Un triathlon en Afrique, ou comment mêler la compétition avec un safari dans le désert

Swim, bike, run. C’est le concept du triathlon : tout d’abord on nage, puis on enchaîne avec le vélo et on termine en courant. Mais pour beaucoup de triathlètes – et je ne déroge pas à la règle – un quatrième étape s’ajoute : voyager.

En plus d’avoir une condition au dessus de la moyenne, les triathlètes sont également des pros de l’organisation. Ils passent constamment d’un équipement à l’autre (les palmes courtes pour améliorer la technique de nage, le vélo évidemment, en hiver le tapis de course, le casque de vélo, les chaussures de course, le bonnet de natation et on en passe), prennent au minimum deux douches par jour après leur entraînement et font une machine à laver avec leur habits de sport la nuit venue.

Ce n’est donc pas un voyage en terres étrangères qui les rebute. Découvrir d’autres cultures et élargir leurs horizons sont même au contraire une motivation supplémentaire pour enchaîner les heures de vélo, les bassins de natation et le kilomètres de course à pied.

Et c’est à chaque fois une aventure : j’ai terminé ma saison 2017 à Bahreïn lors de l’Ironman 70.3 qui étaient en même temps les Championnats du Moyen-Orient, course après laquelle j’avais interviewé pour Le Temps Daniela Ryf, triple championne du monde d’Ironman et d’Ironman 70.3 ainsi que le champion de triathlon et Cheikh de Bahreïn Nasser bin Hamad Al Khalifa. En 2016, j’avais profité d’un voyage Iran pour faire quelques entraînements de course à pied en altitude et écrire pour Le Temps l’article “En Iran, le sport offre un espace de liberté vestimentaire“. 2018 ne dérogera pas à la règle : direction l’Algérie, en avril, pour mon premier triathlon longue distance de l’année !

 

Quand les médias sociaux s’en mêlent

www.instagram.com/coraline_chapatteTout est allé très vite. A vrai dire, j’avais prévu de débuter ma saison sur le circuit national turc (je vis en Turquie depuis presque dix ans), mais la magie des médias sociaux en a décidé autrement. Un message de la part des organisateurs du Triathlon North Africa est arrivé sur mon compte Instagram. Le lendemain, nous parlions sur Skype et le surlendemain je devenais la deuxième ambassadrice de la course. L’autre ambassadeur est la légende du triathlon (188 courses Ironman, dont 40 victoires !), le Tchèque Petr Vabrousek.

Leur professionnalisme et la rapidité avec lesquelles ils sont en train de mettre sur pied cette compétition internationale ont attiré mon attention sur cette course et m’ont convaincu d’y participer. Mais c’est l’enthousiasme et l’histoire derrière la course qui m’ont donné envie de soutenir le projet personnellement en devenant ambassadrice de la course.

Jakoub et Adam Atarsia sont deux frères. Ils sont nés en Algérie, mais vivent depuis de nombreuses années en République tchèque. Ils font tous deux partie de l’équipe nationale d’aviron tchèque. En 2011, lors du Championnat d’Algérie en aviron ils deviennent amis avec Nabil Chiali, qui lui fait partie de l’équipe nationale algérienne. Les frères Atarsia, retournent régulièrement en Algérie pour s’entraîner avec Nabil. Au fil des coups de rames, ils découvrent qu’en plus de leur passion pour l’aviron, ils partagent une histoire de vie commune : des papas décédés trop tôt, des familles qui font passer le sport et l’aviron avant tout et pour tous une enfance passée en Algérie. Alors qu’ils sont en mer en train de s’entraîner près d’Oran, ils ont tout à coup l’idée d’organiser un triathlon dans cette ville côtière. Et pour les frères Atarsia, vivant depuis longtemps loin de leurs terres natales, c’est aussi l’envie de promouvoir l’Algérie comme destination de vacances actives et de développer le tourisme local.

Le Triathlon North Africa aura lieu le 27 avril à Oran. Il sera le deuxième triathlon moyenne et longue distance à avoir lieu sur le continent africain (après ceux de la marque Ironman qui ont lieu en Afrique du Sud).

 

Trois distances et deux surprises

La centaine de triathlètes attendue à Oran s’affrontera sur 3 distances : longue distance (3.9 km de natation, 180 km de vélo et 42 km de course), semi-distance (1.8 km de natation, 90 km de vélo et 21 km de course) ou sprint (750 m de natation, 20 km de vélo et 5 km de course). Deux grosses surprises attendent les participants de 20 pays. La première : de jolies sommes d’argent qui attendent les vainqueurs des parcours longue distance (au total 14’500 EUR). La seconde surprise est la possibilité de s’envoler, à l’issue de la course, vers Taghit, l’une des plus fascinantes oasis du désert du Sahara. L’équipe d’organisation a prévu trois jours d’aventure authentiques dans la partie algérienne du Sahara : trekking, camping dans le désert, coucher de soleil depuis la plus haute dune du monde et visite de la cité de Taghit, baignade dans une oasis et bien entendu dégustation de la cuisine locale. De quoi recharger ses batteries et refaire le plein d’énergie avant de rentrer et de continuer de s’entraîner pour les prochains triathlons de la saison.

