Vous avez dit culture et valeurs d’entreprise ?

 

Dans un monde en quête de sens, tout le monde s’accorde à dire que la définition des valeurs d’une entreprise est fondamentale. Très bien, mais de quelles valeurs parle-t-on et comment les définir et rendre crédibles quand on dirige un entreprise? Sacré défi.

J’ai abordé récemment le thème des valeurs d’entreprise avec des chefs de PME et dirigeants d’entreprises, réunis par la section romande du Swiss Venture Club. Ce sujet ne peut être ignoré à l’heure ou aucune une entreprise ne peut se satisfaire aujourd’hui de faire du profit et d’assurer sa conformité. Toutes doivent également, impérativement, répondre aux aspirations multiples de leurs collaborateurs, clients et partenaires. Dans un environnement économique où la réussite, voire la simple survie d’une entreprise, dépend plus que jamais de la qualité des collaborateurs et de leur engagement, mais aussi de l’image qu’elle véhicule auprès de ses clients, la définition des valeurs et des comportements communs révèlent toute leur importance.

Les attentes des Milléniaux
Comme l’ont souligné presque unanimement les participants, la notion de travail et les attentes vis-à-vis de celui-ci ont profondément évolué avec l’arrivée de nouvelles générations sur le marché. Pour les Milléniaux notamment, la création d’une seule plus-value économique n’est ni suffisante, ni totalement satisfaisante. A la recherche de sens, ils attendent de leur entreprise, petite ou grande, qu’elle offre aussi une proposition non-économique, flatteuse ou motivante, pour susciter leur pleine adhésion.

Si l’on peut se mettre d’accord sur ce constat, il apparaît moins évident de parvenir à définir, transmettre et rendre crédible les valeurs réelles d’une entreprise aux yeux de tous. Une mission commune peut être définie et sa pertinence jugée, la concrétisation d’une culture d’entreprise forte, modelée par des valeurs vécues, partagées et transmissibles aux nouveaux arrivants est en revanche beaucoup plus délicate.

Les facteurs déterminants les valeurs d’entreprises sont par nature nombreux et différents. L’image, le positionnement, les produits, l’organisation, les conditions de travail au sens large sont bien sûr essentiels. Ces facteurs peuvent être certes assez clairement définis, mais sont-ils pour autant vraiment compris et vécus; sont-ils adaptés à l’évolution de la société et des bonnes pratiques; sont-ils résilients en cas de crise ?

Etre cohérant sur la longueur
De l’avis de nombreux responsables de PME, le défi à relever est d’être capable de démontrer que les valeurs affichées correspondent à l’expérience vécue. La seule perception d’un écart entre le dire et le faire peut suffire en effet à saper rapidement la confiance et à provoquer une méfiance généralisée. La gouvernance d’entreprise se doit donc d’être exemplaire et guidée par des principes de transparence, de rigueur, de respect, de loyauté et d’équité. Or sous la pression des marchés, des concurrent, des investisseurs ou actionnaires, nous savons qu’il est souvent difficile d’être parfaitement cohérent sur la longueur. Pour éviter cet écueil, le principe voudrait que le modelage d’une culture d’entreprise fasse l’objet d’un profond travail d’identification et de définition des valeurs, puis d’un long processus d’institutionnalisation pour en assurer l’assimilation et l’acceptation et la pérennité. Inscrites dans une charte, chacun doit pouvoir s’y référer et s’en prévaloir.

Exlcure les transgressifs
Mais que faire en cas de résistance ou de transgression ? Une seule solution selon les experts : se passer des fauteurs de troubles, qu’ils soient managers ou simples collaborateurs. Cela fait sens. Chaque responsable de PME vous le dira cependant: une séparation n’est jamais anodine et toujours douloureuse.

Vous avez-dit valeurs et culture d’entreprise ?

