Quand le minéral emporte le végétal

Les constats se répètent, année après année. Les derniers rapports du GIEC sont alarmants tandis que les accords de Paris ne sont toujours pas atteints. Dans les scénarios climatiques, Genève serait la ville de Suisse qui subirait la plus forte augmentation de température, et notamment du nombre de jours de canicule, qui devrait passer de 15 jours par an à 35 jours par an d’ici à 2060. Une raison suffisante, semble-t-il, pour sauver les vieux arbres genevois qui, non seulement, rafraîchissent l’air avec leurs grandes ombres mais ont une grande vertu, encore trop méconnue : le stockage de CO2. Car les grands et vieux arbres séquestrent efficacement la pollution et sont, de fait, de véritables puits de carbone, gratuits et existants.

Genève, toutefois, ne semble pas avoir toujours compris ce phénomène. De vieux arbres, parfois de majestueux centenaires, se font ainsi quotidiennement abattre dans le canton, tandis que les jeunes arbres plantés en compensation mettront des décennies avant de séquestrer, à leur tour, autant de ce maudit carbone. Que penseraient désormais les vieux chênes du bien-nommé chemin de la Chênaie remplacés par de maigrichons rejetons ou les pins centenaires de l’avenue Henri-Golay aujourd’hui supplantés par une place de jeu ironiquement construite de bois mort ?

Ce ne sont que des exemples épars, car ces abattages se répètent des centaines, des milliers de fois dans le canton. On les retrouve annoncés dans la Feuille d’Avis Officielle (FAO). On pouvait notamment y lire le 12 septembre dernier la publication de 90 abattages, souvent accompagnés de la formule lapidaire « L’autorisation d’abattage est exécutoire nonobstant recours » avec une triste liste à la Prévert des condamnés : bouleau, charme, chêne, épicéa, érable, frêne, hêtre, liquidambar, marronnier, orme, peuplier, pin, prunus, robinier, sapin, savonnier et tilleul.

Pendant ce temps-là, la ville se réchauffe et l’administration crée de nouvelles places, toujours si minérales. A la Jonction, sur la stérile place centrale de l’écoquartier d’Artamis, pas un brin d’herbe ne pousse. Ou encore à la place récemment réaménagée devant le Département du Territoire, où des planches viennent de remplacer des buissons, qui végétaient depuis longtemps.

Il s’agit aujourd’hui de densifier la nature en ville, de maintenir au maximum les grands arbres et de favoriser par tous les moyens la végétalisation des milieux urbains. D’après la sérieuse étude Nos arbres, Genève manque d’arbres, il faudrait en planter 9,6 km2 d’ici à 2050. Chiche !

Delphine Klopfenstein Broggini

Delphine Klopfenstein Broggini est conseillère nationale et présidente des Vert-e-s genevois-es. Elle est membre des commissions de l'environnement, de l'énergie et de l'aménagement du territoire et des institutions politiques. Au niveau associatif, elle est membre du comité de Pro Natura et vice-présidente de Pro vélo suisse. Elle est sociologue de formation.

4 réponses à “Quand le minéral emporte le végétal

  1. Apparemment les instances administratives genevoises se préoccupent plus de suivre ce que permet la loi et les promoteurs divers et variés en profitent. Il y a donc à Genève, un sérieux déficit de connaissance élémentaires en biologie végétale et environnementale, tant au niveau du législatif que de l’exécutif. L’influence des bâtisseurs (béton, asphalte, gravier et pierre) prédomine encore et toujours. Dommage pour Geneve.

  2. L’élimination des vieux arbres est avant tout un drame pour la biodiversité. Un vieil arbre creux est un véritable écosystème en soi, qui abrite une quantité incroyable d’espèces animales et fongiques. Les insectes qui peuplent ce milieu sont la base de toute une chaîne alimentaire. En éliminant les vieux arbres nous privons de nombreuses espèces d’oiseaux de leur nourriture et de sites favorables pour nicher. Résultat: la proche nature qui nous entoure est d’une pauvreté affligeante. Difficile de lutter contre cette tendance toute helvétique du “propre en ordre”…

  3. Le problème est que les anciens arbres majestueux ne coûtent rien, ou presque, or les abattre et les remplacer par des minuscules arbres font fonctionner l’économie, et puisque les finances du canton sont super-excédentaires, avec seulement 13 milliards de dettes, les fonctionnaires ne se privent pas de donner libre cour à leur étroitesse d’esprit.

Les commentaires sont clos.