Organisation du voyage : vols directs pour Oran ou escale à Alger, l’équipe d’organisation délivre une lettre pour l’obtention du visa nécessaire à l’entrée sur le territoire algérien, hébergement en pension complète à prix préférentiel. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter par e-mail cora(at)koscora.com. En ma qualité d’ambassadrice de la course, j’ai quelques bonnes surprises et des prestations supplémentaires à partager avec les triathlètes intéressés à participer. www.trinorthafrica.com

Prince et champion de triathlon : rencontre avec le cheikh de Bahreïn

En novembre 2017, j’ai disputé mon quatrième Ironman 70.3 à Manama (1.5 km de natation, 90 km de vélo et 21 km de course à pied), la capitale du Royaume de Bahreïn. Je n’ai pas pour autant oublié mon âme de journaliste et j’en ai profité pour interviewer pour le Temps la triple championne du monde d’ironman Daniela Ryf, le vainqueur de l’épreuve masculine à Bahreïn (et 3ème des championnats du monde ITU en 2017), le jeune et talentueux Norvégien Kristian Blummenfelt (interview youTube) et le prince de Bahreïn, son Altesse Nasser Bin Hamad Al Khalifa.

Le cheikh Nasser se laisse facilement photographier, mais donne rarement des interviews.

Le fils du roi Hamad bin Issa Al Khalifa est un cavalier émérite et un champion de triathlon. Il se laisse facilement approcher pour prendre des selfies, il partage plusieurs “story” et photos par jour sur son compte instagram qui compte plus d’un million de followers (www.instagram.com/nasser13hamad), mais le cheikh Nasser ne donne que très rarement des interviews. Après avoir été en contact avec son équipe de presse durant la totalité de mon séjour à Bahreïn, j’ai finalement décroché mon premier entretien de ma carrière avec un souverain.

Votre Altesse, félicitations pour votre victoire dans votre catégorie d’âge, la catégorie militaire et dans le classement regroupant tous les participants des Pays du Golfe ! En plus d’être celui qui a remporté le plus de récompenses lors de la course Bahreïn Ironman 70.3, vous avez également décroché un slot pour les mythiques Championnats du monde Ironman 2018 à Kona, Hawaï.

Le cheikh Nasser a décroché sa qualification aux Championnats du monde d’Ironman 2018 lors de l’Ironman 70.3 de Bahreïn en novembre 2017.

Racontez-nous comment l’enfant royal que vous êtes a débuté le sport et puis le triathlon ?
J’ai commencé à faire du sport lorsque j’étais enfant. Je jouais au football et à l’âge de douze ans, j’ai débuté l’endurance équestre. Mon père, sa Majesté le Roi Hamad Bin Isa Al Khalifa, m’a transmis sa passion pour l’équitation. Il est mon idole. C’est lui qui m’a appris à monter à cheval quand j’étais tout petit et il m’a ensuite fait découvrir d’autres disciplines sportives. Aujourd’hui, il me pousse continuellement à atteindre de nouveaux objectifs. C’est plus tard que j’ai commencé le triathlon. J’ai beaucoup aimé le fait que ce sport requiert des qualités que j’avais développées en pratiquant l’endurance à cheval, tout en me poussant à progresser dans d’autres domaines.

Le sport tient depuis longtemps une grande place dans votre vie.
Le sport a, à la fois changé, la vision que j’ai de la vie et m’a fait adopter un mode de vie sain. Comme tous les sportifs le savent, j’ai également appris qu’il faut travailler durement pour parvenir à réaliser ses objectifs. J’ai dû remodeler ma vie quotidienne pour atteindre et maintenant conserver mon bon niveau, c’est-à-dire surveiller mon alimentation et avoir suffisamment de temps pour m’entraîner. Le sport m’aide aussi à garder les pieds sur terre et m’a appris à gérer les succès et les défaites.

Né en 1987, le cheikh Nasser est marié avec Shaikha bint Mohammed bin Rashed Al Maktoum, la fille de l’Emir de Dubaï. Ils ont trois enfants : Sheema et les jumeaux Hamad et Mohammad.

