Continuons à nous battre, main dans la main avec des hommes féministes

Ma vision des inégalités, femme née en 1969 dans une famille « traditionnelle »

 

Enfant, je n’ai pas conscience du problème. Elevée avec deux grands frères, je joue avec eux, fais du vélo, du foot, il me semble qu’on est pareil. Je peux faire des travaux manuels et de la couture en primaire, même si cela implique de ne pas faire de vêtements (c’est bien connu, les hommes sont nuls en couture….), ça m’est totalement égal puisque je préfère travailler le bois et la terre.

Plus tard je découvre des dates : droit de vote en Suisse, à Genève, de travailler sans consentement marital, d’ouvrir un compte en banque… et que ces formidables travaux manuels mixtes n’existent que depuis l’année de ma volée.

A l’arrivée de l’adolescence, je prends conscience des inégalités : je suis seule à faire la vaisselle, mes frères pas, même si maman (élevée à l’école ménagère vaudoise, bonjour l’angoisse) dit qu’elle ne fait pas de différence. Grand-maman, sa maman, m’explique que non, à 16 ans je ne peux pas sortir le soir, je suis une fille… Je ressens de l’injustice et à partir de là quelque chose est et reste révolté en moi. Pas seulement pour des questions de genre d’ailleurs, j’ai bien d’autres chats à fouetter : l’éducation/dressage des enfants, les clivages de classe, Tchernobyl, Creys-Malville, le climat déjà et le capitalisme aussi. Et c’est aussi le moment où je réalise que mon corps est un sujet de discrimination : cheveux roux, léger surpoids, boutons ou lunettes… n’importe quelle différence peut être utilisée à charge.

Pour revenir aux inégalités que nous, femmes, subissons quotidiennement, j’ai vu des violences physiques de mon frère envers ma mère, puis subis de la violence conjugale. Témoin ou sujet d’autres formes de violences, plus pernicieuses et difficiles à dénoncer, car nous, nos paroles, sont apparemment moins importantes que celles des hommes : négation de mes capacités professionnelles car je ne suis pas un mâle blanc de plus de 60 ans, mansplaining pour ne pas écouter mes arguments – forts valables au demeurant – en me disant que je ne peux pas comprendre ce qui se joue à un niveau macro dans une structure de moins de 10 personnes… quand mes amis se défendent de ne pas être des machos, sans réaliser qu’ils (et nous aussi) sont imprégnés par l’éducation, les modèles érigés par nos sociétés patriarcales.

Je pourrais faire une liste infinie : ridicule amélioration du partage des tâches domestiques ; salaire et AVS inégaux ; qualité d’écoute et de considération moindres ; manques de respect et violences…. sont quelques uns des arguments qui me confortent dans la nécessité de faire grève, car nous sommes loin de l’égalité; les acquis des précédentes années sont précaires quand on voit par exemple que le droit à l’avortement revient sur le tapis.

Continuons à nous battre, main dans la main avec des hommes féministes.

 

Nathalie Mastail-Hirosawa, 50 ans, quartier de l’hôpital, rédactrice et photographe indépendante, artiste, performer et mère d’une jeune adulte

Le Collectif genevois de la Grève féministe / Grève des femmes

Le Collectif genevois de la Grève féministe / Grève des femmes s'est constitué il y a un an en préparation de la Grève nationale du 14 juin 2019. Il regroupe des femmes* de tous âges et de tous horizons: migrantes et suisses, employées et mères au foyer, vieilles dames indignées et retraitées, collégiennes et étudiantes, politiques et apolitiques, féministes.

2 réponses à “Continuons à nous battre, main dans la main avec des hommes féministes

  1. Bonjour,
    Que comptez-vous concrètement faire en lien avec l’élection de la nouvelle juge au Tribunal fédéral mercredi ?
    https://www.blick.ch/news/politik/wie-sich-die-svp-auf-die-kandidatin-fuer-das-bundesgericht-einschoss-eklat-um-richterkandidatin-id15374956.html

    https://www.parlament.ch/centers/kb/Documents/2019/Rapport_de_la_commission_CJ-V_19.205_2019-06-06.pdf

    Très concrètement, les partis de droite lui préfèrent un homme …
    On pourrait dès lors se retrouver avec encore (!) deux hommes de plus élus mercredi (la gauche propose un homme pour le poste en français…).

    Alors qu’il y avait six femmes de qualité qui s’étaient proposées comme candidates !

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