Le pétrole, pierre d’achoppement et âge de pierre

Il y a un peu moins d’une année, le Conseil national édulcorait complètement la loi sur le CO2, lui donnant aucune chance d’accéder aux exigences des accords de Paris. C’est le Conseil des Etats, des mois plus tard, qui prendra un peu de hauteur, plaçant la taxe CO2 au cœur du débat. Mais est-il monté assez haut ? Répond-il désormais à l’appel des 100’000 manifestants et manifestantes pour le climat ?

Loin d’une révolution, la loi sur le CO2, revisitée par le Conseil des Etats, active les justes leviers, à savoir la taxe sur le CO2. Selon le principe du pollueur-payeur, ce système incitatif de malus bonus permet de prélever sur les technologies polluantes et de redistribuer l’argent à la population et dans des projets durables. C’est le cas de la taxe C02 sur le mazout dont les deux tiers de la taxe retournent à la population via les assurances maladies et aux entreprises via les factures de l’AVS. Le tiers restant est transformé en subvention pour inciter les propriétaires à isoler leur bâtiment et investir dans des chauffages hors fossile. Cette taxe existait déjà avant le passage au Conseil des Etats mais a été renforcée.

La taxe CO2 sur les billets d’avion, comme nouvelle mesure, fonctionne sur le même principe, à savoir la constitution d’un fond climat pour des mesures de réductions d’émissions de CO2. Ce fond pourrait directement financer des projets ferroviaires en étoffant l’offre de trains de nuit en Europe. En dix ans, les trains de nuit ont été littéralement démantelés, tandis que l’offre de « low cost » a explosé, avec des prix dégriffés, sans aucune taxe sur le kérosène et dont l’impact environnemental est désastreux. Pour rappel, le trafic aérien correspond à un quart des émissions du canton de Genève.

La mobilité, de son côté, est un des rares domaines qui n’atteint pas du tout ses objectifs de réduction d’émission de CO2. L’année passée encore, la vente de voiture 4×4 battait son record en Suisse ! La taxe CO2 sur l’essence n’est malheureusement toujours pas à l’ordre du jour, elle permettrait pourtant de bouger les lignes et de s’affranchir à terme de la voiture thermique comme le feront courageusement la Norvège, la Suède, l’Islande, l’Irlande et la Hollande à l’horizon 2025 et 2030.

A la question, le Conseil des Etats a-t-il répondu aux 100’000 manifestantes et manifestants pour le climat ? La réponse est non. S’il va désormais dans la juste direction, il ne va ni assez loin ni assez vite ! Sans conteste, le pétrole, âge de pierre, est la pierre d’achoppement: sortir de la crise c’est sortir du pétrole !

Delphine Klopfenstein Broggini

Delphine Klopfenstein Broggini est conseillère nationale et présidente des Vert-e-s genevois-es. Elle est membre des commissions de l'environnement, de l'énergie et de l'aménagement du territoire et des institutions politiques. Au niveau associatif, elle est membre du comité de Pro Natura et vice-présidente de Pro vélo suisse. Elle est sociologue de formation.