Satigny ou Bellevue.

En 10 ans, l’aéroport de Genève a doublé sa capacité voyageur, accueillant aujourd’hui 18 millions de passager.ère.s par an. Ce rythme de croissance ne devrait pas décliner puisque les perspectives promettent 25 millions de passager.ère.s à l’horizon 2030, soit 650 vols par jour, autrement dit un avion qui atterrit ou décolle toutes les 90 secondes 18 heures sur 24. Si la plupart des vols exportent des passager.ères.s, les nuisances, elles, s’importent et explosent. La qualité de l’air s’est largement dégradée, le bruit, en pics réguliers, est devenu la norme et la valeur des biens immobiliers a dégringolé. Un bien triste paysage pour les 100’000 habitant.e.s, directement impacté.e.s, soit une personne sur cinq dans le canton de Genève.

L’aéroport est pourtant un établissement autonome lié à l’Etat. Il est juste de confirmer aujourd’hui son caractère public et de revendiquer une meilleure gouvernance, plus de transparence et une large consultation dans les décisions. L’aéroport a tout intérêt à s’intégrer au mieux dans son environnement direct. Les levées de boucliers des riverain.e.s, des communes, tout parti confondu, des associations environnementales traduisent un vrai malaise.

Alors que Paris figure en deuxième place dans les destinations les plus courues depuis Genève et Zurich en sixième position, et que la trêve nocturne est toujours plus écourtée, décloisonnons le débat de l’aéroport et soutenons l’initiative pour un pilotage démocratique de l’aéroport, en votation le 24 novembre. Loin des décisions hors sol, prises dans une tour d’Ivoire, le destin de l’aéroport nous concerne et nous avons notre mot à dire.

Le pétrole, pierre d’achoppement et âge de pierre

Il y a un peu moins d’une année, le Conseil national édulcorait complètement la loi sur le CO2, lui donnant aucune chance d’accéder aux exigences des accords de Paris. C’est le Conseil des Etats, des mois plus tard, qui prendra un peu de hauteur, plaçant la taxe CO2 au cœur du débat. Mais est-il monté assez haut ? Répond-il désormais à l’appel des 100’000 manifestants et manifestantes pour le climat ?

Loin d’une révolution, la loi sur le CO2, revisitée par le Conseil des Etats, active les justes leviers, à savoir la taxe sur le CO2. Selon le principe du pollueur-payeur, ce système incitatif de malus bonus permet de prélever sur les technologies polluantes et de redistribuer l’argent à la population et dans des projets durables. C’est le cas de la taxe C02 sur le mazout dont les deux tiers de la taxe retournent à la population via les assurances maladies et aux entreprises via les factures de l’AVS. Le tiers restant est transformé en subvention pour inciter les propriétaires à isoler leur bâtiment et investir dans des chauffages hors fossile. Cette taxe existait déjà avant le passage au Conseil des Etats mais a été renforcée.

La taxe CO2 sur les billets d’avion, comme nouvelle mesure, fonctionne sur le même principe, à savoir la constitution d’un fond climat pour des mesures de réductions d’émissions de CO2. Ce fond pourrait directement financer des projets ferroviaires en étoffant l’offre de trains de nuit en Europe. En dix ans, les trains de nuit ont été littéralement démantelés, tandis que l’offre de « low cost » a explosé, avec des prix dégriffés, sans aucune taxe sur le kérosène et dont l’impact environnemental est désastreux. Pour rappel, le trafic aérien correspond à un quart des émissions du canton de Genève.

La mobilité, de son côté, est un des rares domaines qui n’atteint pas du tout ses objectifs de réduction d’émission de CO2. L’année passée encore, la vente de voiture 4×4 battait son record en Suisse ! La taxe CO2 sur l’essence n’est malheureusement toujours pas à l’ordre du jour, elle permettrait pourtant de bouger les lignes et de s’affranchir à terme de la voiture thermique comme le feront courageusement la Norvège, la Suède, l’Islande, l’Irlande et la Hollande à l’horizon 2025 et 2030.

A la question, le Conseil des Etats a-t-il répondu aux 100’000 manifestantes et manifestants pour le climat ? La réponse est non. S’il va désormais dans la juste direction, il ne va ni assez loin ni assez vite ! Sans conteste, le pétrole, âge de pierre, est la pierre d’achoppement: sortir de la crise c’est sortir du pétrole !

