Le spleen du Community Manager

Tous les matins à 7h15, sur La Première, la talentueuse Magali Philip distille une petite chronique vive et pertinente tirée de l’actualité du web. Son regard affuté sur les réseaux sociaux décrypte les rouages de ces plateformes et met en évidence les réussites et les flops les plus flagrants qui s’y distinguent. Ce matin, Sonar – c’est le nom de cette pétillante capsule matinale – mettait l’accent sur le métier de Community Manager qui prend une importance croissante au sein des entreprises. « Gérer l’image d’une marque sur les réseaux sociaux est un métier compliqué et exposé », nous dit Magali Philip. C’est d’autant plus vrai lorsque l’entreprise dudit Community Manager traverse une phase délicate, voire une crise intense.

En l’occurrence, l’exemple de ce matin concernait la compagnie US Airways qui a récemment tweeté par mégarde une photo que l’on qualifiera d’osée, provoquant des haut-le-cœur dans les prudes chaumières étatsuniennes. Et les réseaux sociaux de s’emparer de cette histoire aux relents grivois, notamment pour fustiger l’erreur du chargé de la communication en ligne. Injures, attaques virulentes, moqueries, tout y passe. Du côté de la compagnie aérienne, on se confond en excuses publiques, on tente de minimiser l’affaire en évoquant une bête mégarde sans intention coupable.

Oui, communiquer et défendre la réputation d’une marque ou d’une institution sur les réseaux sociaux est une activité sérieuse qui nécessite une attitude exemplaire et un professionnalisme sans faille. A ceci s’ajoute l’urgence de communiquer, surtout en cas de crise, pour éviter d’abandonner le terrain à la communauté en ligne et à ses imprévisibles outrages. On image déjà le spleen du Community Manager pris en sandwich entre les pressions externes et internes les plus vives.

Certes, le Community Manager est exposé mais il n’est pas seul. En réalité, les plateformes en ligne ne sont rien d’autre qu’un outil de communication supplémentaire. Elles répondent à leurs propres règles – notamment en termes de ton et de rythme – mais leurs acteurs internes doivent impérativement être subordonnés à la communication de l’entreprise ou de l’institution qu’ils représentent. Lorsque Magali Philip dit que US Airways s’est excusée sur les réseaux sociaux « mais aussi via un vrai communiqué de presse officiel », on pourrait comprendre que les Community Managers manient un art spécifique qui se distingue de la communication officielle des entreprises. Cela ne doit évidemment pas être le cas, en particulier en situation de crise. En clair, la prise de parole du Community Manager sur les plateformes qu’il maîtrise doit être rigoureusement alignée aux messages véhiculés par les voies dites traditionnelles. Encore une fois : avec le ton, la vitesse de réaction et la logique de diffusion propres aux canaux en ligne.

D’ailleurs, si l’on y pense bien, ne mesure-t-on pas l’ampleur d’un buzz né sur les réseaux sociaux à la résonance que lui accordent les médias traditionnels?

En politique, tu ne mentiras point

Vous l'avez tous lu ou entendu: l'imprésentable Arnaud Montebourg a commis son énième éructation anti-suisse. Non content de vomir sur notre pays à la moindre occasion, il avance des chiffres fantaisistes mais pas forcément inoffensifs. En effet, lorsqu'il déclare que la Suisse compte 3% d'étrangers alors les chiffres réels parlent de 23%, la récente votation sur l'immigration apparaît sous une lumière volontairement biaisée. Chers voisins, un habitant de ce pays sur quatre est étranger et près de 50% des dirigeants de nos entreprises n'ont pas de passeport à croix blanche, qui dit mieux à l'échelle européenne? Telle est la vérité et même les politiciens hostiles à la Suisse devraient la respecter en s'exprimant face à leurs concitoyens.

A distance respectable des postillons de son auteur, personne, ici, n'accorde le moindre crédit aux propos ridicules de cet agité notoire. Tout au plus auront-ils énervé la plupart d'entre nous et généré quelques réflexions "anti-Français-de-gauche" dans nos chaumières. Mais qu'en est-il du citoyen tricolore lambda, prêtant une oreille non avertie à ces attaques chiffrées? Il y a fort à parier que bon nombre de Français n'imaginent pas l'écart entre les élucubrations de Montebourg et la réalité helvétique. Et donc que leur opinion à notre égard s'en voit négativement influencée, quand bien même l'erreur ou le mensonge est patent.

