Il est important que mettre au monde un enfant soit un choix

En 1992, à l’âge de 17 ans j’ai avorté au CHUV à Lausanne. Je sais, aujourd’hui que je suis maman, encore mieux qu’à l’époque, que c’était le meilleur des choix pour ce foetus, le père et moi. C’est bien plus tard que j’ai réalisé que la dépénalisation de l’avortement en Suisse n’a été accordée qu’en 2002!!!!! Je n’ai jamais oublié le regard empathique de l’infirmière quand je lui ai dit que ce n’était pas possible au moment où elle m’annonçait, avec un sourire incertain, que j’était enceinte. Je ne sais pas comment ces professionnels de la santé se sont arrangés de cette entrave à la loi, probablement en écrivant un rapport stipulant que, pour des raisons médicales, l’avortement était favorable, mais je leur en serai toute ma vie incommensurablement reconnaissante!

Je m’imagine donc aujourd’hui dans une situation inverse, où le corps médical n’aurait pas été sensible à mon désarroi face à cette nouvelle. Et ça me fait complètement flipper! Qu’est-ce que j’aurais fait porté à cet enfant, de ressentiment et d’immaturité, de ne pas pouvoir vivre mon cheminement vers l’âge adulte, tout ce qui fait qu’aujourd’hui j’arrive à apporter à mon enfant, stabilité affective, morale, intellectuelle; facultés que j’ai développées en m’impliquant dans le désir fort d’une profession qui me passionne, des relations affectives et amicales, tout ce qui me situe par rapport au monde. J’aurais fait autrement, c’est certain, mais cela n’aurait pas été mon choix. Et je sais à quel point, pour assumer ce bouleversement identitaire qu’est la parentalité, il est immensément important que mettre au monde un enfant soit un choix, un investissement voulu. Pour ne pas faire payer à cet enfant ce non-choix. Les enfants ne demandent pas à venir au monde, contrairement à ce que l’injonction morale à la procréation semble vouloir nous imposer. Je ne sais pas ce qu’il y a dans la tête des Pro life. Mais ce qui est sûr c’est qu’ils nient profondément le fait que la parentalité n’est pas une évidence qui nous comblerait naturellement dans nos questionnements existentiels. Cette expérience comble certainement beaucoup de vide, mais en ajoute également d’autres. Et il faut être solide pour l’assumer.

Merci aux alliés! Restons toujours vigilantes ! Comme le disait notre chère Simone de Beauvoir: “N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.”

 

Celine Bolomey, comédienne

Le Collectif genevois de la Grève féministe / Grève des femmes

Le Collectif genevois de la Grève féministe / Grève des femmes s'est constitué il y a un an en préparation de la Grève nationale du 14 juin 2019. Il regroupe des femmes* de tous âges et de tous horizons: migrantes et suisses, employées et mères au foyer, vieilles dames indignées et retraitées, collégiennes et étudiantes, politiques et apolitiques, féministes.