Places de parc, un discours suranné

Une large coalition votait, il y a quelques jours au Grand Conseil genevois, un assouplissement de la loi sur la compensation des places de parking. D’une seule voix, de gauche à droite avec le soutien des milieux économiques et environnementaux, chacun.e disait vouloir rompre avec l’inertie de la mobilité à Genève. Une inertie en bonne partie causée par cette loi sur la compensation, posant les places auto sur un piédestal.

L’allègement de cette loi était donc un passage obligé pour opérer quelques avancées – pas une révolution, oh non! – et commencer à appliquer enfin la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, acceptée par près de 68% des genevois.es.

Les 4’000 places de parcs supprimées par la nouvelle loi sont aujourd’hui dans le viseur du TCS qui lance, presque seul contre tous, un référendum. 4’000 places sur les 220’000 que compte le canton, en surface et en ouvrage, c’est moins de 2% de l’ensemble du parc. Moins de 2% pour servir des dizaines de milliers de piétons, de cyclistes et d’usager.ère.s de transports publics. Moins de 2% pour amorcer enfin le tournant d’une autre mobilité à Genève. A Berne, on vit sur une autre échelle : la ville prévoit la suppression de la moitié des places de parking, soit le 50% de son parc.

Genève pourtant se démotorise, elle aussi, et perd 1’600 voitures l’année passée tandis qu’un ménage urbain sur deux n’a plus d’autos. Le TCS genevois préfère quant à lui tourner le dos à l’avenir, en maintenant son discours d’arrière-garde, son discours suranné.

Quand le minéral emporte le végétal

Les constats se répètent, année après année. Les derniers rapports du GIEC sont alarmants tandis que les accords de Paris ne sont toujours pas atteints. Dans les scénarios climatiques, Genève serait la ville de Suisse qui subirait la plus forte augmentation de température, et notamment du nombre de jours de canicule, qui devrait passer de 15 jours par an à 35 jours par an d’ici à 2060. Une raison suffisante, semble-t-il, pour sauver les vieux arbres genevois qui, non seulement, rafraîchissent l’air avec leurs grandes ombres mais ont une grande vertu, encore trop méconnue : le stockage de CO2. Car les grands et vieux arbres séquestrent efficacement la pollution et sont, de fait, de véritables puits de carbone, gratuits et existants.

Genève, toutefois, ne semble pas avoir toujours compris ce phénomène. De vieux arbres, parfois de majestueux centenaires, se font ainsi quotidiennement abattre dans le canton, tandis que les jeunes arbres plantés en compensation mettront des décennies avant de séquestrer, à leur tour, autant de ce maudit carbone. Que penseraient désormais les vieux chênes du bien-nommé chemin de la Chênaie remplacés par de maigrichons rejetons ou les pins centenaires de l’avenue Henri-Golay aujourd’hui supplantés par une place de jeu ironiquement construite de bois mort ?

Ce ne sont que des exemples épars, car ces abattages se répètent des centaines, des milliers de fois dans le canton. On les retrouve annoncés dans la Feuille d’Avis Officielle (FAO). On pouvait notamment y lire le 12 septembre dernier la publication de 90 abattages, souvent accompagnés de la formule lapidaire « L’autorisation d’abattage est exécutoire nonobstant recours » avec une triste liste à la Prévert des condamnés : bouleau, charme, chêne, épicéa, érable, frêne, hêtre, liquidambar, marronnier, orme, peuplier, pin, prunus, robinier, sapin, savonnier et tilleul.

Pendant ce temps-là, la ville se réchauffe et l’administration crée de nouvelles places, toujours si minérales. A la Jonction, sur la stérile place centrale de l’écoquartier d’Artamis, pas un brin d’herbe ne pousse. Ou encore à la place récemment réaménagée devant le Département du Territoire, où des planches viennent de remplacer des buissons, qui végétaient depuis longtemps.

Il s’agit aujourd’hui de densifier la nature en ville, de maintenir au maximum les grands arbres et de favoriser par tous les moyens la végétalisation des milieux urbains. D’après la sérieuse étude Nos arbres, Genève manque d’arbres, il faudrait en planter 9,6 km2 d’ici à 2050. Chiche !

Patience, cyclistes, patience encore !

