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Cas particulier : le leader HPI partie 2

Après la maîtrise de son hypersensibilité notamment par le maintien d’un ” espace de pensée ” et de sa capacité à la vision globale, nous traiterons dans cette seconde partie l’enjeu de la définition des objectifs du leader HPI, que nous appellerons aussi la présentation de sa vision.

Dans la première partie, nous avons vu ensemble que le trait de perfectionnisme était très souvent associé au profil HPI par les spécialistes du sujet. Lorsque la vision est présentée aux autres, ce perfectionnisme crée parfois un malaise dans l’équipe en question, car il se traduit par une définition d’objectifs inadaptée.

On peut être un leader perfectionniste (heureusement !), à condition que ce perfectionnisme soit pensé en fonction de son équipe et non pas pensé hors-sol. Il faut ensuite que cette vision soit expliquée pour que son équipe y adhère complètement. Le perfectionnisme est en effet une lame à double tranchant : d’un côté il peut apporter des solutions novatrices, de l’autre son tranchant peut blesser la sécurité émotionnelle des membres de l’équipe.

 

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le perfectionnisme, une arme à double tranchant

Penser sa vision comme un tailleur de pierre

Les échanges poussés avec plusieurs HPI en situation de responsabilité, indiquent que parfois chez eux la vision prend une place si importante, dans ses détails comme dans sa largeur, qu’elle s’accompagne d’un grand sentiment d’exaltation. Ce sentiment d’exaltation laisserait alors la personne se convaincre que tout le monde devrait logiquement y adhérer. Or les attentes du leader sont alors souvent déçues, ce qui provoque un sentiment d’incompréhension.

Pour l’éviter, il faut que la vision, une fois formée par intuition, soit discutée avec chaque membre de l’équipe. Ce processus d’aller-retour intellectuel entre deux objets va ensuite modeler, ajuster, affiner la vision. Tout se passe comme si l’idée ambitieuse, mûrie en dehors de tout contexte matériel, pure intuition, était comme un bloc de cristal qui prenait forme petit à petit en se frottant à la réalité. Cette phase de préparation intellectuelle, comprend une phase de consultation individuelle des membres de l’équipe. Cette consultation de chacun sur une partie de la vision servira à l’enrichir, mais aussi à la rendre légitime lorsque vous la présenterez puisque vous y aurez associé tout le monde (cf. § Expliquer une vision ambitieuse).

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Si l’équipe ne dispose pas de toutes les compétences pour aboutir à la vision, elle se trouve forcément auprès de quelqu’un qui travaille dans votre structure ou auprès d’un partenaire extérieur auquel vous pouvez avoir accès. Si ce n’est pas le cas, il faut alors vous demander si votre vision est bien réalisable.

 

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Une vision se développe seul, mais se mûrit à deux

Aller-retours après aller-retours, les comparaisons se croisant les unes avec les autres, le produit fini prendra une forme plus acceptable. Ce produit fini pourra alors être présenté sans lever les défenses des membres de l’équipe, mais il nécessitera par ailleurs un effort d’explication.

Expliquer une vision ambitieuse

La première chose à faire lorsque l’on veut communiquer une vision dont on sait qu’elle pourrait lever les défenses de son équipe, est d’éviter de l’annoncer dès le début de but en blanc ! Il est tentant de d’abord se débarrasser de ce qui nous occupe pour ensuite tenter de l’adoucir et de ” le faire passer “. Mais la stratégie de d’abord préparer  les esprits est beaucoup plus payante. Comment prépare-t-on l’annonce d’une vision ambitieuse ? En expliquant pourquoi la situation actuelle le justifie et en montrant comment y arriver, avec les différentes capacités réunies dans l’équipe.

Dans l’exemple suivant, le leader explique comment partir d’un premier résultat A peut aboutir à sa vision appelée C, en mettant en commun les différences compétences de l’équipes.

Nous sommes actuellement dans le viseur de la direction en raison des mauvais résultats de l’année dernière. Après avoir longuement discuté avec certains d’entre vous, j’ai réfléchi à ce que nous pourrions faire pour nous sortir de cette spirale négative. François nous a montré qu’il avait la compétence A qui a permis à Marc de réaliser la tâche B. Ludivine a ensuite affiné B au contact de notre base de données clients, pour aboutir au résultat C. Si Fabrice et Elise vous travaillez en commun, Il y a de forte chance que vous transformiez C en D. Avec D (D étant la vision), on pourra facilement régler la situation dans laquelle on se trouve.

 

Cet exemple commence par recontextualiser la situation, en rappelant le travail réalisé. Il détaille ensuite, étape après étape, comment aboutir à la vision. Chaque membre de l’équipe comprend comment ce qui pouvait être impressionnant en tant que ” tout “, n’est en réalité qu’une succession d’étapes beaucoup plus abordables.