Comment êtes-vous devenu l’un des meilleurs triathlètes sur la scène internationale ?
Cela n’est pas arrivé pas en un jour. C’est le fruit de plusieurs années d’entraînement, de détermination et de dévouement. Ceci est la clé du succès pour n’importe quel sport. Mon coach me force à rester concentré pour atteindre mes objectifs lors de chaque course. Je suis ses instructions à la lettre. Malgré mon emploi du temps très chargé demandant la supervision de différentes institutions gouvernementales, ma participation à de nombreux événements et le temps que je consacre à ma famille, je fais toujours en sorte de trouver du temps pour m’entraîner. Pour chaque course à laquelle je participe, je me fixe un nouveau record à atteindre et je donne tout pour battre le précédent.

Le cheikh Nasser, fils du Roi de Bahreïn Hamad Bin Isa Al Khalifa, représente régulièrement son père.

A vous entendre, on dirait que tout se déroule toujours comme dans un rêve pour vous ?
Non, définitivement pas. J’ai trébuché plusieurs fois et je me suis heurté à de nombreuses difficultés. J’ai connu des gros coups durs comme lors de l’Ironman 70.3 en décembre 2016 ici à Bahreïn. Je savais que je m’étais entraîné durement et j’étais prêt à faire une bonne course, mais je suis tombé lors de l’étape de vélo. J’ai eu plusieurs contusions et j’ai dû abandonner. Cela ne m’a pas empêché de reprendre l’entraînement et de me concentrer sur ma prochaine course. Dans la vie, vous êtes parfois amener à vous arrêter voire même à devoir faire quelques pas en arrière. Mais quand cela arrive, je m’assure que je ferai au moins deux pas en avant lors de ma prochaine course.

Qui sont les athlètes qui vous inspirent et ceux qui vous font trembler ?
Ma plus grande source d’inspiration est le Team Bahrain Endurance 13 que j’ai créé. L’équipe compte les meilleurs triathlètes. Chacun des athlètes possède l’une ou plusieurs qualités qu’un triathlète se doit d’avoir. J’essaie moi-même de les acquérir une à une. En termes de concurrents à battre, en fait, je n’entre jamais en compétition avec les autres. Je me considère comme mon propre adversaire. Battre mon précédent record est à chaque fois mon seul défi et ma motivation profonde.

Parlons un peu de votre royaume Bahreïn et de ses habitants. Grâce à vos succès sportifs et votre détermination, vous semblez être devenu un modèle pour les Bahreïniens.
Merci pour le compliment. En fait, avoir la possibilité d’inspirer la jeunesse et mes concitoyens est une manière de me réaliser personnellement. Je suis vraiment fier de voir le nombre de jeunes athlètes bahreïniens s’intéresser au triathlon et obtenir de bons résultats dans la discipline. Ils sont en train de devenir eux-mêmes la nouvelle inspiration de la jeunesse locale.

Durant les cinq dernières années, Bahreïn est devenu un pays très actif au niveau sportif. Vu que la majorité des cyclistes utilisent les routes de Zallaq pour s’entraîner, j’ai rendu public ma piste de vélo privée de 10 km qui se trouve dans le Sud. Pour moi, c’était un bon moyen d’encourager les gens de faire du sport et d’être actifs et je suis vraiment heureux de voir que chaque jour de plus en plus de personnes utilisent cette piste. Pas seulement les athlètes, mais presque toute la population de Bahreïn a commencé à opter pour un mode de vie plus sain. Chaque jour, de nouveaux événements sportifs locaux ont lieux et le nombre de personnes y participant augmente constamment.

Au niveau international, le Royaume de Bahreïn organisent des compétitions dans des disciplines telles que le triathlon, le football, les arts martiaux mixes (MMA), l’équitation, le cricket. C’est une excellente chance pour Bahreïn de faire découvrir aux étrangers sa culture et ses richesses touristiques.

Le cheikh Nasser (ici lors de l’épreuve du vélo durant l’Ironman 70.3 de Bahreïn) a rendu public sa piste de vélo privée pour encourager plus de gens à faire du sport.

Avec la création des équipes de cyclisme « Bahrain Merida Pro Cycling » et de triathlon « Bahrain Endurance Team 13 »), le Royaume de Bahrain a gagné en notoriété. Qu’est-ce qui vous a incité à créer ces équipes ?
Mon rêve a toujours été de faire connaître Bahreïn partout dans le monde et ceci malgré la petite taille de mon pays. En mettant sur pied les équipes de cyclisme et de triathlon, mon but était de créer une source d’inspiration pour la jeunesse du pays et en même temps évidemment de promouvoir Bahreïn sur la scène internationale.