Ce type de dérapages, conscients ou non, stratégiques ou fortuits, devraient nous interpeller. Un mensonge, même répété de manière systématique, ne deviendra jamais une vérité. Soit. Mais il peut se transformer en vérité possible pour une audience ne prenant pas la peine de s'informer ou n'ayant pas accès aux sources crédibles.

Certains, notamment dans l'écosystème politique, sont devenus maîtres dans l'utilisation de cette tactique informationnelle déviante. Le mensonge ou l'approximation plausible comme arme pour faire passer ses idées, voilà un fléau qu'il faudrait combattre ardemment! Observez les périodes de votations, notamment sur des questions sensibles: redoutable autant qu'inacceptable, ce procédé est bien présent dans le débat. Or, lorsque l'information erronée ou volontairement incomplète, savamment distillée, prend place dans l'esprit des citoyens, c'est toute la crédibilité du processus démocratique qui est en péril.

J'ai coutume de dire que le mensonge, pour un communicateur, est é-l-i-m-i-n-a-t-o-i-r-e. Que les médias n'accordent plus aucun crédit aux messages distillés par un porte-parole ou un DirCom pris en flagrant délit de mensonge volontaire. Cette pression légitime et souhaitable nous impose une rigueur sans faille. Si tous les acteurs du jeu démocratique étaient confrontés à la même intransigeance et aux mêmes sanctions médiatiques, n'adopteraient-ils pas une ligne de conduite similaire?

Stop à l’immigration massive, entre perception et réalité

On le lit et l’entend de manière ininterrompue depuis hier après-midi: si on donnait la possibilité à nos voisins européens de voter sur le même sujet, ils auraient clairement plébiscité l’initiative de l’UDC. Ça nous fait une belle jambe, non? La réalité est que bon nombre de nos voisins nous présentent comme un peuple de racistes et d’égoïstes. Si comme moi vous avez de la famille ou des amis à l’extérieur de nos frontières, vous vous demandez probablement comment affronter leurs critiques, qu’elles soient intelligentes ou superficielles, condescendantes ou agressives, étonnées ou dégoutées. Pour donner le ton, El Pais online, hier, présentait l’UDC comme un parti d’extrême-droite. Sous-entendant ainsi que les Suisses – puisqu’ils ont soutenu la proposition de l’UDC – sont globalement favorables aux idées d’extrême-droite et qu’ils «s’enferment dans leurs peurs» (sic).

Dire à nos amis qu’ils sont encore pires que nous ne servirait à rien, vous en conviendrez. Leur répéter que la Suisse accueille aujourd’hui près de 25% d’étrangers sur son territoire – environ 12% en France et en Espagne, par exemple – peut éventuellement faire réfléchir les plus ouverts d’entre eux. Un peu. Mais au final, ils retiendront que nous avons voté pour freiner l’immigration, afin de conserver notre richesse et notre confort. Et comment leur en vouloir, alors que la crise les ronge et qu’ils peinent à imaginer un avenir serein pour leurs propres enfants?

On pourra gloser à l’infini sur l’argent dépensé par les opposants à l’initiative de l’UDC et sur la qualité de leur campagne, respectivement de leurs messages. Et soyons honnêtes : le faible écart du scrutin et la complexité de son analyse devraient nous inspirer une certaine réserve avant de tirer à boulets rouges contre les stratèges des partis perdants. D’ailleurs, notre regard ne serait-il pas différent si 20'000 opposants de plus avaient remis leur bulletin de vote, inversant ainsi le résultat?

En communication, il est primordial de se préoccuper de la perception potentielle de nos messages par les cibles de nos campagnes. Par exemple: le peuple suisses était-il prêt à admettre que l’initiative de l’UDC risquait de faire s’écrouler notre économie? En d’autres termes, était-il opportun de brandir la peur d’une perte de compétitivité de la Suisse, alors que notre pays surfe sur le succès depuis de nombreuses années? Et pourquoi n’a-t-on pas davantage entendu les chefs d’entreprise, à priori très concernés par les enjeux de la votation? L’engagement déterminé des plus respectés d’entre eux aurait peut-être convaincu les indécis.

Plus que jamais, la Suisse aura besoin de talents hors normes pour faire accepter sa différence et sauvegarder ainsi ses intérêts, à l’échelle internationale. Je pense particulièrement à Présence Suisse, la super-agence de communication de la Suisse, pilotée par Nicolas Bideau. Entre la réputation de notre place financière et le haut-le-coeur médiatique provoqué par la votation d’hier, le défi est de taille.