Qui expose s’expose

Me Jean-Luc Chenaux

Toute entreprise a un but social. Le plus souvent, ce but est lucratif, ce qui impose aux dirigeants de poursuivre la recherche d’un bénéfice et une augmentation de la valeur de l’entreprise. Pour certaines voix, le seul objectif auquel doit tendre les dirigeants est la croissance du profit. Pour d’autres, l’entreprise est citoyenne et doit définir pour les parties prenantes les valeurs qui déterminent son action, lesquelles vont au-delà des normes de comportement fondamentales dictées par l’ordre juridique.
Dans ce débat, mon expérience sur plusieurs plans me convainc de la nécessité pour l’entreprise, comme pour l’individu, de définir les valeurs qui inspirent son action.
Aux yeux du professeur d’université qui a vu défiler plusieurs générations d’étudiants, l’émergence actuelle de jeunes esprits critiques, en forte quête de sens, fait peser sur l’entreprise la nécessité d’affirmer ses valeurs et, bien plus, de témoigner de leur respect dans son action. Face à des jeunes diplômés fascinés par l’indépendance et l’innovation, l’entreprise n’attire plus par sa taille ou sa capitalisation boursière, mais par sa capacité à démontrer qu’elle a une mission et une contribution positive envers la société.
Pour l’associé d’une étude d’avocats, ce même constat se vérifie chaque jour. Il ne suffit plus comme alors de s’afficher comme un grand bureau national pour recruter et surtout conserver les meilleurs éléments. Il faut encore mettre en avant l’atmosphère de travail, la recherche d’un service de réelle valeur ajoutée, un mode de travail conciliant l’autonomie, la responsabilité et le travail d’équipe ou encore la quête de domaines d’activités susceptibles de placer l’avocat en lien avec des clients dynamiques et inspirants.
Il n’en va pas différemment du point de vue du président d’un groupe d’assurance. La déclinaison, par les organes dirigeants, d’un cadre de valeurs essentielles pour l’entreprise et sa mise en oeuvre à tous les niveaux de l’entreprise sont les conditions fondamentales pour la promotion d’une vraie culture d’entreprise. Ainsi, affirmer l’enjeu de la responsabilité, c’est non seulement exiger de l’assuré qu’il s’implique pour contenir ses dépenses de santé, mais aussi veiller à la création d’un environnement de travail collaboratif, favorisant la prise d’initiatives, la transparence et le respect mutuel.
Qui expose s’expose : l’entreprise qui veut afficher ses valeurs doit accepter de voir son organisation, ses services et ses produits jugés à leur aune. Aujourd’hui, la démarche n’est plus à nos yeux un slogan, mais une composante essentielle du développement de l’entreprise.
Comme le relevait récemment Edgard Added, « la raison d’être n’est pas une option : elle est une nécessité, la clé de voûte d’une exigence citoyenne pour la gouvernance.

Perspectives 2020: faut-il être vraiment pessimiste ?

Partagez-vous avec moi le sentiment que nous vivons une période extra-ordinaire ? A force de défis multiples et inédits, l’ambiance est certes à la morosité, mais est-ce pour autant vraiment justifié et avec quelles cartes doit-on dès lors jouer ?

Taux négatifs, croissance anémique, numérisation accélérée de la société, vieillissement de la population, altération du climat, tensions politiques…Ces thèmes sont autant de sujets de conversation permanents que de motifs d’inquiétude. Ils constituent assurément de vrais défis et ne portent pas à l’optimisme, dans une société qui peine de plus en plus à se projeter dans l’avenir. Autant dire que s’ils ne sont pas sérieusement empoignés, ils pourraient rapidement miner la confiance de chacun et nous entraîner vers des rivages inconnus.

Nous vivons dans un monde dangereux !

Les faits tout d’abord sont sérieux :

Je rependrais ici les propos de Jean-Pierre Danthine, Professeur et ancien Président de la Banque Nationale Suisse, qu’il a tenus récemment lors d’une conférence organisée par le Credit Suisse. Son constat est sans appel: « Nous vivons dans un monde dangereux ! ». Si, à ses yeux, les dangers se situent à moyen terme en dehors de la sphère strictement économique – changement climatique, remise en cause du système d’économie libérale, rejet des élites, de la science et du progrès, voire même questionnement sur la pérennité de la démocratie – leurs effets politiques, économiques et sociaux collatéraux sont potentiellement très importants et pernicieux dans la durée. La situation pourrait être d’autant plus périlleuse qu’elle s’inscrit dans un contexte économique inédit pour le monde industriel, à savoir le ralentissement, depuis plusieurs années, de la productivité des facteurs de production – seul moteur réel de croissance.