Pour le moment, à part vous-même, tous les athlètes des équipes sont de nationalité étrangère. Comment se passe leur sélection ?
Bahreïn est un jeune pays et la participation d’athlètes bahreïniens à des compétitions internationales est très récente. Comme je le disais, ces équipes ont été créées pour inspirer la jeunesse locale. L’équipe cycliste Bahrain Merida a commencé de travailler avec des athlètes locaux dans le but de les intégrer dans l’équipe pro. A très court terme, les deux équipes auront une équipe de développement qui accueillera exclusivement les jeunes Bahreïniens. Il est important qu’ils comprennent qu’en s’investissant avec discipline, ils peuvent avoir leur place dans ces équipes et à plus long terme avoir du succès au niveau international. Les membres de chaque équipe sont sélectionnés en gardant ces objectifs en tête et nous nous basons sur les compétences uniques que chaque membre est à même d’apporter à l’équipe.

Quel est votre rêve en tant que triathlète ?
Mon objectif principal en triathlon était de me qualifier pour les Championnats du monde à Kona, objectif que j’ai atteint en novembre 2017 lors de l’Ironman 70.3 de Bahrain. En fait, le slot m’avait été proposé auparavant, mais je ne l’avais pas accepté, car je voulais me prouver à moi-même d’abord et ensuite à ma famille que je pouvais le gagner comme n’importe qui d’autre. Les Championnats du monde Ironman seront pour moi la course la plus difficile de ma carrière. Je suis terriblement excité et je me réjouis énormément. Mais je sais aussi que je devrai m’entraîner de façon plus rigoureuse et plus dure que je l’ai fait jusqu’à présent.

Un dernier mot ?
Dans le sport, nous sommes tous égaux. Et ceci indépendamment de notre statut dans la vie. Il suffit de travailler dur, d’être déterminé et de faire preuve de dévouement pour atteindre nos rêves. Rien est impossible lorsque nous fixons notre esprit sur le but à atteindre.

Cet interview du cheikh Nasser a été réalisée par Coraline Chapatte en novembre 2017 en marge de l’Ironman 70.3 de Bahreïn.

Le cheikh Nasser en compagnie de Coraline Chapatte lors de l’Ironman 70.3 de Bahreïn en novembre 2017.

Le peak flow ou l’élixir de l’effort

Soudainement, le temps n’existe plus. Tout comme la sensation d’effort. La tête est vide. Mais tout est aussi plus intense. Logique. Comme si le moment avait déjà été vécu. Un sentiment de bonheur apparaît. Pas futile, mais profond. Une ivresse sobre.

Devenir le moment

J’ai vécu ce moment lors du Gloria Ironman 70.3, à Antalya, au Sud de la Turquie, en octobre dernier. Après les 1.9 km de natation en mer, au cinquantième kilomètre des 90 km du parcours vélo, je suis entrée dans cet état. C’était littéralement magique. Je disputais mon premier Ironman 70.3 et voilà que j’avais le sentiment d’avoir déjà participé à l’édition de la course dans laquelle je me trouvais. Un sentiment de déjà vécu troublant mais agréable. Lancée à près de 30 km/h sur mon vélo de course en position de contre-la-montre, le vent claquait sur mon visage et j’étais là sans être là. Par moment, je me voyais depuis en haut pédaler sur mon vélo. Par fraction de secondes, je me dématérialisais. Je n’avais plus besoin de commander à mes jambes de pédaler, ni à mes mains de changer les vitesses, ni même encore à faire attention à un éventuel obstacle ou concurrent. J’étais en osmose totale avec le moment présent. J’étais devenue le moment. Sans en être consciente, j’avais atteint le peak-flow. Cet état reconnu pour la première fois en 1990 par le psychologique hongrois Mihaly Csikszentmihalyi.

“L’atteinte du peak flow, c’est devenir le moment lui-même.” Coraline Chapatte

Pour la petite histoire, je suis en train de préparer un Master en psychologie du sport à l’Université de Marmara à Istanbul (Université la plus réputée dans le domaine du sport en Turquie) et dans le cadre d’un des cours que je suis, j’ai choisi comme sujet le « peak flow » sans exactement savoir à quoi cela correspondait. Lors de mes recherches, j’ai alors découvert que cette notion en psychologie, je la connaissais bien en fait.

Entrer dans la zone

Csikszentmihalyi a défini le flow comme un phénomène se manifestant quand un individu perçoit un équilibre entre ses compétences personnelles et la demande de la tâche. Non seulement les sportifs entrent de ce que l’on appelle aussi la « zone », mais les musiciens, particulièrement les solistes et les étudiants quand ils sont en séance de répétitions intenses, par exemple, connaissent des états de flow.

Ayrton Senna, en 1988 avait durant les qualifications du GP de Monaco, déclaré avoir l’impression de piloter sa voiture au-delà des ses limites, de ne plus la conduire de façon consciente, mais de façon inconsciente.

Pour moi, ce qui a été absolument bluffant et incroyable a été d’expérimenter cet état si facilement. J’ai ensuite compris dans le cadre de mes recherches à l’Université que la visualisation mentale que j’effectue avant chaque compétition a en fait une importance primordiale pour atteindre cet état. Je reviendrai plus en détail sur la préparation psychologique d’avant-course dans un prochain billet.