Pour finir sur une note positive, rappelons que notre pays jouit d’une excellente réputation dans un domaine hautement médiatisé et considéré comme emblématique des valeurs nationales: le sport. La Suisse y brille grâce à des champions exceptionnels, sobres dans la victoire, abordables et sympathiques. Lara, Dario, Simon, Stan, Fabian ou Roger contribuent ainsi activement à contrebalancer les thématiques lourdes qui plombent notre image: à travers eux, la Suisse peut se montrer conquérante tout en demeurant souriante et ouverte. Une question d’attitude, peut-être, qui pourrait inspirer nos négociateurs de tous bords lorsqu’il s’agira de faire évoluer les perceptions à notre égard.

Justice populaire et réseaux sociaux

Il a 61 ans et travaille depuis 12 ans comme chauffeur de bus pour une compagnie de Seattle. Et l'autre jour, arrivé au bout de sa course, il tente désespérément de faire sortir un jeune de 23 ans de son véhicule. Celui-ci s’obstine à rester assis puis crache au visage du chauffeur. Alors c'est l'explosion de colère, la déferlante de coups sur le jeune homme. Le tout est filmé par la caméra de surveillance du véhicule puis diffusé sur le web par différents canaux, créant le buzz sur les médias en ligne. Jusqu’en Angleterre ou en Suisse, par exemple. Le chauffeur est viré.

Vous me direz qu’il s’agit d’un fait divers comme un autre, d’une scène urbaine désormais courante à notre époque où l’incivilité règne. Voilà pour le discours stérile pointant le malaise d’une société en mal de valeurs et d’éducation!

Dans ce cas comme dans d'autres, c'est le rôle de l'image et des médias en ligne qui m'interpelle. L’employeur avait-il le choix de ne pas licencier son collaborateur, alors que la vidéo de son pétage de plombs faisait le tour de la planète? Aurait-il pu envisager une sanction interne – par respect pour les années de bons services, par exemple – sans se préoccuper des réactions prévisibles de la communauté en ligne? Autrement dit, combien pèsent la fidélité et l’irréprochabilité potentielles d’un chauffeur face au risque d’image d’une entreprise?

En l'occurrence, l’irrespect des règles sociales les plus élémentaires – cracher au visage d’autrui en représente l’une des formes les plus inacceptables – ne saurait justifier les coups de poings et de pieds. On peut dès lors comprendre que le Mike Tyson de notre histoire perde son travail, car il a clairement dépassé les limites de sa fonction. 

D’autres cas de mises à l’écart successives à l’indignation populaire (en ligne) paraissent moins évidents. En cas de crise, la notion de fusible n’est pas nouvelle, mais elle semble exacerbée à l’ère numérique. Il faut agir vite, crever l’abcès en sacrifiant des têtes pour éviter la propagation des commentaires négatifs sur les réseaux sociaux, relayés par les médias de référence. Les cas de sanctions spectaculaires autant que précipitées sont multiples et touchent tous les secteurs : politique, économie, sécurité, enseignement, etc. Il y a parfois lieu de se demander si la justice populaire ne serait pas en train de faire son retour, se servant désormais de l’arme des réseaux sociaux pour éliminer ses cibles.

La pub fantôme qui fait trembler les Cariocas

Le 21 novembre dernier, l’Uruguay obtenait son ticket pour le Brésil, où aura lieu la prochaine Coupe du Monde de Football. Saisissant la balle au bond, Puma a imaginé une publicité faisant référence à un passé gravé dans la mémoire collective des Brésiliens : la mortifiante défaite des « Auriverdes » de 1950, dans leur stade fétiche de Maracaña accueillant 210'000 spectateurs déchaînés. Alors que tout un peuple se démenait dans la plus folle des sambas, annonciatrice d’une victoire promise, l’uruguayen Alcides Gigghia trucidait Barbosa, la panthère noire qui gardait les buts de la « Seleçao ». L’Uruguay était sacré championne du monde et le Brésil sombrait dans une dépression indescriptible, illustrée par le suicide de plusieurs fans désespérés. Aujourd’hui encore, le « Maracanaço » – comme l’on a surnommé ce tsunami footballistique – agit comme un spectre effrayant dans l’inconscient carioca.