Sommes-nous prêts à affronter les problèmes lucidement, sans sombrer dans le catastrophisme ambiant ?

Ces défis très concrets étant énumérés, le danger d’y répondre avec de mauvaises solutions politiques et économiques est bien réel, l’histoire nous le démontre. Pour ma part, je considère que nous devons affronter les problèmes sans complaisance et avec ambition. Pour la Suisse, comme pour les entreprises, la question centrale est la suivante : Sommes –nous prêts à les affronter lucidement, sans sombrer dans le catastrophisme ambiant ?

Les pessimistes évaluent, à raison, la progression générale des risques. Les optimistes profiteront de cette évaluation pour y chercher des opportunités.

Les constats et nos atouts :

Je livre une réflexion et un constat personnels nourris par les rencontres que j’ai régulièrement avec des entrepreneurs. Je viens de passer quelques jours dans le canton du Jura et j’en suis revenu, une nouvelle fois, ébloui par la qualité des produits et le savoir-faire des entreprises que j’ai visitées. Certes, leurs carnets de commandes ne sont plus aussi pleins que durant les années précédentes, mais les entrepreneurs restent positifs: leurs produits sortent du lot et demeurent souvent sans concurrence. Ces entreprises, comme de nombreuses PME suisses, sont remarquablement agiles, réactives, innovantes. A voir la façon avec laquelle elles ont su surmonter le choc du franc fort ou s’adapter aux exigences de la mondialisation, à observer les efforts qu’elles déploient pour intégrer la numérisation dans leurs processus de production, elles sont indéniablement capables d’aborder d’autres défis, dont celui potentiellement également disruptif en termes économiques et sociaux du changement climatique.

Nous pouvons relever le gant

A l’image des banquiers centraux face à la crise financière, nous devons affronter les problèmes sans complaisance et les gérer au mieux, parfois de façon non conventionnelle. Et même avec ambition. Pays riche, de tradition consensuelle, la Suisse a les moyens de relever le gant pour autant que les conditions-cadres restent favorables au développement économique.

Dans ce nouveau et tumultueux contexte, la formation et l’innovation resteront plus que jamais les pierres angulaires de notre adaptation et de notre avenir.

La Suisse ne compte malheureusement pas de GAFA au nombre de ses entreprises. Elle jouit néanmoins d’atouts fantastiques : elle a su développer des pôles d’innovation très performants, tels ceux de l’industrie pharmaceutique et de la technologie médicale, ou ceux de nos Hautes Ecoles de Zurich et Lausanne notamment. L’EPFZ collabore aujourd’hui très fructueusement avec Google par exemple et l’EPFL est devenue un vivier de start-ups technologiques formidables. Ce sont autant d’atouts à exploiter.

Autre constat: même si les guerres commerciales freinent les échanges commerciaux, la richesse mondiale n’a jamais été aussi importante. Elle continue de croître, mais avec un rythme plus lent qu’auparavant. Selon le Global Wealth Report 2019* publié la semaine passée par le Credit Suisse, la fortune mondiale a augmenté de 2,6% l’an passé. Cette croissance reste certes très inégalitaire. Elle l’est même davantage sur le plan national qu’entre les pays. Ce phénomène résulte de l’évolution des pays émergents. Notons tout de même que c’est dans notre pays que la croissance a été la plus forte l’an dernier et qu’entre 2000 et 2019, la fortune des ménages a progressé de 45%, soit à un rythme annuel de 2%.

Faisons pencher la balance du bon côté

Un facteur immatériel et non quantifiable se révélera cependant déterminant: ce sera notre attitude personnelle et collective. Elle fera, ou non, pencher la balance du bon côté. Restons pragmatiques et résistons à la polarisation qui guettent nos sociétés.

