Le télétravail constituerait un frein à l’innovation

Selon une étude américaine, le travail à domicile réduirait la capacité des entreprises à innover. En cause: la diminution des interactions entre collègues, notamment ceux avec lesquels on entretient des liens moins forts, qui peuvent pourtant amener d’autres perspectives.

Les intervenants de la Journée de la Trust Valley, réunis lundi au Rolex Learning Center de l’EPFL, l’ont rappelé à l’unisson: la pandémie de Covid-19 a accéléré la digitalisation des entreprises, et par voie de conséquence, le télétravail. Pendant cette période aussi compliquée qu’inédite, et en marge des inquiétudes liées à la cybersécurité, il n’est venu à l’esprit d’aucun chef d’entreprise de remettre en cause cette nouvelle manière de travailler. Cependant, expérience faite, il s’avère que le travail à domicile n’a pas que des vertus sur la durée.

Si de nombreux employés travaillant à la maison ont pu exploiter leurs réseaux relationnels internes à l’organisation, il apparaît que ces mêmes réseaux ont cessé de se développer et se sont même «rigidifiés» au risque de freiner l’innovation, selon une étude Microsoft Research citée par le site ICTJournal. «Le passage au télétravail à l’échelle de l’entreprise, écrivent les auteurs de cette étude, a amené les employés à consacrer une plus grande partie de leur temps de collaboration à leurs liens plus forts, mieux adaptés au transfert d’informations, et une plus petite partie de leur temps à des liens faibles, qui sont plus susceptibles de donner accès à de nouvelles informations.»

Ces résultats s’appuient sur les données de plus de 60’000 employés américains de Microsoft (appels audio/vidéo, e-mail, chat, calendrier, etc.) recueillies durant le premier semestre de l’année dernière. Ce cloisonnement, cette sorte de chaînon manquant au niveau de la communication, tout cela aurait contribué à limiter les échanges et l’émulation entre les employés. C’est pourquoi les auteurs de cette enquête suggèrent aux chefs d’entreprise de tenir compte de ce constat dans leurs projets de travail hybride. Pour eux, le télétravail ne se mesure pas qu’en termes de productivité individuelle.

Les limites du numérique

La crise pandémique nous a donc montré les possibilités étendues du numérique, mais elle a aussi fait apparaître ses limites. L’exécution des tâches et le suivi des projets souffrent et nécessitent une énergie démultipliée dans un contexte déjà complexe. Chacun d’entre nous a pu mesurer combien l’échange, les interactions et le relais d’informations sont absolument  indispensables pour maintenir la dynamique d’une entreprise. Rien ne saurait remplacer les échanges directs avec les collègues, pas même les pauses café, qui contribuent à leur échelle au renforcement de l’esprit d’équipe.

Les entreprises ont donc tout intérêt à établir une charte pour cadrer les modalités du travail à distance, tout en privilégiant le présentiel. Il doit s’agir d’une réflexion managériale, en collaboration avec les employés. Les organisations économiques de Suisse romande, dont la CVCI, ont d’ailleurs mis sur pied une «Convention de télétravail» qui constitue un modèle, adaptable en fonction des spécificités de chaque entreprise. Une vraie solution clé en main.

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L’économie vaudoise reste dynamique malgré les crises

La pandémie du Covid n’y a rien changé: le tissu économique du Canton continue de démontrer une vitalité réjouissante au gré des soubresauts conjoncturels. Une étude, cosignée par la CVCI, en explique les ressorts. Ce dynamisme n’est toutefois pas acquis: il faudra améliorer les conditions-cadres pour continuer de prospérer.

«Vaud – Le tigre discret», étude que la CVCI cosignait en 2016, montrait déjà l’aptitude de l’économie vaudoise à résister aux crises économiques. Cinq ans après, en pleine pandémie de Covid-19, la CVCI, l’Observatoire BCV de l’économie vaudoise et l’Institut CREA se sont réunis pour refaire le point sur la santé du tissu économique du Canton.