Mais revenons sur la publicité géniale concoctée par Notable, l’agence uruguayenne de Puma. On y voit un fantôme plutôt sympathique – avec le numéro 50 dans le dos – terroriser les Brésiliens sur des plages, dans des favelas, devant le Pain de Sucre et… au stade de foot, bien entendu ! Un clin d’œil parfaitement planifié et réalisé, qui aura certainement fait jubiler des millions de supporters de la « Celeste ». Le décor est planté, les éternels rivaux sud-américains peuvent affûter leurs crampons. Et pendant ce temps, gageons que Puma prépare la suite des aventures du joyeux fantôme. A découvrir lors d’un millésime 2014 qui pourrait faire revivre une énième confrontation au sommet entre deux nations vibrant au rythme du sport-roi.

L’art de la démission 2.0

"I quit, je  me casse!". Tourné au bureau à 4h30 du matin par une journaliste démissionnaire, ce petit clip a été vu plus de 8 millions de fois en quelques jours. La vidéo-journaliste reproche précisément à son chef de se préoccuper uniquement du nombre de views, plutôt que de la qualité des contenus produits par ses équipes. Joli pied de nez, n'est-ce pas?

Mais l'histoire ne se termine pas là: le chef et les anciens collègues de Marina Schifrin (la journaliste auto-virée) ont immédiatement tourné un remake de son clip, fort réussi en l'occurrence. Dans les bureaux en question, sur le même thème musical de Kanye West et en dansant sur une chorégraphie similiaire, ils en profitent pour vanter l'atmosphère de travail chez NMA et souhaiter bonne chance à Marina… tout en précisant qu'ils engagent! Au moment de la publication de ce billet, la deuxième vidéo enregistre moins de 400'000 vues, mais le chiffre est en augmentation. Ou l'art de récupérer un buzz défavorable pour en faire un argument promotionnel.

Ce chassé-croisé par Web interposé a été mis en lumière par différents médias, notamment le HuffPost français.

Angela Merkel fait ses courses. Y que pasa?

Alors que l'Espagne souffre, emportée dans une profonde crise institutionnelle et économique, les us et coutumes sociétaux des Ibères ne changent guère. L'élite politique, aussi chahutée soit-elle, maintient ses privilèges et ses distances avec le bas peuple. Ainsi, lorsqu'un journaliste du grand quotidien El Pais croise la chancelière allemande dans un supermarché berlinois, en train de se faire ses courses, cela l'étonne prodigieusement. Certes, comme le démontrent les photos de circonstance, les gardes du corps de Frau Merkel ne sont pas bien loin, traquant l'activiste déguisé en chou fleur ou l'ennemi politique prêt à balancer un rayon de boîtes de raviolis sur la plus puissante des Européennes. Il n'en demeure pas moins qu'elle est bel est bien en train de faire ses achats comme Liselotte et Manfred.

On peut comprendre l'étonnement du journaliste espagnol, car ce n'est pas demain qu'un Président de son pays se rendra au Corte Inglés le plus proche de la Moncloa pour acheter son chorizo, sa daurade ou son Priorat préféré. Et pourquoi pas? Alors que la colère gronde dans les ménages de la Péninsule, gangrenés par la précarité économique et le chômage des jeunes, est-ce que les conseillers en communication de Mariano Rajoy ne devraient pas s'inspirer de cet exemple germanique? Ils pourraient suggérer à leur leader de faire honneur au nom de son parti (Partido Popular) en se montrant – pour une fois – proche du peuple et de sa réalité quotidienne. Et s'ils organisaient un petit coup médiatique dans une poissonnerie ou dans un marché populaire?  Cela serait une bien mauvaise idée, en vérité, tant le fossé est colossal entre Rajoy et sa base. Je vois déjà la ménagère ulcérée s'emparer d'un espadon et l'écraser de toutes ses forces sur la barbe du Président…

Non, pour que l'élite politique espagnole récupère la confiance de ses électeurs, il faudra davantage que des opérations RP ponctuelles. Le véritable enjeu est l'amélioration durable de la situation du pays et cela prendre du temps, beaucoup de temps. Les Espagnols attendent de la transparence et des actions concrètes. Comme dans toute situation de crise, la communication jouera un rôle-clé dans ce processus car les citoyens exigent des explications et des prises de responsabilité assumées de manière visible par leurs élus.