Il semble aussi que nous ne soyons pas tous égaux à l’aptitude d’entrer dans le flow ou non. Pour illustrer cela concrètement, pensons à la vie quotidienne. Réfléchissez, quel est votre degré à vous investir dans une activité sans en attendre de récompenses extérieures (un compliment, un cadeau, un salaire, etc.) ou sans y être contraint ? Qui parvient à réaliser une activité pour la simple gratification qu’elle procure en elle-même ? On parle d’autotélisme. Et lors d’une activité sportive entrer dans le flow, c’est en fait simplement vivre une expérience autotélique.

Evidemment, personne ne peut vivre constamment dans cet état, car nous sommes tous obligés par nécessité ou par devoir de faire des choses qui ne nous plaisent pas. Csikszentmihalyi a même établi une gradation entre les gens qui n’ont presque jamais l’impression de se faire plaisir et ceux qui considèrent presque tout ce qu’ils font comme important et valable en soi.

Je ne m’hasarderai pas à affirmer que le sport favorise l’autotélisme, mais je peux affirmer que le sport est un bon moyen de découvrir cet état. Et en le reconnaissant et en l’apprivoisant, peut-être que vous pourrez comme moi y entrer plus facilement dans la vie de tous les jours et ainsi parvenir à vous détacher des attentes récurrentes que la société nous pousse à avoir. A vivre l’instant présent. Et à le savourer pour son essence.

Réussir son premier triathlon

Comme je l’évoquais dernièrement dans mon article « Le passage de la course à pied au triathlon », devenir triathlète rime avec une organisation irréprochable et une motivation sans faille. Aujourd’hui, j’ai décidé de partager avec vous des conseils pratiques concernant la planification et la gestion de l’entraînement.

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Le triathlon ne forge pas le caractère, il le révèle. Photo credit: Baris Sonmez

Suivre un plan d’entraînement
Il est primordial de suivre un plan d’entraînement. Alors qu’il est possible, même si non recommandé, de s’entraîner « selon la motivation du jour » lorsque l’on est coureur à pied, la préparation d’un triathlon nécessite un plan d’entraînement. Plusieurs options s’offrent à vous : programmes gratuits ou payants disponibles sur internet, suivi personnalisé par un coach ou être membre d’un club de triathlon.

Si vous utilisez un plan d’entraînement gratuit ou payant téléchargé sur internet, il couvre généralement 8 ou 16 semaines. Pour chaque semaine, le nombre et le détail des sessions est donné. Je vous recommande de prendre le temps chaque dimanche d’insérer toutes les sessions d’entraînements de la semaine à venir dans votre programme professionnel et social. Sans cela, il sera impossible de parvenir à effecteur la totalité des sessions car vous serez rapidement pris de cours.

Distances plus courte, intensité plus élevée et séances journalière multiples
Pour l’athlète d’endurance que je suis et qui avais l’habitude de courir parfois durant douze heures d’affilée, des séances courtes mais intenses ont été une grande nouveauté durant la préparation de mon premier triathlon.

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Les sessions d’entraînement fractionné sont primordiales pour augmenter la résistance à l’effort et l’endurance générale. Photo credit: Baris Sonmez

Au niveau de la course à pied, une session d’entraînement fractionné peut par exemple être des 1500 m rapides, suivis de 1000 m faciles et ceci répété quatre fois. Si vous êtes un adepte de course à pied, vous comprendrez immédiatement la difficulté d’un tel entraînement. Imaginez maintenant que quelques heures après, vous devez monter sur votre vélo et roulez durant une heure avec une cadence de 90 rpm sans oublier que le soir d’avant vous aviez déjà nagé 1500 mètres non-stop et fait 20 min de drills.

 

Rien que de lire cela, vous vous sentez fatigués et commencez à transpirer ? Vous avez raison, cela paraît fou mais il m’a fallu une semaine d’adaptation. Aussi intéressant que cela paraisse pour moi, c’est devenu comme un jeu. Mais un jeu qui nécessite une organisation parfaite.

 

 

Proximité des lieux d’entraînement
Un des conseils que je peux donner à toutes les personnes qui veulent se lancer dans la préparation d’un triathlon, plus la piscine ou le lac dans lesquels vous vous entraînez, le vélodrome ou votre parcours vélo, la piste d’athlétisme ou votre parcours de course sont proches l’un de l’autre et de votre domicile ou de votre lieu de travail, plus la tâche sera facile. En général, une session d’entraînement, dans le cas de la préparation d’un triathlon de distance olympique (1500 m natation, 40 km vélo et 10 km course à pied) ne dépasse pas 90 minutes. De façon raisonnable, nous sommes quasi tous à même de trouver 180 minutes de libre par jour dans nos vies quotidiennes, mais c’est le temps utilisé pour se rendre sur le lieu de l’entraînement qui peut rendre l’organisation très compliquée.