En conclusion on peut dire que le leader HPI doit particulièrement prendre en compte l’étape d’explication d’une vision ambitieuse, qui compte pour au moins la moitié de l’effort qu’il faudra déployer pour la réaliser. Plus la vision est ambitieuse, plus l’effort d’explication doit être important. Ceci permettra de lever les réactions défensives qui sont des phénomènes naturels, afin qu’in fine, chacun puisse pleinement exprimer son potentiel.

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Cas particulier : le leader HPI partie 1

Cet article en deux parties vient à l’origine d’une question posée au cours d’une conférence pour l’association MENSA Ile-de-France (vidéo à paraître). La personne demandait comment gérer une équipe quand on est un haut potentiel intellectuel, ou zèbre, autrefois désigné par le terme surdoué. N’ayant pas eu le temps de répondre sur le moment, la question était suffisamment marquante pour proposer maintenant une réponse structurée. Le profil HPI nécessite en effet une approche spécifique, pour l’aider à déployer tout son potentiel.

La question posée par un des adhérents pointait du doigt un des risques du leader HPI : le danger de la sur-adaptation. Ce problème s’ajoute à ceux que l’on rencontre systématiquement quand on est un leader.

Analyse des causes

Un HPI en sur-adaptation se retrouve en réalité face à deux problèmes sous-jacents : l’hypersensibilité d’une part, une définition d’objectifs perfectible d’autre part. Un leader hypersensible qui ne gère pas son hypersensibilité est soumis à une avalanche de stimuli dont il a bien du mal à s’affranchir pour assurer sa fonction de cadre. Un leader avec une mauvaise définition des objectifs, en l’occurrence trop ambitieux, se voit en butée constante avec de mauvais résultats et se trouve constamment obligé de redéfinir un cap. Ceci sans parler du sentiment de frustration générée par ces deux effets pervers.

De nombreux échanges avec des leaders HPI indiquent que l’hypersensibilité leur fait capter, saisir, intégrer, le moindre changement, la moindre variation au sein de l’équipe. Chaque nouveau problème levé par un membre de son équipe, même si l’on s’aperçoit plus tard qu’il n’en était pas un, sera traité en arborescence par le leader HPI. Cette arborescence de possibilités, étudiée presque inconsciemment, consomme une grande quantité d’énergie. S’ajoutent à cette dette d’énergie crée, pour un problème qui souvent ne nécessitait pas tant de ressources, la frustration de l’effort disproportionné au regard de la situation, et parfois le désarroi de ne pas pouvoir s’en empêcher. A partir de là, la sur-adaptation est à comprendre au sens large, puisqu’en réaction, le leader HPI va très souvent se “câler” sur chaque nouvelle situation en y apportant une réponse bien souvent en miroir. Ce jeu de ping-pong enferme son potentiel de créativité et ses capacités à la vision globale, sur lesquelles nous reviendrons dans le point suivant. Voici la première cause du problème.

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L’hypersensibilité est une des cause de la suradaptation du leader HPI

Même si le phénomène HPI n’est pas encore clairement délimité, la plupart des spécialistes s’accordent pour reconnaître à ce profil un désir d’absolu, un perfectionnisme et un idéalisme chevillés au corps1. Lorsque l’on travaille seul, ceci est rarement un problème. Mais lorsque l’on travail en équipe, le perfectionnisme peut être néfaste s’il ne s’accompagne pas d’une définition d’objectifs adaptée. Si le perfectionnisme n’est pas préparé, expliqué et s’il n’est pas associé à une profonde compréhension des membres de l’équipe pour que ses membres y adhèrent, alors il devient contre-productif. Le cas typique est celui d’un leader avec une vision idéalisée de ce qu’il veut faire, et qui ne pense pas une seconde que les membres de l’équipe ne voient pas les choses comme lui. Cette mauvaise définition des objectifs à atteindre est le deuxième problème sur lequel repose la sur-adaptation du leader HPI, nous l’aborderons plus tard dans une second article.

Garder une saine distance pour maîtriser son hypersensibilité

Je me rappelle de ma première équipe. A 26 ans, sorti d’école après un cursus long, j’avais envie d’en découdre, de montrer ce que je valais, d’affronter des montagnes. J’ai donc commis les erreurs classiques du jeune leader, me surinvestissant toujours sur la brèche, en contact permanent avec les membres de l’équipe, prenant rarement du recul. Cette situation me plaçait au gré des variations continuelles de l’équipe (évoquées dans le paragraphe précédent), elle consommait énormément de mon énergie. J’étais dans l’instant présent, en butée directe avec les évènements alors que toute cette énergie aurait pu être utilisée pour anticiper. L’adhérent ayant posé la question de la sur-adaptation se reconnaîtra certainement dans cette situation.