De nouveaux métiers émergeront inévitablement à l’avenir. Il faudra les repérer, les développer et les conserver !
Ce qui ne changera pas en revanche, c’est le besoin de servir impeccablement la clientèle : compétence, proximité et efficacité resteront des facteurs absolument distinctifs. C’est assurément une évidence, mais c’est une réalité qui demande à être vécue véritablement au quotidien.

Dans ses prévisions pour 2020, le Credit Suisse estime que les craintes d’une récession sont exagérées. Si les prévisions de croissance chiffrées à 1,1% pour 2020 et 1,4% pour 2021 sont modestes et en baisse, elles restent tout de même positives. Elles sont portées par la consommation. Donc en grande partie par notre confiance en l’avenir.
En ce qui me concerne, je reste optimiste ! Et si nous faisions tous de même ?

* https://www.credit-suisse.com/about-us/en/reports-research/csri.html

PME : une formation, oui, mais pourquoi faire?

Sous la pression de la numérisation, de nombreuses PME doivent évoluer pour répondre aux nouvelles conditions du marché et nouvelles demandes de leurs clients. La formation est un atout essentiel pour relever ce défi, mais elle est épineuse. Que faire et pour combler quelles attentes ? Etonnamment, les compétences personnelles et sociales restent privilégiées.

La question est large et les réponses sont multiples quand on dirige une PME. Les besoins sont nombreux, les profils des collaborateurs sont très divers et les budgets souvent… limités. Curieuse d’en savoir plus, la section romande du SVC, en collaboration avec le Credit Suisse, s’est adressée à un panel de chefs d’entreprises pour en débattre Les conclusions du panel de chefs d’entreprises interrogés sont très variées, mais elles n’en restent pas moins a priori étonnantes: les compétences sociales restent privilégiées.

Surprenant ? Daniel est un jeune entrepreneur ambitieux. Après une solide formation universitaire, il a travaillé en entreprise, puis fondé une startup prometteuse qu’il dirige depuis peu. Entre vie professionnelle et vie privée, le temps lui est très compté. C’est dire qu’il a longtemps hésité à consacrer six jours à une formation de développement personnel qui lui était proposée. Il ne l’a pas regretté, il en est revenu enthousiaste: « ce fut une expérience révélatrice, l’une des meilleures et des plus utiles à ce jour et j’ai opté pour un suivi ! »

Paradoxalement, à l’heure de la disruption possible des modèles d’affaires, le savoir-être, les compétences humaines et sociales semblent s’imposer majoritairement comme vecteurs déterminants, susceptibles de créer une culture d’entreprise positive, réceptive aux changements et capable de faire face à des cycles de crises toujours plus courts. Pour une majorité d’entrepreneurs et chefs d’entreprises, si les compétences techniques des collaborateurs clés restent nécessaires, le savoir-être est une valeur cardinale au sein de toutes les organisations. C’est un premier constat.

Certaines nouvelles compétences sont toutefois indispensables et le marché des offres de cours de formation est aujourd’hui riche. Encore faut-il trouver la bonne recette.

« Je n’engage pas des CV, mais des personnalités »

« Le changement ? Il ne faut pas le conduire, mais l’accompagner » affirme Jacques, industriel vaudois. La nuance peut paraître subtile, mais elle est très importante. Elle fera toute la différence dans un projet qui devra motiver toute l’entreprise.
Le rôle de chef de projet est déterminant à cet effet, mais c’est sa capacité de leadership qui est cruciale pour convaincre tous les collaborateurs de tirer à la même corde. Or le leadership ne s’acquière pas vraiment lors d’une formation reconnaissent les chefs d’entreprises. C’est d’abord une affaire de personnalité, d’état d’esprit et d’expérience. « Je n’engage pas des CV, mais des personnalités », explique Jacques dirigeant d’une PME active dans l’industrie. C’est le deuxième constat.