Natation : apprentissage et persévérance
Pour les coureurs à pied, la natation reste généralement la discipline la plus difficile à s’adapter. En Suisse (au contraire d’autres pays tels que la Turquie où je vis), nous sommes habitués à faire du vélo. Même si ce n’est pas pour faire de la performance, nous savons utiliser un vélo et le passage au vélo de course et à l’entraînement sur route se fera généralement en douceur. Par contre, la natation demande de la technique et de la persévérance.

coraline chapatte triathlon pool swimming

Dans mon cas, j’ai toujours nagé la brasse coulée et en novembre dernier, je nageais au maximum 200 mètres en crawl. Mentalement, la natation est difficile. Pour moi, chaque séance d’entraînement représentait un combat contre l’eau qui m’empêchait de trouver mon rythme de respiration. J’ai sincèrement failli abandonner plusieurs fois ma préparation et ma participation à mon premier triathlon à cause de la natation.

Je m’entraîne donc avec un club de natation et cela a été capital dans ma progression. Je pense qu’il est vraiment incontournable de travailler avec un entraîneur personnel de natation ou de nager avec un club sous la supervision d’entraîneurs à moins que vous ne soyez un nageur ou un ancien nageur.

En effet, la natation ne s’apprend pas en regardant des vidéos sur internet ou dans un livre. Une technique juste est primordiale. Et personnellement, pour la motivation également, la supervision par un coach est un réel avantage. Aligner les longueurs dans un bassin requiert vraiment une énorme force mentale. Et pour un coureur à pied qui a l’habitude de profiter du paysage, se retrouver dans un bassin et faire des allers-retours deviennent vite un défi mental en plus d’être physique.

Moins de blessures et fini le mal de dos
Comme je l’évoquais dans mon précédent billet « Le passage de la course à pied au triathlon », le fait de jongler constamment entre trois disciplines a un effet positif sur l’ego. Au niveau physique, passer d’une discipline à l’autre évite de solliciter constamment les mêmes muscles, donc moins de surcharge musculaire et par conséquence de blessures pour un volume d’entraînement identique ou plus élevé qu’un coureur à pied effectuerait. La natation permet en plus de renforcer les muscles du dos que les coureurs à pied et cyclistes ont tendance à négliger. Finis les maux de dos à répétition dont bon nombre de personnes passant leur journée assis devant un ordinateur sont victimes !

Pour terminer, je vous propose encore quelques derniers conseils et réflexions en vrac :

  • Dans la mesure du possible, faites vos « longues » sorties de vélo en groupe. Accompagné d’autre cyclistes, vous aurez tendance à avoir un tempo plus élevé que vous si étiez seuls et c’est également un plus en termes de sécurité.
  • Mêmes si pour les débutants, les séances d’entraînement de briques (enchaîner deux disciplines durant le même entraînement avec le minimum de temps de pause et idéalement sans temps de pause, ex. course à pied directement après un entraînement de vélo) peuvent paraître intimidantes, elles sont primordiales pour habituer les muscles à s’adapter aux transitions entre les disciplines.
  • Soyez prêts à entendre des railleries par rapport à vos marques de bronzage, particulièrement au niveau des jambes (short cycliste) et pour nous les dames au niveau du dos (maillot nageur).
  • La récupération est primordiale. Pour supporter deux sessions d’entraînements par jour, votre corps et votre esprit doivent être reposés. Mettez une croix sur les longues soirées TV jusqu’à une heure du matin si le lendemain à 6h, une séance d’entraînement de vélo vous attend.
  • Veillez à ne pas « saouler » votre entourage avec des conversations tournant uniquement autour du triathlon. Cette discipline prendra une telle place dans votre vie que si vous n’y prenez pas garde, vous n’aurez que cela sur les lèvres.
  • Il est fort possible que vous ne retourniez pas à la course à pied. Certes vous courrez toujours dans le cadre de votre entraînement, mais il est fortement possible que votre programme de courses annuel soit composé uniquement de triathlons !
coraline chapatte triathlon bike
Accompagné d’autre cyclistes, vous aurez tendance à avoir un tempo plus élevé que vous si étiez seuls. Tout bénéfice pour améliorer sa vitesse et sa cadence sur le long terme.

