COP26: Briser le tabou du fossile, comme seule réponse à l’urgence climatique

La COP26 devait tout mettre en œuvre pour éviter un réchauffement de 2,7 degrés. Tout mettre en œuvre, cela signifie d’avoir de l’ambition pour rassurer la population, c’est répondre concrètement et rapidement à l’urgence climatique. Les pays devaient s’engager au minimum à diviser leurs émissions de CO2 par deux d’ici 2030 comme le préconise le GIEC. Ils auraient aussi dû libérer un financement solidaire international important pour le climat. Ils ont échoué.

Nous le savons toutes et tous, les pays les plus pauvres pourront difficilement s’engager sans soutien international. C’est une question de justice puisque les pays riches et émergents sont les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre et portent donc une lourde responsabilité sur le devenir de la planète. Le financement solidaire pour le climat aurait dû d’ailleurs être additionnel à toute les formes de coopération au développement déjà engagées. Il s’agissait aussi d’investir dans les mesures d’adaptation au changement climatique. Cet enjeu central devait éviter des crises humanitaires découlant d’importants mouvements migratoires. Mais ils ont échoué.

La Suisse se dit déçue du résultat de la COP26 et d’un accord édulcoré en dernière minute, sauvant in extremis le charbon. C’est vrai les lobbies du fossile étaient les plus présents sur place, ils ont fait leur job ! Il y a de quoi être en colère et se questionner : être pris en otage et accepter un pas de fourmi ou tout abandonner parce que cela manque d’ambition. Pourtant cette même Suisse a fait clairement partie des pays les plus actifs sur le principe de compensation carbone à l’étranger, une solution de facilité.  Caricatural, la Suisse  a essayé de nous faire rêver avec son annonce d’un projet solaire déployé sur les 60 îles habitées de l’archipel Vanuatu. Oui ce sont des îles en danger avec la montée des eaux, mais la dimension de la bonne conscience achetée de la Suisse a de quoi faire sourire : la symbolique plutôt que l’ambition pour notre planète. Il est malheureusement plus facile de vendre du rêve avec des îles paradisiaques au milieu du Pacifique que de fixer des objectifs clairs de réduction, prendre des mesures concrètes, ici, chez nous, notamment dans le transport, l’aviation, le chauffage ou encore la consommation. Mais la Suisse a échoué.

La Suisse est touchée de plein fouet par le réchauffement climatique : les températures ont augmenté en moyenne deux fois plus vite chez nous que sur le reste de la planète. La Suisse cumule aussi des responsabilités, celle notamment de sa place financière qui émet 20 fois plus de CO2 que l’ensemble des ménages et de entreprises du pays. La Suisse, pays riche et innovant n’a aucune excuse pour ne pas s’engager davantage dans une réponse climatique forte. Pour certains secteurs, les solutions sont pourtant si simples à implémenter. Dans le domaine des transports par exemple avec la fin des voitures thermiques, la diminution de la taille du parc automobile, une offensive massive en faveur des transports publics et des mobilités douces. Dans le secteur de la construction avec l’assainissement des bâtiments tout en mettant la fin des chaudières à mazout ;ou encore dans le domaine de l’énergie avec un soutien sans faille aux renouvelables, dans une logique pérenne d’économie d’énergie.

Lever le tabou du fossile ou reconnaître le rôle central de la nature dans la lutte contre le réchauffement climatique ne suffira pas. Ce sont là les prémisses de la réflexion alors que nous devrions être à l’apogée de l’exercice, c’est-à-dire au moment de l’action.

A quelques mois de la COP15 sur la biodiversité, acte II, prévue à Kunming dans le sud-ouest de la Chine, rappelons, en outre, aux Etats qu’ils ne limiteront pas le réchauffement climatique sans protéger et restaurer la nature. La biodiversité est notre meilleure « assurance-vie » pour s’adapter au changement climatique tandis que le changement climatique représente lui-même une des principales menaces sur la biodiversité car il déstabilise les écosystèmes. La crise du climat et l’effondrement de la biodiversité sont intimement liés, il s’agit désormais de faire front commun.

Delphine Klopfenstein Broggini

Delphine Klopfenstein Broggini est conseillère nationale et présidente des Vert-e-s genevois-es. Elle est membre des commissions de l'environnement, de l'énergie et de l'aménagement du territoire et des institutions politiques. Au niveau associatif, elle est membre du comité de Pro Natura et vice-présidente de Pro vélo suisse. Elle est sociologue de formation.