Publiée hier, l’étude «De la crise des subprimes à celle du Covid» ne constitue  en rien une vue de l’esprit, et cela malgré la rudesse de la crise sanitaire qui continue de déployer ses effets dans le monde. En dépit des difficultés rencontrées par certains secteurs, mais grâce à la flexibilité et à la diversité de ses entreprises, de même qu’aux différentes aides fournies par les autorités fédérales et cantonales, le canton de Vaud a ainsi pu traverser cette crise comme les précédentes, sans trop de dommages.

Entre 2005 et 2020, les entreprises du Canton sont parvenues dans leur globalité à résister, à rebondir, voire à prospérer malgré les subprimes, la crise de la zone euro, l’abandon du cours plancher de l’euro, la guerre commerciale ou la crise du coronavirus. Cette résilience se solde par une hausse du PIB de 41,9% et un nombre d’emplois en progression de 31% en quinze ans, des chiffres notablement plus élevés que ceux de l’ensemble de la Suisse (PIB: +29,7%, emploi: +19,9%). Le positionnement de l’économie vaudoise, basé en particulier sur le développement d’activités à haute valeur ajoutée, a permis à celle-ci de montrer sa robustesse au gré des soubresauts conjoncturels de ces dernières années.

L’essor de la chimie-pharma a largement contribué au développement de l’économie vaudoise au cours des quinze dernières années. Sa valeur ajoutée a été multipliée par 6, et les emplois qu’elle représente par 1,9. Les autres domaines de l’industrie manufacturière ont évolué diversement. La production de denrées alimentaires s’est développée alors que l’industrie des machines et la fabrication d’instruments de précision ont rencontré des vents contraires ces dernières années. Le principal moteur de la croissance entre 2000 et 2020 aura toutefois été le secteur tertiaire, qui a contribué à hauteur de trois quarts à la hausse du PIB sur cette période.

Un État trop gourmand

Un fait doit toutefois nous interpeller: le personnel des secteurs public et parapublic a connu de fortes progressions en une décennie et demie. Trois tendances se dégagent: la croissance du système éducatif, le développement du système de santé et la hausse des dépenses sociales. Cette évolution n’est pas tenable, car qui peut garantir que l’Etat disposera des moyens de ses ambitions à l’avenir? L’Etat devrait observer une prudence certaine dans la gestion de ses effectifs.

Le dynamisme de l’économie vaudoise n’est ainsi pas acquis. Un certain nombre de conditions doivent être réunies pour permettre à celle-ci de continuer à prospérer, parmi lesquelles figurent au premier rang une fiscalité juste et attractive. Nos relations avec l’Union européenne suite à l’abandon des négociations sur l’accord-cadre, l’accès facilité à une main-d’œuvre qualifiée, la digitalisation ou encore l’écosystème d’innovation sont autant de thèmes auxquels nous devrons également consacrer toute notre énergie.

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Un milliard au nom de la cohérence

Une large alliance des milieux économiques, scientifiques, culturels, politiques et de la société civile demande au Parlement fédéral le déblocage rapide de la deuxième contribution de cohésion. Une nécessité pour rentrouvrir la porte de l’Union européenne.

Les thèmes brûlants ne manquent pas lors de la session parlementaire qui s’est ouverte lundi à Berne, à l’image du débat sur l’AVS. L’un des points d’orgue est toutefois attendu le 30 septembre avec la discussion sur la modification des arrêtés fédéraux relatifs à la deuxième contribution de la Suisse en faveur de certains États membres de l’Union européenne (UE), le fameux «deuxième milliard de cohésion».

Le Parlement fédéral a approuvé cette contribution en décembre 2019, à la condition que l’UE n’adopte pas de mesures discriminatoires à l’encontre de la Suisse, comme le non-renouvellement de l’équivalence boursière, qui perdure, d’ailleurs. Le Conseil fédéral entend supprimer cette condition et débloquer autant la contribution… que la situation. Il souhaite ainsi montrer à Bruxelles que, malgré la fin des négociations sur l’accord-cadre, il reste un partenaire fiable.