Pour les entreprises l’affaire se corse d’autant plus que les milléniaux pénètrent désormais dans le monde du travail. Une nouvelle génération, biberonnée aux outils numériques, mais dont les attentes vis-à-vis de l’entreprise et du travail ne sont pas identiques à celles de leurs aînés. « Les jeunes souhaitent donner du sens à leurs activités professionnelles, être associés au processus de décision, jouir rapidement de responsabilités, profiter de mesures de formation et de développement sans négliger leur vie privée », constate plusieurs dirigeants. Ces besoins doivent être intégrés dans les réflexions et la mise en œuvre des projets. C’est le troisième constat.

Je te donne, tu me donnes

Individuelle, la formation répond le plus souvent à un besoin personnel. Répond-elle pour autant aux besoins collectifs de l’entreprise ? « Payer une formation à une collaboratrice ou collaborateur pour qu’elle ou qu’il me quitte plus tard au profit de mon concurrent, le jeu n’en vaut pas la chandelle » avouent certains responsables. Cette réflexion mérite d’être posée, tout particulièrement au sein de PME dont les moyens et forces de travail sont limités, même si des règles peuvent être fixées. Au-delà du coût et de l’énergie consacrée, une formation peut inversement « catalyser des forces vives ou redonner le feu à des collaborateurs méritants » affirme quand même l’un d’eux.

Comprise collectivement, la formation peut revivifier un esprit « communautaire d’entreprise ».

« Les savoirs au sein de l’entreprise sont immenses, mais ils sont malheureusement rarement partagés » explique Sara, cadre dans une société de service. Pourquoi dès lors ne pas créer des comités ou des réseaux de connaissances au sein des PME sur le mode, « je te donne tu me donnes »? Les formules de mentoring par exemple et les partages d’expériences entre générations peuvent être une très bonne recette. Elles participent par ailleurs à la création d’un esprit d’équipe et à une culture d’entreprise d’entraide ».

Comme tout modèle, ce dernier a également des limites. Certains domaines d’activité très réglementés exigent des compétences ou des certifications précises. Ces qualifications, la PME les acquiert le plus souvent en recrutant les collaborateurs idoines, mais encore faut-il que ces derniers les conservent à niveau grâce à des mesures de formation continue.


Certains témoignages recueillis illustrent bien cette diversité des besoins et des approches.

Le niveau de formation des femmes a fait un immense bond

Line Pillet, Présidente Comité Femmes PME Suisse romande

Tous postes ou niveaux hiérarchiques confondus, les besoins de formation au sein des PME sont importants. Dans un univers de travail qui évolue très rapidement, trouver les formations pertinentes relève parfois de la quadrature du cercle. Les besoins concernent aussi bien les compétences métiers que celles en matière de leadership. A propos des femmes, il est important de relever qu’en vingt ans le niveau de formation des femmes âgées de 25 à 34 ans a fait un immense bond en avant. Elles ont aujourd’hui plus de diplômes supérieurs que leurs homologues masculins et intègrent aussi de plus en plus des filières traditionnellement masculines. Elles sont également plus nombreuses que les hommes à suivre une formation continue. A ce propos, il est très intéressant de constater qu’à l’occasion du lancement du brevet fédéral de spécialiste en gestion de PME en 2014, les premières personnes qui ont validé leurs acquis professionnels furent les épouses des patrons de PME. Ces dernières ont en effet réalisé qu’elles avaient acquis nombre de compétences sur le terrain qui méritaient d’être reconnues. Ainsi, les femmes doivent pouvoir identifier leurs compétences, les valoriser, les développer et les faire reconnaître. Les certifications jouent ici un rôle très important. Du côté des PME, celles-ci sont conscientes que nous vivons des changements sociétaux, mais elles manquent souvent d’outils pour intégrer les nouveaux paradigmes que sont l’évolution des profils professionnels, la nécessité d’une meilleure collaboration entre les générations et les attentes des nouvelles générations. Contrairement à leurs aînées, les jeunes femmes ne veulent plus devoir faire un choix entre travail, carrière ou famille. Cela demande donc aux entreprises et à leurs collaborateurs d’être créatifs dans la recherche de solution permettant aux femmes de concilier ces différentes dimensions de leur vie.

