Le sportif : nouveau héros digital

Passage de la ligne d’arrivée. L’espace d’un instant le temps s’arrête. Les frissons s’emparent du corps. La tête est légère. Et vide. Une accolade. Un saut de joie. En une seconde, toute les difficultés sont oubliés. Et puis, tout s’accélère. Une photo. Et puis une autre. Synchroniser sa montre avec son téléphone. Et partager. Immédiatement. Avant même de prendre sa douche. Tel le messager d’antan qui apportait la missive sur son cheval, le héros des temps modernes partage son exploit sur les réseaux sociaux.

Le sportif de 2016 est-il toujours un héros dans l’effort physique ? Ou est-il devenu un héros digital ? Plus besoin de monter sur les marches du podium pour occuper le devant de la scène et être pris en photo. Un selfie par ci, un collage de quelques photos par là accompagné d’une célèbre citation, le tout partagé avec les bons « hashtags » et le nombre de « followers » et de « likes » s’envolent.

sportif 2016_hero digital le livre sur les quais coraline chapatteEt on ne parle pas uniquement de la compétition, la simple session d’entraînement devient une représentation, dont le public sont les followers. Des anonymes pour la plupart qui likeront la #photooftheday ou le #runningselfie du jour. Chausser ses baskets, enfiler ses écouteurs, courir, se dépasser, transpirer, avoir envie d’abandonner et puis penser à la photo qui sera partagée, likée et commentée. Et la motivation revient en l’espace d’un instant.

Décriés les médias sociaux ont ajouté une finalité supplémentaire à l’effort. Pas seulement l’athlète, mais l’Homme a besoin de motivation intrinsèque et extrinsèque pour s’améliorer. Les médias sociaux sont devenus pour le sportif une source « gratuite » de motivation extrinsèque. Le sportif des années nonante devait compter sur sa famille et ses amis pour toucher sa dose de motivation. En 2016, des anonymes des quatre coins du monde sont devenus la raison de se dépasser de beaucoup de sportifs.

Oui, partager sa vie de sportif sur les réseaux sociaux est source de motivation, mais lorsque le nombre de followers atteint plusieurs milliers, une prise de conscience s’opère inévitablement. Tout à coup, de l’anonyme qu’il était, un « influencer » devient un modèle, une source d’inspiration pour ceux qui le suivent, likent et commentent ses photos. Il n’est pas rare qu’à l’issue d’une course, les autres concurrents ou les spectateurs l’approchent en lui disant « Vous ne me connaissez pas, mais je vous suis sur Instagram. Merci de partager votre motivation avec nous. » Pour un sportif qui devient un héro sur les médias sociaux une véritable écoute de soi et une démarche de réflexion sont alors nécessaires. Une photo partagée est bien plus qu’une photo. Le message qui est donné a un réel impact sur la vie d’anonymes.

Être une source d’inspiration contraint une gestion adéquate des émotions lors d’une victoire. Impossible également de rester silencieux et absent des réseaux sociaux durant plus de trois ou quatre jours d’affilé – sinon les followers stopperont de suivre le sportif. Alors que généralement les athlètes peinent à parler des coups durs dans leur vie personnelle ou à évoquer les périodes de blessure, partager ces moments sur les réseaux sociaux est en fait une magnifique opportunité de devenir un héros accessible. D’expliquer son cheminement, partager ses émotions, raconter ses faiblesses. Avec en bonus une meilleure connaissance de soi, mais également des messages d’encouragement et de soutien.

J’évoquerai cette démarche dans le cadre de l’événement « Le livre sur les quais » à Morges, durant lequel j’aurai la chance d’intervenir le vendredi 2 septembre à 17 h  dans le débat qui réunira le célèbre psychologue français Boris Cyrulnik qui présentera son dernier ouvrage intitulé « Besoin de héros ? Sport et connaissance de soi. » et Mark Milton, fondateur et directeur de la fondation suisse Education 4 Peace. Pour plus d’informations et réserver vos places, vous pouvez consulter le site internet du Livre sur les quais.

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