9 réponses à “COP26: Briser le tabou du fossile, comme seule réponse à l’urgence climatique

  1. La variation actuelle du climat planétaire est en grande partie d’origine anthropique et de ses besoins en énergie pour alimenter ses activités économiques. Homo erectus a découvert le feu, puis Homo sapiens a utilisé sa force musculaire humaine, puis il est passé aux animaux de trait, à la force du vent (éoliennes) et de l’eau (moulins, barrages), pour finalement arrivé aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), à la biomasse (méthane), au nucléaire (fission, bientôt fusion), au photovoltaïque (soleil) et à l’ hydrogène. De multiples projets sont en cours.
    La question principale va être le choix entre ces différentes sources d’énergies (mixte énergétique), de leurs réserves disponibles et des conséquences de leur utilisation (respect de notre environnement et de notre biodiversité.

    1. Deux petites remarques:
      1/ Pour avoir travaillé dans le domaine (à l’EPFL), je ne pense pas qu’on puisse dire que la fusion soit réellement pour “bientôt”. Du moins si on pense à une production industrielle d’électricité de cette manière. Après six décennies (!) de recherches et développements intensifs et des sommes énormes investies, on n’est même pas encore arrivé vraiment à faire la démonstration de la possibilité du “breakeven” (autant d’énergie produite par fusion dans l’installation que celle qu’il a fallu investir pour produire en quantité suffisante les réactions de fusion). Et même quand cette démonstration aura été faite (là, effectivement, bientôt espérons-le), il y aura encore loin d’un tokamak expérimental à un réacteur de fusion commercialement viable. Il faudra parvenir à régénérer le tritium (un atome de deutérium + un atome de tritium par fusion) qu’on ne trouve pas dans la nature, or il faut un neutron interagissant avec du lithium pour cela … avec seulement un neutron émis par réaction de fusion et il y aura forcément des pertes et des absorptions (il y a des possibilités de multiplication neutronique, mais ce n’est pas simple). Il faudra aussi parvenir à extraire l’énergie produite d’une machine toroïdale et entourée d’enroulements magnétiques complexes, qu’il sera par ailleurs nécessaire de démonter tous les 2-3 ans max. pour changer la première paroi du tore, fortement contaminée au tritium radioactif qui plus est! Un vrai casse-tête technique et économique.
      2/ L’hydrogène n’est pas une ressource énergétique, mais seulement un vecteur énergétique qui permet de stocker et transporter de l’énergie produite à partir d’une autre source (en particulier toutes celles qui permettent de produire de l’électricité).

  2. Il n’y a pas que le tabou du fossile , mais aussi le tabou de la surpopulation !
    Même si on trouve des solutions pour se passer des fossiles, on ne trouvera pas de solutions à la surpopulation qui détruit tout sur son passage , qui détruit les forêts pour se nourrir et se chauffer et par conséquent réduit la biodiversité , comme à Madagascar qui n’émet pas beaucoup de CO2 , mais détruit malgré tout toute la faune endémique qui y vit !!!
    On note aussi l’utilisation de la pêche à l’explosif qui lamine les coraux et sa biodiversité …
    Cette obsession anti fossile est un cache misère face à la plus grande menace de la planète !
    J’ajoute que la crainte d’une envolée rapide de la température est infondée : les océans constitue un réservoir considérable capable d’absorber 1000 fois plus d’énergie que l’atmosphère et par conséquent limite le réchauffement à 0.5°C par siècle . Les échanges thermiques entre ces deux environnements sont réglés selon des cycles , comme par exemple pendant les minima de 1910 et 1975 et qui reviendra bientôt …

    1. Eh oui! Il y a certainement surpopulation, où? dans les pays les plus pauvres: mais leur seule richesse c’est d’avoir des enfants qui les entretiendrons dans leurs vieux jours …. Aux USA on voit des fanatiques anti-avortements intervenir de façon complètement démesurée et violente . En Europe on manque de main d’œuvre, car on veut toujours plus, mais on ne veut pas d’étrangers. Comment faire , qui éliminer, les riches pourraient vivre les autres sont de trop

  3. Cette COP26 est un désastre complet. Ce n’est même plus une question de honte ou de perte de l’honneur, c’est notre pronostic vital qui est engagé à l’avance. Maintenant, nos efforts ne seront plus orientés à sauver les meubles, mais simplement à survivre. En Suisse, il va faire sec, ça, c’est certain. Tellement sec qu’au bout d’un certain temps, il faudra déserter des régions devenues désertiques, faute d’eau.