L’autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans éloignement.

Charles De Gaulle

On impose, à distance, plus de respect.

Tacite

Deux leaders historiques, près de 2000 ans qui les séparent, un même constat sur l’importance de la distance bien comprise. Il ne s’agit pas de prendre ces citations au pied de la lettre, car nous connaissons aujourd’hui l’importance de la gestion des émotions. Il s’agit de comprendre l’esprit qui se cache derrière ces deux réflexions qui se rejoignent. De plus, en ce qui concerne le HPI, instaurer une saine distance avec son équipe permettra d’exploiter à fond sa grande facilité à la vision d’ensemble. Or cette puissante capacité à faire des liens entre des éléments très éloignés ne peut être utilisée si l’on se trouve en permanence en butée direct avec les évènements. Faire des médiations puissantes entre des domaines très éloignés est un processus de fond, inconscient, qui fonctionne comme les tâches de fond d’un ordinateur. Difficile d’y arriver sans instaurer un certain recul.

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Maintenir une certaine distance, bien comprise, vous permettra de gérer les effets de votre hypersensibilité

Comment faire concrètement ?

Il n’est pas aisé d’instaurer suffisamment de distance pour exploiter son haut potentiel, tout en restant suffisamment proche de son équipe. Voici quelques outils qui pourront vous aider :

– Savoir gérer les interruptions : Toujours selon les spécialistes, la facilité à manier les concepts du HPI le rend naturellement plus enclin à se lancer dans des réflexions conceptuelles, on croit d’ailleurs parfois à tort qu’il se ” perd dans sa réflexion “. Ces réflexions en général plus profondes et plus nombreuses, deviennent pesantes si elles sont trop souvent interrompues. De nombreuses études de psychologie cognitive se sont intéressées au problème de reprise d’une tâche après interruption2. Les résultats montrent qu’en moyenne dans un cas sur deux au mieux, le sujet est incapable de reprendre une tâche simple après une interruption simple. Par ailleurs, les résultats baissent d’autant plus quand la tâche interrompue demande beaucoup d’élaboration. Ces recherches illustrent la cause de nombreux accidents en aéronautique, quand les pilotes sont interrompus dans leurs check-lists. Elles montrent que la meilleure stratégie à adopter en cas d’interruption est de stopper l’élément ” interrupteur “, le gardant à distance le temps de faire le point de là où vous en êtes précisément, pour passer à la tâche ” interruptrice ” dans un second temps seulement. Ceci vous permettra de repasser à votre tâche initiale dans un troisième temps. Il s’agit donc de respecter votre capacité particulière à la vision globale, en lui laissant la priorité, le temps de quelques secondes. Personne ne s’est jamais offusqué d’avoir été mis en attente, pour peu que cela ait été fait avec un minimum de tact.

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Demander aux autres de bien vouloir attendre, est une politesse que l’on se fait à soi-même

Avoir un adjoint de confiance : cette personne, sélectionné pour sa neutralité et la bonne relation que vous pouvez entretenir avec elle, sera votre relais, dans les moments où vous sentirez les besoin de ne pas être en prise directe avec l’équipe. Il s’agira d’une délégation, la plupart du temps sur des tâches secondaires, mais qui prennent néanmoins du temps. Notez que cette alternance rend encore plus importants les moments où c’est vous qui reprenez les rênes. Cela a en plus le bénéfice de varier les modes de fonctionnement de l’équipe, donc de réduire la routine. Gardez cependant en tête que vous devrez garder à votre niveau les tâches qui sont les plus importantes

– Ne jamais réagir à chaud : Qui dit hypersensibilité dit ” hyper ” nombre de chances de réagir émotionnellement à une situation chargée émotionnellement. Or, ce mode de réaction est rarement le plus efficace. Par ailleurs, beaucoup de situations émotionnelles se résolvent d’elles-mêmes, pour peu que l’on ait pris la peine de ne pas surréagir, en offrant simplement une porte de sortie aux parties prenantes. Ainsi, jouer le rôle de l’arbitre en coupant nette la spirale émotionnelle, est aussi un moyen de préserver le recul qui vous permettra d’économiser vos forces.

Dans le prochain article, nous verrons ensemble comment limiter le deuxième aspect de la sur-adaptation, en s’intéressant à la définition des objectifs.

1. Trop intelligent pour être heureux, Siaud-Facchin ; Je pense trop, Petitcollin ; L’adulte surdoué, De Kermadec.

2. Trafton et al., 2003. Dodia & Dismukes, 2009