Mr. Obama soigne son image

C'est le mois d’août et les rédactions – ritournelle estivale récurrente – pédalent dans la choucroute pour trouver des sujets accrocheurs. A défaut d’être intellectuellement inspirants. Entre les moustiques-tigres érigés en menace terroriste pan-européenne et la chute de robe (et de reins) de Toni Braxton, le lecteur alangui à Préverenges Beach ou Loèche-les-Bains-de-pieds ne risque pas le claquage de neurones.

Mais depuis hier, LE SUJET, c’est Sunny. Non, pas Sonny, aka James Crockett, aka Don Johnson de Miami Vice ! Ni la célébrissime chanson éponyme du cultissime groupe germano-jamaïco-antillais Boney M. Le Sunny qui nous intéresse gambade à quatre pattes dans la Maison Blanche, privilège jusqu’alors réservé à Bo, son accolyte canin aux identiques origines lusitaniennes.

On se souvient du retentissement mondial de l’annonce faite lors de l’adoption de Bo par la famille présidentielle. Les rédactions de la planète entière avaient offert une visibilité extraordinaire à cette soudaine extension familiale. Il faut dire qu’il était craquant, le petit Bo, avec son noir pelage agrémenté d’un plastron et de pattes ivoire.

Les animaux de compagnie sont une tradition dans le bureau ovale. La palme revient à Theodore Roosevelt, avec son incroyable ménagerie développée au fil de ses années de présidence. Plus près de nous, personne n’a oublié le chat Socks – paix à son âme -, le félin de Bill Clinton dont la célébrité était au moins égale à celle d’une certaine robe maculée. Souvenons-nous aussi de Baltique, le labrador de François Mitterrand qui soulignait la « force tranquille » dont l’ancien Président tricolore avait fait sa marque de fabrique.

Un journaliste du Matin me demandait si l’on devait voir derrière ces opérations canines le résultat de stratégies de communication savamment concoctées. Clairement oui. En adoptant Bo, un chien « hypoallergénique » convenant parfaitement à sa fille sensible, Barack Obama gagnait des points dans les cœurs américains, renforçant encore son image de père de famille aimant. D'une manière générale, il a toujours multiplié les efforts pour se montrer humain, proche de ses électeurs, semblable à eux jusque dans leur intimité familiale. Admirez le tableau: à ses côtés, il y a sa femme Michelle, une First Lady de tête, pleine d’humour et complice; leurs deux filles rayonnantes, bien dans leur peau d'adolescentes; et les deux chiens batifolant gaiement au cœur du pouvoir présidentiel. Que de belles images entourant un Président accessible, aux valeurs saines et largement partagées. Bo et Sunny ne sont pas une stratégie de communication à eux seuls, mais ils apportent leur contribution à une campagne d’image permanente et éminemment efficace.

Un petit bémol tout de même : expliquez-moi comment le Président de la superpuissance américaine trouve le temps de promener chaque jour ses adorables boules de poils! Un chien d’eau portugais requiert au moins trois balades quotidiennes, correspondant à une heure et demie, voire deux heures d’exercice en plein air. De là à affirmer que Bo et Sunny n’accompagnent le Président que pour les photos officielles, il y a un pas que vous franchirez si le cœur ou la raison vous en dit. Au cas où le pot aux roses devait être découvert, Barack pourrait toujours solliciter une tribune chez Oprah Winfrey, pour faire amende honorable et promettre de promener ses chiens lui-même. Pendant sa retraite.

Hey, Ferrero, pas touche à mon année 1964 !

1964 fut une année merveilleuse ! Passons sur l’Exposition Nationale et le 3e titre de Champion de Suisse de football du FC La Chaux-de-Fonds (si, si !). Cette année magique a surtout vu la naissance, dans le désordre, de Béatrice Dalle, Nicolas Cage, Albert Dupontel, Juliette Binoche, Valérie Lemercier, Neneh Cherry, Raphaël Mezrahi (revoyez l’interview de Lambert Wilson, irrésistible !), Russel Crowe, Isabelle Marie Anne de Truchis de Varenne (dite Zazie), Rocco Siffredi, Lenny Kravitz, Dan Brown, Miguel Indurain, Mats Wilander, Keanu Reeves, Benoît Poelvoorde et Monica Bellucci. Rien que ça ! Plus près de nous : Jakob Hlasek, Pierre Kohler, Ruth Metzler, Vincent Perez, Pascal Richard, Christophe Passer et votre très honoré serviteur ont poussé leur premier cri – très mélodique – en cet an d’exception.  Certainement inspirée par tant de beauté et de talent désormais libérés sur la planète, la société piémontaise Ferrero créa le 20 avril 1964 la marque Nutella.