Encourager ne suffit pas, il faut imposer

Eric Gerini, Directeur général de Pemsa group, société active dans placement de personnel, notamment dans les secteurs de la construction

Dans le cadre de nos activités clientèle, nous devons nous assurer que la formation des collaborateurs que nous déléguons soit en adéquation aux besoins du marché. Nous insistons tout particulièrement sur le suivi de la formation technologique. C’est une question véritablement stratégique. Dans les milieux de la construction, je constate que les collaborateurs sont formés le plus souvent de façon très pragmatique. Cette pratique, acquise et développée sur le terrain, doit être cependant validée par une formation théorique. Cette validation des acquis par un diplôme doit être encouragée, pour ne pas dire imposée. Dans ce domaine d’activité, les collaborateurs ne sont en effet pas toujours conscients ou convaincus de ce besoin.
Concernant nos collaborateurs internes, les exigences de formation continue sont également indispensables. Qu’il s’agisse de maîtriser les aspects commerciaux, RH et juridiques. Le monde évolue constamment et il convient de s’y adapter. Je constate cependant que dans mon secteur peu se donnent les moyens de se former de façon continue. Ceci nécessite certes des investissements importants. Dans mon entreprise, le budget de la formation représente 2% de la masse salariale et il est régulièrement dépassé. Un investissement qui devient intéressant pour l’entreprise, comme pour l’employé, si l’équation favorise une promotion ou l’obtention d’un emploi plus qualifié. Cette condition n’est pas toujours facilement réalisable dans une PME. Quant aux « millénnials », ils ne rechignent pas à se former, pour autant que leur apprentissage se fasse durant les heures de travail et n’entrave pas l’équilibre vie professionnelle/ vie privée, celui –ci étant prioritaire à leurs yeux.

La formation pour les Conseils d’Administration – un tabou?

A la tête des PME, la Direction et le Conseil d’administration doivent également faire face à des situations de plus en plus complexes et parfois à des situations de crises dont le rythme s’accélère. Le spectre des compétences de chacun doit être évalué et les lacunes techniques mais également sociales comblées. Sont-ils pour autant bien formés ? Des formations ciblées peuvent avoir ainsi toute leur importance.

Yves Cuendet, administrateur d’entreprises

Les membres de conseil de PME ne sont pas toujours au clair sur le rôle et la valeur ajoutée des administrateurs. Il y a un besoin de base évident à ce niveau. Comme membre de divers conseils, je constate que, même si le besoin de formation est pris au sérieux, on a tendance à rester dans son milieu professionnel et donc à se « contenter » d’actualiser des connaissances techniques alors que le besoin en connaissance hors du strict cadre de l’activité professionnelle est d’autant plus important que c’est une des responsabilités du conseil d’avoir une vision stratégique sur le développement de l’entreprise et de son biotope (IA et blockchain, défis démographiques et globalisation, etc.).
Ainsi, s’agissant de l’encadrement supérieur ou des membres de conseil, à la formation, j’aurais tendance à privilégier des formes nouvelles de coaching faisant intervenir la diversité comme source d’enrichissement : coaching de membres du conseil par des jeunes collaborateurs, d’hommes par des femmes (et l’inverse, bien entendu), de responsables de production par des commerciaux, etc. L’idée étant d’éviter que l’on ne serve les mêmes recettes avec des ingrédients traditionnels ! A côté de ces connaissances liées à un secteur d’activité, il y a des compétences « transversales », requises en particulier au niveau de la direction et du conseil, mais pas exclusivement, qui ont tendance à gagner en importance – langues et cultures étrangères, maîtrise des outils informatiques et des réseaux sociaux, leadership, etc. Quant à moi, j’ai l’intuition qu’un CV est d’autant plus intéressant qu’il démontre une personnalité curieuse et ouverte. Capable donc d’appréhender ces compétences transversales dont on ne sait pas toujours ce qu’elles seront dans 5, 10 ou 20 ans ! Dans un autre ordre d’idée, dans des organisations changeantes – et c’est vrai pour les PME aussi ! – il y a un besoin pressant pour des compétences liées à la gestion de projet. C’est en ce qui me concerne un des premiers critères d’embauche.