Le passage de la course à pied au triathlon

Comme évoqué dans mon premier article pour le blog du Temps « Le mental du sportif blessé », j’ai été victime d’une fracture de fatigue à la suite de l’ultra marathon de la Voie lycienne dans le Sud de la Turquie en octobre 2016, course durant laquelle j’ai parcouru en six jours 250 km (le récit de la course en anglais se trouve sur mon blog). Durant la période où je ne pouvais pas courir, j’ai commencé à nager régulièrement afin de préserver ma condition. Puis une fois totalement rétablie, j’ai ajouté le vélo dans le but de préparer ma saison de course à pied. Et j’ai rapidement profité des bénéfices de l’entraînement croisé que j’évoquais dans mon dernier billet « Cours moins, fais plus de vélo ».

triathlon antalya may 2016_Coraline ChapatteTout à coup, je ne courrais plus seulement, mais je nageais et faisais du vélo. Pas besoin de laisser planer le mystère plus longtemps, vous l’avez déjà deviné, la coureuse à pied que j’étais était en train de devenir une triathlète. Ou du moins en avait l’intention!

Je vais partager, sous la forme de deux volets, comment s’opère une transition de la course à pied au triathlon.

Dans ce billet, je traiterai de mon expérience personnelle et aborderai les questions d’ordres psychologiques et mentales d’un tel changement. Dans le second article à venir, je vous livrerai mes observations et les clés pour réussir son premier triathlon.

 

Duathlon d’abord, triathlon ensuite

En mars dernier, après être monté une dizaine de fois sur mon nouveau vélo de route, j’ai participé à un duathlon à Izmir, sur la côte de la Mer Egée. Un duathlon se déroule sous la forme suivante : course à pied, vélo et course à pied. Il y a plusieurs formats possibles en termes de distances. Celui auquel j’ai participé consistait en 5 km de course, 20 km de vélo et 2.5 km de course. Les distances sont courtes certes, mais le véritable challenge consiste à gérer les transitions. Pour moi, c’était ma première expérience dans la gestion de multiples disciplines dans une même course.

Je peux vraiment conseiller à tout futur triathlète de faire un premier test en combinant deux disciplines avant de passer à trois. Duathlon comme dans mon cas ou alors aquathlon (nation et course à pied). Cela permet de se préparer mentalement et en douceur à l’adaptation à trois disciplines et de découvrir les contraintes auxquelles il va devoir faire face.

Pour ma part, j’ai tout de suite réalisé à l’issue de mon premier duathlon – qui ne s’est pas mal passé soit dit en passant puisque j’ai raté le podium pour 2 secondes – que la préparation d’un triathlon demanderait une sacrée organisation pour combiner non pas deux disciplines comme pour le duathlon, mais trois : natation, vélo et course à pied.

 

Organisation et planification

Pour la coureuse à pied individualiste et solitaire qui préparait ses entraînements par elle-même et qui la plupart du temps courait selon ses envies et de façon spontanée, une nouvelle ère commençait : collaborer avec un entraîneur. Vivant en Turquie, j’ai contacté l’entraîneur de l’équipe nationale turque de triathlon, l’italien Andrea Gabba. Il a directement accepté de devenir mon coach.

Comme vous le savez peut-être, en plus d’écrire et d’être une athlète, je donne des cours de sport et entraîne moi-même plusieurs sportifs. Alors « être de l’autre côté » allait être une expérience intéressante.

Mon premier triathlon avait lieu le 16 mai au Sud de la Turquie au bord de la Mer méditerranée, à Antalya. Mais auparavant j’avais dans mon programme annuel un ultra marathon de 90 km: l’Iznik Ultra à la mi-avril. Je me suis concentrée sur cette compétition entre le duathlon d’Izmir et la course. Bref, de la longue distance et des longues heures d’entraînement à vitesse lente puis courir 90 km en une seule fois laissent des traces à la fois dans l’organisme et au niveau mental.

Mais avec le temps, j’ai appris à considérer cela comme « normal » et tant mes muscles que mon cerveau savent maintenant récupérer rapidement : 45 heures après avoir passé la ligne d’arrivée, je donnais un cours de spinning. L’un de mes prochains billets pour Le Temps traitera de la récupération, ce sera donc l’occasion de développer ce sujet plus longuement à ce moment-là.

Entre cet ultra marathon de 90 km et mon premier triathlon, il y avait exactement un mois. J’ai plein d’amis triathlètes dans mon entourage et à les entendre, faire du triathlon était quelque chose d’hors du commun : ils ne parlaient que de leurs multiples séances d’entraînement et insistaient sur le fait que l’organisation était primordiale. Sincèrement, je pensais que c’était un style qu’ils se donnaient! Qu’est-ce qui pouvait bien être si difficile ?

Evidemment, il y a trois disciplines, mais cela fait des années que je pratique différents sports (fitness, cours de spinning, randonnée, course à pied, un peu de vélo) pour travailler mon endurance et préparer mes courses à pied de moyenne et longue distance.

bike antalya triathlon Coraline Chapatte

A mon retour de l’ultra marathon d’Iznik, j’ai ouvert mon programme d’entraînement préparé par Andrea Gabba. Je me suis immédiatement dit que ça allait être génial : chaque jour deux sessions de sport et plein de sessions avec des intervalles (j’y reviendrai dans mon prochain article). Pour moi qui avait généralement l’habitude de chausser mes baskets et de courir à rythme moyen deux heures ou trois, ça allait faire du changement !