Il y a un an, presque jour pour jour, la population suisse acceptait à 73,6% l’arrêté fédéral vélo en votation populaire.
Si les cyclistes ont changé de statut au sein du Parlement fédéral, devenant enfin, grâce aux débats autour de l’initiative de PRO VELO et de son contre-projet, un thème national, il reste beaucoup de chemin à parcourir. Du chemin cyclable à parcourir et des kilomètres à rattraper.

A Genève, la part modale des déplacements à vélo se situe à 5%, à Zürich, le pourcentage monte à 8%, avec un objectif de 20% à l’horizon 2030. A Strasbourg il est à 15% ou encore à Copenhague où il atteint 35% avec la volonté politique affichée d’atteindre 50% dans dix ans. L’absence d’aménagements sécurisés est le principal frein à l’utilisation du vélo. Notre marge de progression est donc immense et le temps semble si long !

Pourtant le vélo a mille avantages, en particulier dans les villes suisses, qui toutes, sont à échelle humaine. Le vélo est un des moyen de transport les plus efficaces pour un déplacement sur une distance jusqu’à 5 kilomètres, sachant que 30% des déplacements motorisés font moins de 3 kilomètres. Le vélo est un moyen de transport individuel par excellence qui permet de réaliser le principe de « porte à porte » sans problème de stationnement. Le vélo est excellent pour la santé, il baisse la tension artérielle et réduit les risques d’infarctus. L’Office fédéral du développement territorial estime d’ailleurs son utilité sanitaire à plus d’un milliard de francs par année. Le vélo ménage l’environnement alors que le trafic motorisé est la source la plus importante d’émissions de CO2. Selon l’OFEV, 66% des émissions de CO2 est imputable au trafic individuel motorisé. Rouler à vélo contribue de manière efficace et durable à diminuer la pollution de l’air et le bruit. Se déplacer à vélo décharge les routes et les transports publics, en particulier aux heures de pointe et aménage l’espace public pour un usage diversifié.

Il faut être patiente quand on est cycliste ! Face à tant d’évidences, le vélo n’est pourtant toujours pas prioritaire et les aménagements cycla bles restent lacunaires. Donnons un grand coup de pédale et faisons enfin les vrais choix en matière de mobilité. La présente motion, que j’ai déposée au Grand Conseil cet été, demande, par exemple, la réalisation de six nouvelles voies vertes à Genève dans un délai de 3 ans. Soyons ambitieuses et rentrons enfin dans l’air du vélo.

La terre brûle

Tandis que les forêts brûlent en Amazonie, la terre, elle, brûle aussi. Le GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publiait dernièrement un rapport spécial sur l’impact de l’agriculture et de l’alimentation sur le réchauffement climatique. Les résultats sont accablants : au niveau mondial, l’agriculture est responsable d’un tiers des gaz à effet de serre. Sur une terre qu’on exploite toujours plus, parce qu’on mange toujours plus de viande, parce qu’on utilise toujours plus de pesticides pour augmenter les rendements, parce qu’on importe toujours plus et de toujours plus loin.
Il est urgent de repenser la manière dont on se nourrit ! Cela se joue au niveau des pratiques de chacune et chacun mais aussi des politiques à mener à petite et grande échelle. Jamais nous n’avons produit et consommé autant de viande qu’aujourd’hui. On parle d’une consommation moyenne de 100 kilos de viande par habitant.e et par an dans les pays dits riches, soit une consommation qui a doublé en 50 ans.

En parallèle, le « plan de réduction des pesticides en Suisse » confirme que notre marge de progression pour limiter drastiquement les pesticides est énorme. A Genève, sur 350 exploitations agricoles, seules 10% sont en culture biologique. L’agriculture biologique travaille pourtant en harmonie avec la nature, recherchant l’équilibre optimal entre les plantes, le sol, les animaux, les agricultrices et agriculteurs. Cette agriculture a besoin de notre soutien, en tant que consommateur et consommatrice mais aussi en tant que politique.
Toutefois, les multinationales de l’agrochimie et de l’agroalimentaire sont un obstacle majeur au développement de l’agriculture biologique, locale à taille humaine. Leur domination du marché a entraîné une diminution de la diversité des productions agricoles et de l’innovation. Ce marché mondial s’étend bien sûr jusqu’au Brésil, où la déforestation par incendie, sert les intérêts financiers de l’élevage bovin intensif et de la monoculture de soja.