Le Conseil fédéral joue un peu au pompier pyromane, car c’est bien lui qui, en rejetant l’accord institutionnel en mai dernier, a mis le feu aux poudres. A cause de cette décision irraisonnée, notre pays est désormais traité comme un «pays tiers non associé» dans les trois grands programmes de coopération européens relatifs à la recherche (Horizon Europe), à l’éducation (Erasmus+) et à la culture (Europe créative), et demeure ainsi exclu de participations essentielles. Cette situation est dramatique pour les milieux concernés.

Un appel vibrant

Dans ce contexte périlleux, une large alliance des milieux économiques (dont la CVCI), scientifiques, culturels, politiques et de la société civile a adressé une lettre aux parlementaires fédéraux les enjoignant à approuver le plus rapidement possible la deuxième contribution à la cohésion. «Nous avons maintenant besoin de vos votes clairs pour que le Conseil fédéral fasse tout son possible pour que la Suisse puisse à nouveau participer aux trois grands programmes de coopération en tant que partenaire pleinement associé. Faire cavalier seul n’est pas une solution», lit-on dans cette missive.

Aujourd’hui, les chercheurs suisses ne peuvent plus soumettre de demandes individuelles pour les subventions du Conseil européen de la recherche (CER). La perte de ces réseaux et de ces sources de financement affecte non seulement les Ecoles polytechniques fédérales et les universités, mais aussi les Hautes écoles spécialisées, ainsi que de nombreuses entreprises concernées. La Suisse est en mesure de combler un ou deux déficits de financement par des mesures de rattrapage. Mais cela ne saurait compenser les opportunités de mise en réseau tout aussi précieuses, ainsi que la possibilité pour les jeunes chercheurs de constituer et de diriger leurs propres équipes de projet à partir d’ici, grâce aux subventions CER.

La politique européenne de la Suisse se trouve aujourd’hui au point mort. Les Chambres fédérales disposent d’une occasion rêvée de contribuer un tant soit peu à la normalisation de nos relations avec Bruxelles. Ce premier pas, je souhaite qu’elles le fassent sans équivoque le 30 septembre prochain. La Suisse ne saurait éconduire une fois de plus – une fois de trop? – son principal partenaire commercial.

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L’équité, ce pilier de la fiscalité

Retirer son avoir du 2e pilier est fiscalement bien plus douloureux sur Vaud que dans bon nombre d’autres cantons. Il est temps de revoir cet impôt à la baisse pour favoriser l’épargne et pour éviter une fuite de certains contribuables.

Le magazine «Bilan» le rappelle opportunément dans son édition du 23 août dernier: les cantons romands – dont celui de Vaud, en particulier – taxent davantage les retraits en capital que ceux d’outre-Sarine. Les écarts sont parfois gigantesques. A titre d’exemple, un assuré marié qui retire 500 000 francs doit s’acquitter d’un montant de 31 122 francs dans le canton de Vaud (seul Bâle-Ville est plus cher), contre 7500 francs dans les Grisons! Le magazine précise que tous les cantons romands figurent dans le top 8 des plus voraces. «Les écarts sont indolores entre Genève, Jura et Valais (moins de 1500 francs). En revanche, les Vaudois paient 13 624 francs de plus que les Valaisans», peut-on lire. Lorsque l’on sait que ces avoirs sont taxés aux niveaux fédéral, cantonal et communal, on imagine la facture finale! Notre assuré vaudois marié retirant 500 000 francs paiera ainsi 57 196 francs au total!