Les géniteurs de la plus célèbre pâte à tartiner du monde – désolé pour Le Parfait  ou le Cenovis – endossent dès lors une responsabilité morale considérable : ils se doivent de maintenir la marque au plus haut niveau de respectabilité en hommage à ses illustres contemporains. Force est de constater que le défi est de taille depuis quelque temps. Après l’épisode de l’huile de palme, voilà qu’on reproche aujourd’hui à Nutella de vouloir fermer un site entièrement dédié à son culte. M’enfin !  Ferrero a parfaitement le droit d’interdire à ses fans de parler de Nutella, même s’ils en font l’apologie ! Et surtout sur les réseaux sociaux, dont on connait la difficulté à maîtriser les dérives et à vérifier les réels bénéficiaires comptables cachés derrière les innocentes discussions en ligne. C’est une manière de voir les choses.

C'est précisément parce que ledit site profite de la notoriété de la marque sans payer les royalties de circonstance que Ferrero voulait le fermer. Et là, on ne comprend plus. Le World Nutella Day  – c’est autour de ce concept que Sara Rosso a lancé son site Internet, sa page Facebook et son compte Twitter – est devenu une institution regroupant des dizaines de milliers de fans dans le monde. Plus de 47'000 sur la seule page Facebook. Il s’agit là d’une publicité non négligeable, gratuite de surcroît, que Ferrero a voulu éliminer pour faire respecter sa propriété intellectuelle (logo et marque).

Amis soixante-quatriens, réagissons ! Montrons-nous solidaires de la plus palmée de nos contemporaines et exigeons des dirigeants de Ferrero qu’ils reviennent à la raison ! Ah, attendez ! Google Alert m’avertit qu’un arrangement a été trouvé entre Madame Rosso et le chocolatier italien, suite à la pression populaire en ligne. Ouf ! Le Nutella Day continuera d’exister, la réputation de notre année est sauve.

Au-delà de l’anecdote, cet épisode souligne – si besoin est – combien il est devenu impossible, voire dangereux, d’appliquer aux réseaux sociaux la même logique que celle prévalant dans l’économie dite réelle. L’univers dans lequel les marques évoluent est protéiforme et elles doivent absolument s’adapter à cette nouvelle réalité, sous peine de subir les foudres répétées de la Communauté.

Mariage pas cher, mon frère !

Selon le site Bridal Brokerage, un mariage coûte en moyenne 28'000 dollars aux Etats-Unis. Toujours selon ce site, ce ne sont pas moins de 250'000 mariages US qui sont annulés chaque année, juste avant la célébration prévue et en partie pré-payée. Cela représente quelque 700 millions de dollars potentiellement encaissés par des prestataires de services alors qu'ils n'auront pas à fournir les services en question. La nature humaine détestant le vide, les opportunistes de Bridal Brokerage ont décidé de proposer une sorte de troc en ligne : ils mettent en relation les couples en instance de mariage et ceux en instance de séparation pré-maritale, pour que les premiers achètent aux seconds l'organisation clé en mains de leur mariage avorté (vous me suivez?). Avec une réduction de 20 à 40% à la clé. Une aubaine pour les amoureux les moins fortunés ou pour les hyper-pressés ! Il va de soi que les intéressés doivent accepter quelques contraintes, notamment le lieu ou la date forcément imposés par les prestataires: musiciens, traiteurs, salles de fêtes, etc.

Le concept semble bien fonctionner ou, du moins, il a suscité un intérêt marqué de la part des médias nord-américains. Décryptage: comme nous le répétons souvent à nos clients ou à nos partenaires, la notion d'originalité est essentielle si l'on espère susciter l'intérêt des médias. En ajoutant un soupçon de malheur humain (la séparation pré-maritale) pimenté de cynisme commercial ricain (le troc en ligne opportuniste), on est certain d'obtenir une visibilité médiatique maximale. En l'occurrence, Bridal Brokerage a créé un marché et mis en évidence une réalité économique probablement méconnue: celle des mariages avortés et du gaspillage financier y relatif. On pourra discutailler longtemps au sujet de la moralité de la démarche, mais cela ne nous regarde pas. N'est-ce pas?