Doris Leuthard met les bouchées doubles pour réussir sa stratégie de sortie du nucléaire (d’ici 2050), mais l’industrie suisse a décidé de s’opposer à son plan d’action. La réalité économique et industrielle semble tout simplement rattraper la vision philosophique ou idéologique.
Le débat énergétique est d’une complexité rare et ses enjeux hautement stratégiques. On parle ici de l’indépendance de la Suisse, de la compétitivité de ses entreprises et bien entendu de l’héritage environnemental que nous voulons laisser aux générations futures. Aux arguments sécuritaires et émotionnels parfaitement légitimes – surtout après Fukushima – se sont opposées les analyses macro-économiques tout aussi fondées. Et comme souvent, c’est l’émotionnel qui a vaincu sur le rationnel.
La bouche en cœur et le verbe haut, les chantres d’un approvisionnement énergétique totalement neutre sur le plan écologique ont parfaitement su surfer sur la vague sécuritaire générée par la catastrophe japonaise. Y’a qu’à rompre l’équilibre « hydraulique-nucléaire-importations » actuel et faut qu’on mise tout sur les énergies renouvelables et l’efficience énergétique, selon certains. En d’autres termes : yakafokon et n’écoutez pas les barons de l’énergie accrochés à leurs bénéfices obscènes! Aujourd’hui, le secteur énergétique suisse est dans une passe délicate, à l’image du géant Alpiq, et il peine à exprimer une vision claire quant à son avenir. Tout semble arrêté, on attend de voir.
Ces signes ont de quoi inquiéter. Surtout, ils parlent en faveur d’une (nouvelle) vraie discussion de fond, aboutissant sur des solutions concrètes et acceptées de tous. Pour rappel, il s’agit de garantir un approvisionnement énergétique compétitif et durable pour les entreprises et les ménages suisses, à long terme. Sommes-nous réellement en mesure de renoncer au nucléaire tout en refusant de nombreux projets éoliens identifiés, en retardant la construction des centrales à gaz projetées, en soutenant (trop) modestement le développement du solaire, en améliorant petit à petit l’efficience énergétique de nos immeubles et villas (certaines entreprises électriques s’engagent dans cette voie, à l’image de Romande Energie )? Est-il réellement responsable d’acquérir l’énergie qui nous manque à l’extérieur de nos frontières, sans se soucier des moyens de production (gaz et charbon de l’Est, nucléaire français), et en la «blanchissant» à coup de certificats achetés à des institutions peu transparentes et inconnues du grand public?
Ces questions méritent un vrai débat. Au-delà des idéologies et avec un gros effort de transparence et de vulgarisation. Cela requiert des acteurs politiques et économiques qu’ils entrent dans une logique de communication, de dialogue, et qu’ils mettent pour une fois de côté – pour le bien du pays tout entier – leurs réflexes partisans et leur nombrilisme.