Cette inégalité devant l’impôt, particulièrement criarde sur nos rives lémaniques, est problématique, car elle peut pousser des contribuables à déménager juste avant leur retraite dans un canton moins gourmand. C’est notamment pour cette raison que le député Aurélien Clerc a déposé l’an dernier une motion – transformée depuis lors en postulat – pour demander une baisse du taux d’imposition sur les capitaux des 2e et 3e piliers. Sa proposition s’oriente vers un alignement sur le taux ayant cours dans le canton de Genève. Ce nivèlement aurait pour vertu de rendre Vaud plus compétitif et encouragerait les assujettis à épargner pour leur retraite. Cela leur permettrait d’augmenter leur pouvoir d’achat dans la mesure où l’impôt serait moins élevé au moment du retrait final.

Baisse attendue

Le canton de Zurich, dont la gourmandise à cet égard n’a d’égale que celle du canton de Vaud, a franchi le pas et a décidé de réduire l’imposition sur les prestations en capital à partir de 2022. Elle passerait alors de 48 860 à 28 400 francs sur un avoir de 1 million. Poussé par l’intervention parlementaire précitée, Vaud envisagerait de faire un pas vers une baisse de ce côté-ci de la Sarine. «Le Conseil d’Etat a prévu une diminution de cet impôt, en principe pour l’année prochaine», a indiqué un porte-parole du Département des finances et des relations extérieures à «Bilan». Mais il faudra attendre jusqu’à la publication du budget 2022 pour savoir si le pas sera réellement franchi. Vu la lourdeur globale de sa fiscalité, le canton doit, de mon point de vue, faire un geste fort dans ce sens.

Ce que l’Etat «perdrait» en revenu fiscal se retrouverait dans le circuit économique. Ces flux, ne l’oublions pas, contribuent également à la prospérité du canton.

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Non à un texte aussi inutile que néfaste

L’initiative 99% veut imposer plus lourdement le capital des plus riches pour réduire l’imposition des moins aisés. Problème: elle frapperait également les PME, les sociétés familiales et les start-up. C’est pourquoi un non résolu s’impose.

La lutte des classes n’appartient décidément pas au passé, en dépit des progrès sociaux importants qui ont marqué l’évolution de notre société. J’en veux pour preuve l’initiative des Jeunes socialistes, intitulée 99%, qui propose de surimposer les revenus du capital des plus aisés pour réduire l’imposition des faibles revenus ou pour financer des prestations sociales telles que des crèches, des subsides à l’assurance-maladie ou la formation. Ce texte souffre à mes yeux de deux défauts majeurs: il propose d’ajouter des revenus fictifs à des revenus réels, un non-sens fiscal, et promet de causer de nombreux dégâts collatéraux à l’économie et à la classe moyenne.

Cette initiative, dans le fond, n’a pas lieu d’être. En matière fiscale, la Suisse est plus égalitaire que bien d’autres pays. Par le biais de la progressivité des taux, les personnes aisées paient une part proportionnellement bien plus élevée d’impôts sur le revenu et la fortune, ce qui permet aux personnes plus modestes d’en être exonérées. L’effet de la progression en Suisse se reflète dans le fait que le 1% des plus riches dispose d’environ 11% de tous les revenus et paie 24% de tous les impôts sur le revenu. Autre effet funeste de ce texte: il frapperait également les PME et les sociétés familiales, les jeunes entreprises (start-up), les propriétaires de logement ou de biens agricoles, ainsi que les épargnants. On est très loin du 1% des contribuables visés.

Statut peu enviable

Au-delà de ces évidences chiffrées, le texte soumis au vote le 26 septembre prochain est indéfendable, car il instaure de nouveaux impôts. Les revenus pris en compte seraient taxés à 150%, ajoutant ainsi des revenus supplémentaires fictifs à des revenus réels, ce qui est parfaitement contraire à la logique d’un système fiscal moderne. Ce mécanisme n’existe nulle part ailleurs. L’initiative conférerait ainsi à la Suisse le statut peu enviable de pays où l’on taxe les gens sur un revenu qu’ils n’ont même pas réalisé. Cela découragerait les investisseurs et réduirait drastiquement la constitution de capital dans les entreprises. Comment, dès lors, résister aux crises, investir, innover et créer des emplois?

