Découvrir son intériorité. Être maître de ses émotions. Se rendre compte de l’impact de ses pensées. Nous pensons tous nous connaître et surtout nous sommes tous persuadés de savoir gérer nos émotions. Et puis tout à coup, un petit grain de sable arrive et c’est l’explosion, un haussement de voix ou un mot de travers. Et puis les regrets et les excuses. Nous avons beau dévorer des livres de psychologie, suivre des séminaires de développement personnel, la perte de contrôle arrive trop vite.
Je ne dérogeais pas à la règle. Pire que cela, l’an dernier pour la première fois de ma vie, je flirtais constamment avec la colère et l’exaspération. Au moindre accroc, je me sentais démunie. Personne ne s’en rendait compte peut-être. Mais à l’intérieur, c’était un ouragan que je n’arrivais pas à faire taire. Durant cette période, j’ai participé à un ultra marathon : 250 km durant 6 jours. Le premier jour, les participants prennent le départ avec sur leur dos la nourriture et l’équipement pour toute la semaine. Chaque jour, les kilomètres défilent sous leurs semelles : entre 35 et 45 km avec comme étape finale 105 km.
Le soir arrivé, campement. Chacun sort de son sac sa nourriture, prend une douche et puis s’endort. Et le lendemain le pèlerinage continue. Car oui, participer à un ultra-marathon demande certes des ressources physiques, mais le « tout est dans la tête » prend alors tout son sens.
Les kilomètres défilent. Vingt, puis trente, cinquante. La tête s’habitue. Et surtout, elle n’a plus peur de la notion de distance. En même temps, un certain détachement se produit. Au fil des kilomètres, l’esprit se balade. Les yeux dévorent le paysage, mais l’esprit lui voyage dans d’autres dimensions. Je me rappelle avoir vu le vent. Impossible de vous dire maintenant à quoi cela ressemblait, mais au moment où je l’ai vu, je me rappelle m’être dit que le vent était quelque chose de magique et magnifique.
Passer de longues heures dans un état d’effort et pour la plupart du temps seul donnent le temps de réfléchir. De revenir sur certains épisodes de vie. De les revivre peut-être.
L’ultra marathonien passera de la joie à la colère, de l’euphorie à l’énervement. Alors que dans la vie quotidienne, nous avons tendance à accuser l’autre en cas d’un quelconque problème, le coureur longue distance n’a pas le luxe de trouver un coupable à ses états d’âme. Il vivra ses émotions jusqu’au bout. Et surtout les acceptera.
Le soleil, la fatigue, la solitude, la faim, le découragement et puis la motivation qui revient. La joie de passer la ligne d’arrivée. Autant de moments qui rythment un ultra-marathon composé de plusieurs jours de course.
Pas le temps non plus de passer trop de temps à se lamenter. Il faut avancer. Aller de l’avant. Chaque jour, je me sentais plus forte. J’avais l’impression de revenir aux sources. De retrouver mon caractère brut.
A certains moments, je me glissais dans la peau d’une héroïne d’un autre temps. Aujourd’hui, parée de chaussures de course à pied développées selon les dernières technologies, je parcourais le mystique parcours de la Voie lycienne au Sud de la Turquie. Et si dans un autre temps j’avais déjà longé cette magnifique côte méditerranéenne ? Plusieurs fois, j’ai eu l’impression d’avoir déjà emprunté ces sentiers caillouteux. Mon cerveau me jouait-il des tours ?
Chaque jour, c’est un nouveau départ, de longues heures passées seul dans l’effort. Les jambes avancent, aucun souci de ce côté-là. Le gros travail se passe dans la tête. Se motiver soi-même, courir au lieu de marcher, comprendre quand le corps a faim, s’écouter et reconnaître le besoin de s’arrêter quelques minutes pour reprendre ses esprits.
Et puis les 260 km sont bouclés. Tel le pèlerin qui arrive au sanctuaire tant espéré, la ligne d’arrivée finale est coupée. Retour dans la vie quotidienne. Embouteillages, stress au travail, magasins bondés. La vie continue. Avec le stress et les impératifs. Mais à l’intérieur, un nouveau calme. Une nouvelle force. Une tranquillité. Avais-je découvert une forme d’héroïsme moderne? En effet, j’avais l’impression d’être devenue l’héroïne de ma vie. Qui résistait mieux au stress et aux contraintes. Et qui souriait sans raison. Rien ne me paraissait désormais impossible. Les doutes et les peurs que j’avais depuis l’enfance avaient disparu. La brume qui pesait sur ma confiance en moi avait commencé à se dissiper.
L’endurance. Le dépassement de soi. Le courage de se lancer dans une telle aventure. De continuer quand la tête veut s’arrêter. Avec à la clé : gagner la chance d’être soi-même. Quelle victoire.
J’évoquerai entre autres cette aventure ainsi que la thématique du sport et des médias sociaux (évoqué dans mon précédent billet « Le sportif : nouveau héros digital ») ce soir vendredi 2 septembre à 17 h dans le cadre de l’événement « Le livre sur les quais » à Morges. J’aurai la chance d’intervenir dans le débat réunissant le célèbre psychologue français Boris Cyrulnik qui présentera son dernier ouvrage intitulé « Besoin de héros ? Sport et connaissance de soi. » et Mark Milton, fondateur et directeur de la fondation suisse Education 4 Peace. Pour plus d’informations et pour réserver vos places, vous pouvez consulter le site internet du Livre sur les quais.
Avez-vous peu ou beaucoup d’ardeur? Elle est innée. Si vous en avez beaucoup, vous vous vous créez beaucoup de problèmes pour rien en vous lançant des défis. Si vous en avez peu, pénible d’affronter une nouvelle journée, votre marathon est héroïque. Passer pour un héros est joyeux. Cela vaut-il tant de gouttes de sueurs? Je le crois pour beaucoup. Bravo!
Bonjour, désolée pour ma réponse tardive. Je pense que chaque être humais à besoin de se dépasser. Cela peut être par le sport, par la musique, les études ou encore simplement la méditation. Les défis permettent d’avancer. Merci pour votre commentaire.