Touche pas à ma comm’!

La vérité si je mens

« Dire la vérité, rien que la vérité, même si on ne peut pas toujours dire toute la vérité .» Cette règle m’avait été enseignée par le regretté Walter G. Pielken, un pionnier des relations publiques en Suisse. Je m’y réfère souvent, notamment dans les situations de crise que je suis amené à gérer.

Impossible d’en douter aujourd’hui : le mensonge n’était rien d’autre que la clé de voûte du succès de Lance Armstrong. Cette stratégie a porté le Texan au firmament de la petite reine, mais elle a fini par atteindre le fondement-même du sport qui l'avait élu roi. Et cela lui sera difficilement pardonné, du moins dans nos contrées.

Certains diront qu’Armstrong n’est que la pointe d’un énorme iceberg, constitué du déni obsessionnel de tous les cyclistes professionnels de ces dernières décennies. Ils se seraient tous laissés emporter dans la spirale infernale d’un sport dénaturé par l’intérêt des sponsors et l’appât du gain. Soit, c’est possible et certainement vrai en grande partie. Mais doit-on pour autant renoncer à fustiger le mensonge du plus illustre représentant de cette dérive?

La capacité de pardon des Américains, face aux aveux télévisés de leurs icônes médiatiques, n’a pas fini de surprendre en Europe. L’exemple de Bill Clinton niant son "comportement inapproprié"  puis avouant son mensonge devant le jury cathodique avant de se faire réélire à la tête du pays, démontre la puissance du phénomène de rédemption Made in USA . L’Homo Europaeus fonctionne autrement, ce qui différencie notre métier de communicateur de celui de nos confrères étatsuniens. Et rend les stratégies de communication bigrement complexes à gérer dans un contexte globalisé. Comment adapter son discours à son auditoire, alors que les yeux de la planète entière sont simultanément rivés sur vous ?

Il sera très intéressant d’observer les prochaines étapes de cette chasse à la vérité. Les multiples bénéficiaires du phénomène Armstrong seront tôt ou tard appelés à s’expliquer, comme complices éventuels. Lance était devenu un produit extraordinairement compétitif, en tant que vecteur promotionnel : pour sa fondation Livestrong, ses sponsors et le sport cycliste dans son ensemble. Tout le monde avait intérêt à (faire) croire à la belle histoire de ce champion hors normes, miraculé du cancer. Exemplaire, sa volonté de fer lui avait permis de retrouver sa place tout en haut de la pyramide des bagnards du bitume. Quel potentiel d’émulation auprès des cyclistes en herbe, quelle manne bienvenue pour la cause – ô combien louable ! – de Livestrong et de son sponsor Nike, quel impact commercial pour les marques cousues sur les tenues du champion ! Au-delà d’Armstrong, beaucoup de monde avait intérêt à imposer la double loi du silence et de la seringue au sein du peloton, jouant avec la santé des coureurs et avec l’éthique du sport. Les stratégies de communication sont probablement en train de s’affûter. Stay tuned, folks!

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