Je dois immédiatement dire que sans un programme d’entraînement préparé par une tierce personne, je n’aurais absolument rien fait la semaine après mon ultra marathon ! Il est toujours très facile de trouver des excuses et surtout de se reposer sur ses lauriers après une course. Mais voilà, je découvrais les premiers avantages de travailler avec un entraîneur : pas d’écart possible, faire ce qui est écrit sans tout remettre en question.

 

Mettre de l’ordre dans le chaos

La première semaine a été un peu chaotique, j’étais évidemment “un peu” fatiguée de mon ultra et jongler entre les trois disciplines me stressait vraiment. Mon organisation laissait fortement à désirer, je réussissais difficilement à trouver le temps nécessaire pour mes sessions d’entraînement. Moralement, j’étais exténuée ! En réalité, je découvrais la vie de triathlète… Donc mes amis n’exagéraient pas en disant que s’entraîner pour un triathlon était difficile.

Le week-end avant la seconde semaine, je me suis assise, pris mon programme d’entraînement entre les mains et planifié jour après jour et heure après heure ma semaine à venir en tenant compte des mes obligations professionnelles. Le programme préparé par mon coach m’indique chaque jour quelles sessions j’ai à faire, mais sans planifier chaque journée heure par heure aucune chance d’arriver à le respecter.

Une des difficultés du triathlon est que vu le nombre élevé de sessions d’entraînement par jour, si vous en manquez une, il est impossible de la faire le jour suivant car le lendemain, deux autres entraînements sont déjà prévus. Une organisation parfaite est incontournable !

 

La disparation de l’ego

Ma préparation pour mon premier triathlon, comme je l’ai dit plus haut, a duré en tout et pour tout un mois. Même si je fais du sport depuis mon plus jeune âge, j’ai réellement l’impression que ces quatre semaines m’ont enseignée beaucoup plus que ce que la course à pied m’a appris en trente ans.

Le fait de jongler constamment entre trois disciplines a un effet très positif sur l’ego. Vous ne pourrez immanquablement pas être au top dans tous les sports. Vous passerez constamment du sentiment de « oh, aujourd’hui j’ai fait un super entraînement » à celui de « mais dans quelle aventure me suis-je lancé ? » en passant par « moi le sportif de longue date qui croyait tout connaître de moi-même, comment est-ce possible d’avoir de telles défaillances ? »

 

Jour J : organisation, visualisation et plaisir

La course en elle-même mériterait un billet séparé, donc je vais faire court et m’en tenir aux points forts ici. Si vous avez envie de lire tous les détails, vous trouverez le récit détaillé de la course sur mon blog en anglais. L’organisation et le sens du détail sont importants. Avant la course, il faut veiller à bien préparer son espace dans la zone de transition et d’organiser ses différentes affaires : casque, lunettes de soleil, chaussure vélo, chaussures de course à pied et gels/bars afin de ne pas perdre de temps lors du passage de la natation au vélo et puis du vélo à la course à pied.

before the race triathlon coraline
Avant la course, il faut veiller à bien préparer son matériel.

Mentalement, des exercices de visualisation et la méditation m’ont aidé à arriver calme et sereine sur la ligne de départ. La visualisation est particulièrement importante pour fixer dans le cerveau les différentes étapes de la course et réaliser les opérations de changement de matériel dans le bon ordre lors des transitions.

Au niveau de la motivation et du plaisir, une course de triathlon apporte des sensations différentes celles que lors d’une épreuve de course à pied. J’ai trouvé la gestion de l’effort au point de vue mental plus facile car l’on passe d’un sport à l’autre. Durant les trente-six minutes qu’ont duré la natation, je me motivais en me voyant pédaler sur mon vélo par exemple. Automatiquement le cerveau séquence l’effort en trois parties. Revenir deux fois dans la zone de transition est aussi l’occasion de recevoir des encouragements des proches et des spectateurs.

award ceremony antalya triathlon 2016
Troisième rang dans la catégorie 30+

Pour moi, mon premier triathlon s’est tout simplement déroulé comme dans un rêve. J’avais beaucoup d’appréhension quant à la natation et tout s’est passé merveilleusement bien puisque je me suis hissée sur la troisième marche du podium de la catégorie d’âge 30 ans et plus.

La semaine prochaine, j’évoquerai avec un peu plus de détails la façon dont je me suis entraînée et partagerai avec vous des conseils pour rendre votre passage au triathlon et la préparation de votre première compétition plus facile.