  4. En toutes lettres, vous portez une appréciation très sévère sur l‘apport de “la Suisse” à la COP 26. Exemples: “… une solution de facilité”, à laquelle la Suisse adhère à propos de la compensation carbone; “Caricatural, la Suisse a essayé de nous faire rêver …” avec la montée des eaux de l’archipel Vanuatu; “…la dimension de la bonne conscience achetée de la Suisse a de quoi faire sourire”; “La Suisse a échoué”. Etc., …
    Au fait, de quelle “Suisse” parlez-vous? Celle du conseil fédéral, ou plutôt celle de la CF Sommaruga, qui prend ses options personnelles pour des réalités? Celle des Verts, qui, après une léthargie surprenante pré-COP, se répandent maintenant dans les médias pour fustiger notre immobilisme (Cf. les blogs de Francine Pellaud et d’Adèle Thorens Goumaz – articles auxquels mes griefs s’appliquent par extension)? Quel est l’apport spécifique des Verts suisses à la Cop 26? Pour Verts et PS, qui ne semblent plus tout à fait d’accord, il n’y a pas de quoi pavoiser.
    La “Suisse” qui n’a pas parlé, c’est la “Suisse” du peuple. Celle à laquelle la majorité de la classe politique impose tout, non seulement pour ne pas l’entendre sur ces questions, mais s’évertue même à l’induire en erreur, depuis la préparation de la COP 21 de Paris, et depuis l’aberrante Stratégie Energétique 2050. De même que la concertation populaire préalable n’a pas eu lieu dans ces deux cas, il n’y a pas eu de débat démocratique sérieux sondant les aspirations de la population sur les enjeux de la COP 26.
    Nous payerons encore longtemps ce déficit de dialogue entre la sphère politico-médiatique et les citoyens.

  5. Vous savez très bien que nous (Europe, Suisse), nous n’avons pas les cartes en main. Même en vivant comme au Moyen-âge, rien ne changera, parce que nos rejet de CO2 sont moindre et en diminution, alors qu’ailleurs, c’est en forte augmentation.
    Les démocraties s’inquiètent du climat ailleurs, on s’en fout, ils ont d’autres priorités.

    Une fois dit tout ça, on constate qu’on ne peut faire qu’une chose, la recherche pour prévenir tous scénarios possible.
    Quant au climat en Suisse, on a plein de rigolos qui donnent leur avis, pourtant personnes n’est capable d’affirmer quoi que ce soit avec assez de certitude: Pluvieux, sec, comme maintenant ?
    Alors que l’ONU nous parle de +2.7°pour la planète, un autre parle de +1.7°….Les idioties de fin du monde décrédibilisent malheureusement les scientifiques.

    Je suis pour la décarbonisation pour des raisons de pollutions/santé et stratégique dans un monde de plus en plus instable. Il nous faut être indépendant dans le domaine de l’énergie. Une crise lié aux énergies fossiles, et c’est l’économie qui vacille, genre un conflit en Asie.
    Et donc accessoirement pour le climat, parce que de toute façon, nos efforts n’auront de l’utilité que pour la bonne conscience, mais sans effet sur le climat en tant que petit émetteur de CO2. C’est la Chine, l’Inde et bientôt certain pays d’Afrique qui décideront du climat de demain.

    Il n’y a pas d’urgence climatique puisqu’on n’a pas les cartes en main, mais une urgence stratégique qui elle, ne peut attendre 2050. Ce qui se passe en Chine fait frémir beaucoup de diplomates, et le CF est totalement amorphe face à une situation mondiale qui se détériore. Je suis certain que le CF est inquiet, mais il reste dans une passivité coupable.

    Les Verts devraient sortir du monde bisounours et élargir le débat sur une menace plus réelle et proche et donner comme solution : L’indépendance énergétique sur les énergies fossiles.
    C’est donc une cause commune pour les Verts et ceux qui se projettent sur l’avenir dans un contexte mondiale qui vire à l’orange. Peut-être qu’à droite, des inquiétudes naissent aussi, et c’est le moment de s’unir sur ce sujet.

    1. certes l’europe ne pollue pas trop , mais elle pourrait agir (si elle en avait le courage ) en éliminant déja tous les vols et paquebots qui viennent en Europe ! car notre destination est très prisée ! evidemment , ce serait pratiquement un suicide économique, tant le tourisme est une part importante pour l’europe ….

      comment faire de la rétorsion envers les pays pollueurs ? c’est sans doute de ce coté là qu’il va falloir creuser !!!

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