Il s’agit aujourd’hui de relocaliser notre agriculture, de soutenir nos agricultrices et agriculteurs, car nous avons besoin d’elles et d’eux, d’assurer notre souveraineté alimentaire par des politiques promouvant la sécurité alimentaire et celle des écosystèmes. En Amazonie, la forêt brûle pour les terres agricoles. Mais quand la forêt brûle, la terre, notre terre nourricière, brûle aussi.

Le palmarès du vote vert – Elections européennes

La vague verte atteint toute l’Europe. Si le score de l’Allemagne, propulsant les Vert.e.s en deuxième place, était presque attendu, les résultats en France, en Irlande, en Finlande ou en Angleterre marquent un important tournant.

En Allemagne, les Vert.e.s sont le premier parti dans la plupart des grandes villes. Les Vert.e.s obtiennent ainsi le 33% des voix à Cologne, ou encore 31% à Münich, Francfort ou Hambourg, ou un plus « modeste » 28% à Berlin. Notons en outre le score historique de Freiburg en Brisgau (au nord-ouest de Bâle) avec 38% de vote vert. Pas si étonnant, considérant la ville de Freiburg comme un modèle en matière de quartiers durables. En effet, le quartier Vauban, construit dès 1996 sur les 40 hectares d’une ancienne caserne militaire, est un des plus grand écoquartier d’Europe, qui ne tolère les voitures que dans quelques « rues de jeu » (« Spielstrassen »), à condition qu’elles ne dépassent pas les 6 km/h.

Dans plusieurs villes françaises, le vote vert séduit entre un quart et un cinquième des votant.e.s : Nantes avec 26%, Grenoble 22%, Toulouse, Lyon, Bordeaux 21%, Strasbourg 20% ou Paris intra-muros 19%.

Dans la région de Genève, le vote vert s’élève à environ 20%, que ce soit à Thonon, Annecy, St-Julien (Haute-Savoie) ou encore Ferney-Voltaire et Gex (Ain). C’est un signal fort pour une région qui doit se penser et se construire au-delà des frontières, c’est la voie verte à un projet d’agglomération durable et solidaire. Place notamment à la mobilité douce, au Léman express et autres développements ferroviaires, aux quartiers durables, aux corridors biologiques et à une agriculture de proximité, par delà les frontières.

Pour l’anecdote, la palme d’or du vote vert revient à la petite commune d’Alando, perchée dans les montagnes corses, qui obtient 95% de votes verts.

Le climat, de la parole aux actes

A Genève, la concentration d’ozone dans l’air dépasse depuis plusieurs jours les valeurs limites et l’aéroport de Cointrin poursuit sa folle croissance. En Suisse, une voiture sur deux vendues en 2018 était un véhicule 4×4 tandis que la majorité du Conseil national vient d’augmenter d’un milliard le crédit pour réaliser de nouvelles routes. Sans oublier l’exportation d’armes dans les pays en conflit, et ce en toute impunité. Ce bien triste tableau se heurte pourtant à des levées de boucliers, toujours plus puissantes.

Ce sont les marches pour le climat qui se multiplient, attirant des dizaines de milliers de jeunes et de moins jeunes. Ce sont aussi les derniers succès des Verts à Zurich et à Lucerne ou les avancées notoires au Grand Conseil genevois sur le plastique, les pesticides, la taxation des billets d’avion ou encore la récolte fructueuse de signatures pour le référendum contre la perte de 14 hectares de terres agricoles au Pré-du-Stand au Grand Saconnex.

La mobilisation de chacune et chacun porte ses fruits. On ne peut plus se satisfaire d’intention ou d’orientation, il faut agir, par des actions concrètes ancrées dans notre quotidien et dans nos actes politiques. Le climat se décline dans toutes les politiques publiques : la mobilité, la biodiversité, l’énergie, la consommation, l’égalité, … Au niveau individuel, c’est apporter son propre bol au resto take away thai, consommer moins ou pas de viande, privilégier les aliments biologiques et locaux, se déplacer à vélo ou refuser un week-end en avion à Barcelone. Au niveau politique, c’est créer un terrain fertile pour que ces pratiques quotidiennes deviennent la réalité de toutes et tous. C’est ensemble que nous devons revendiquer nos exigences pour sauver le climat.

Chaque seconde la Suisse bétonne un mètre carré de son territoire

C’est comme une tâche d’huile, comme une coulée de benzine. Le béton se répand sur le sol à vive allure. Ce phénomène, que l’on appelle mitage du territoire, étalement urbain ou dispersion des constructions n’est pas nouveau : en 33 ans, on a bétonné en Suisse une surface égale au lac Léman.
Cette course folle n’est pas prête de s’arrêter et sévit tous les jours.