Autre élément à prendre en compte avant de glisser un non résolu dans l’urne: l’initiative ne ferait que prolonger la crise économique provoquée par la pandémie. Elle n’apporte rien aux personnes les plus fragilisées, qui ne demandent pas l’aumône, mais souhaitent pouvoir recommencer à travailler. En outre, l’augmentation de l’imposition des PME fragiliserait les entreprises pour lesquelles des milliards d’aides ont été débloqués. Ce n’est vraiment pas le moment d’ajouter un écueil supplémentaire à la reprise que nous espérons tous.

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Des entreprises «vaccinées»?

Dimanche dernier dans le SonntagsBlick, Alain Berset a demandé aux entreprises suisses de “s’engager davantage” dans la campagne de vaccination contre le coronavirus, regrettant un certain retard comparativement aux pays voisins. Que le Conseil fédéral cherche des moyens pour relancer les vaccinations est normal bien sûr – et nécessaire ! -, mais la Confédération, les cantons et le tissu économique n’ont toutefois pas les mêmes responsabilités en la matière.

Depuis le début de la crise sanitaire, les associations économiques se sont engagées afin que les mesures les plus adaptées soient adoptées par les autorités, puis implémentées au sein des entreprises. En amont de la mise à disposition des vaccins, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie a par exemple proactivement fait le nécessaire – en janvier 2021 déjà – pour transmettre au Canton la liste des entreprises de plus de 100 collaborateurs intéressées à participer à la vaccination, dès que cela serait possible. Dans les faits, ce n’est donc pas l’engagement du tissu économique qui a pêché, mais bien l’approvisionnement, les difficultés logistiques et la mise en place des protocoles au niveau fédéral et cantonal. Quant aux options privilégiées par les autorités dans toute la première phase de vaccination, elles impliquaient uniquement « à la marge » les entreprises. Ce choix n’était pas celui de ces dernières.

A chaque acteur son rôle

Pour la santé de tous comme pour la reprise des activités économiques, il faut atteindre l’immunité collective. Les acteurs économiques en ont bien conscience et ne cessent d’ailleurs de relayer ce message depuis la mise à disposition des vaccins. A l’intérieur des entreprises, les collaborateurs ont également été largement informés. Mais jusqu’à quel point un employeur peut-il promouvoir la vaccination sans « contraindre » ? Les associations économiques ont encouragé leurs membres à tout mettre en œuvre afin de la faciliter, mais aussi à inviter leurs collaborateurs à se faire vacciner. Cela nous semble être leur rôle. Mais au-delà, est-ce le leur ? Seules nos autorités ont la possibilité d’agir en force, soit par le biais d’une obligation soit en mettant en place des protocoles différents destinés aux entreprises, par exemple des unités mobiles telles que celles ayant fonctionné dans les EMS.

Un esprit de collaboration et de responsabilité anime les acteurs économiques face aux défis inédits posés. Faciliter, accompagner, relayer les informations et les messages sanitaires nous engage tous depuis mars 2020. Nous continuerons évidemment à œuvrer constructivement pour sortir au plus tôt de cette crise. Quant aux décisions – celles qui ont été prises ou ne l’ont pas été – elles engagent les autorités, à qui nous tenions à le rappeler.


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Quelques clés pour le retour au bureau

La démotivation aurait gagné nombre de salariés restés éloignés de leur lieu de travail pendant la pandémie. Pour éviter un retour compliqué aux collaborateurs, les employeurs ont un rôle central à jouer: leur donner envie d’y retourner.

«Ces Français qui n’ont plus envie de travailler…» Ce titre choc barrait la une de l’hebdomadaire «Le Point» le 17 juin dernier. Le constat est préoccupant chez nos voisins d’outre-Jura: le chômage partiel aurait développé «une sorte d’oisiveté obligatoire» comme l’analysait un patron de restaurant cité par le journal. Résultat: le travail aurait perdu toute valeur et tout sens pour certains, au point qu’un nombre non négligeable de travailleurs hexagonaux auraient tout largué ou ne veulent tout simplement pas y retourner. L’hebdomadaire évoque l’effet pervers des aides massives dont ont bénéficié les Français. L’Allemagne, moins généreuse en termes d’indemnisations, connaîtrait une reprise plus vigoureuse.