Quotidiennement, la superficie de 8 terrains de football de terres agricoles disparaît sous le béton. En comparaison, cela reviendrait à bétonner, tous les quatre jours, une surface équivalente à la vieille ville de Genève soit la somme de 90 vieilles villes sur une année. En d’autres termes, chaque 24 heures, la superficie nouvellement urbanisée correspond à l’espace requis pour 6’400 stationnements automobiles. Chaque seconde la Suisse bétonne donc près d’un mètre carré de son propre territoire.

Ce sont autant d’images révélatrices d’une catastrophe programmée. A quand une ville ininterrompue entre Genève et Lausanne ? Ou entre Berne et Zürich ? Cette dissémination du bâti, faisant échos à des modes de vie toujours plus énergivores, amène une augmentation du trafic et de nouvelles constructions routières, qui, à leur tour, contribuent à l’usure du sol.

Chaque nouvelle brique de béton posée dans un champ asphyxie la terre et détruit un morceau de notre vie. Celle qui nous nourrit de son agriculture et de ses paysages. Préférons la contemplation, la biodiversité et l’agriculture de proximité, l’initiative stop mitage nous le rappelle si justement.

Une pierre à l’édifice de l’égalité

Depuis 1981, sous l’égide de l’article 8 de la Constitution fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, le droit suisse a été régulièrement modifié pour corriger d’importantes inégalités. Ces avancées montrent l’ampleur du chemin parcouru. Mais la route est longue et encore largement semée d’obstacles. Valoriser la place des femmes dans la société ou dans le monde politique en particulier n’est pas un acte acquis.

Elles sont en moyenne 27,4% à siéger dans un législatif cantonal en Suisse et elles étaient 24% à siéger au Grand Conseil genevois lors de la dernière élection en 2013. La proportion est encore plus faible dans les exécutifs, où les femmes doivent par ailleurs se battre pour y maintenir leur place. Le cas des Conseillères d’Etat genevoises, ces dix dernières années est éloquent : toutes, tous partis confondus, ont été attaquées et fortement discréditées, un moment ou un autre de leur législature, allant jusqu’à impacter leurs réélections.  Ont-t-elles réellement démérité ? Sont-elles moins compétentes que les hommes ? Ont-t-elles gravement failli à leur fonction ? Loin de tout cela ! Elles ont de commun qu’elles sont femmes et qu’en politique, on ne leur pardonne rien, au contraire elles doivent redoubler de compétence et multiplier les exigences.

Aujourd’hui encore, les femmes sont sous-représentées dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne, comme en politique. Il suffit de lever les yeux dans l’espace public soit notre espace commun à toutes et tous, pour s’apercevoir que seulement 4,5% des noms des rues portent le nom d’une femme. En effet, à Genève sur les 700 rues pourtant le nom d’un personnage célèbre, 31 font référence à une grande dame. La question de l’égalité se joue à chaque coin de rue. La bataille est loin d’être remportée mais chaque pas est une victoire. A ce titre, une motion que j’ai déposée sur le sujet au Grand Conseil, et soutenue à la quasi unanimité, porte ses fruits aujourd’hui : on vient de baptiser de nouvelles rues aux Eaux-Vives et à Vernier au nom de femmes.

L’élection récente de deux femmes politiques brillantes et engagées, ailleurs dans le monde, donne aussi espoir. Elles sont atypiques et font certainement de la politique autrement. En Nouvelle Zélande, Jacinda Ardern, 37 ans, DJ dans son temps libre, est la troisième femme à être Première ministre dans ce pays progressiste qui est le premier à avoir accordé le droit de vote aux femmes en 1893. En Islande, Katrin Jakobsdottir, 41 ans, critique célèbre de romans policiers et présidente du Parti écologique de gauche, devient la deuxième femme à diriger l’Islande. Deux femmes dans deux pays dont le PIB est élevé et démontrent à quel point, au-delà de la quête éthique de l’égalité, l’accès des femmes à des postes clé est aussi un atout pour l’économie.

Le 15 avril prochain à Genève, nous pouvons faire les bons choix, pour une société plus égalitaire et plus juste. Gageons que le  Grand Conseil et le Conseil d’Etat soient plus féminins pour apporter une nouvelle pierre à l’édifice de l’égalité.