S’il est difficile de comparer les réalités européennes avec celles qui ont cours en Suisse, on peut sans peine imaginer que le retour en entreprise ne doit pas être évident pour tout le monde. Il faut rappeler que chez nous, plus d’un million de travailleurs se sont retrouvés en RHT pendant de longs mois. On pense aussi à celles et ceux qui ont travaillé à distance. Reprendre une activité, revenir en présentiel, redevenir pendulaire, redéfinir des objectifs peut être source d’appréhension, voire d’angoisse. Dans ce contexte, les employeurs ont de toute évidence un rôle central à jouer: celui de remotiver leurs troupes. Un vrai défi, car il s’agit parallèlement de faire redémarrer les affaires et de remplir les carnets de commande.

Pour ce coach spécialiste du bien-être en entreprise, cité par «Le Point», «il faut donner envie aux gens d’y retourner. Les salariés ont un grand besoin de reconnaissance. Les entreprises doivent prendre conscience de ce phénomène et les accompagner dans ce sens pour les remotiver. C’est essentiel pour aller chercher ces points de croissance dont on a besoin.» Les vacances d’été qui se profilent permettront déjà une transition en douceur.

Prendre soin des équipes

On parle beaucoup, aujourd’hui, de remettre l’humain au centre de l’entreprise. La pandémie que nous venons de vivre, et dont on espère qu’elle prendra fin prochainement, constitue une occasion de concrétiser ce concept qui sonne un peu alibi aux yeux de certains. Les chefs d’entreprise doivent, bien plus que par un passé encore récent, prendre soin de leurs équipes, de leurs cadres et de leurs clients. Bien-être au travail et management bienveillant doivent figurer en bonne place dans le manuel du bon manager. Les dirigeants d’entreprises, de leur côté, doivent veiller à prendre soin d’eux afin de pouvoir accompagner leurs équipes de la meilleure des manières.

Un mot encore sur le home office: il est certain que la pandémie a contribué à renforcer son attrait. Il s’agira désormais d’ouvrir un peu plus la porte à ce mode de travail, tout en rappelant que rien ne remplacera jamais le contact direct avec les collègues, ni même les pauses à la cafétéria qui, bien souvent, stimulent les échanges et renforcent l’esprit d’équipe.

Enfin, à la veille de grandes vacances que chacun a bien méritées, j’aimerais exprimer toute ma reconnaissance aux chefs d’entreprise pour le travail qu’ils ont effectué ces derniers mois afin de maintenir leurs sociétés à flot, de garantir l’emploi mais aussi la prospérité qui en découle.

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Des relations sous haute tension

En tirant la prise de l’accord-cadre, le Conseil fédéral met non seulement en péril notre avenir bilatéral avec l’Union européenne, mais aussi notre approvisionnement électrique, en particulier en hiver. Faudra-t-il un black-out pour faire avancer ce dossier? 

L’Union européenne l’avait seriné depuis des mois, voire des années: sans accord institutionnel, pas d’accord sur l’électricité! Ce dernier, qui devait réglementer la participation de la Suisse au marché européen et, notamment, l’importation hivernale de courant étranger, ne verra pas le jour puisque le Conseil fédéral a abandonné l’accord-cadre le 26 mai dernier. On commence aujourd’hui à mesurer les conséquences de cet acte politique irraisonné.

Château d’eau de l’Europe, notre pays a paradoxalement un talon d’Achille, et pas des moindres: sa production hydroélectrique hivernale insuffisante rend nécessaires des importations de courant européen pendant ces mois où les nuits sont longues et froides. La sécurité de notre approvisionnement dépend donc de la bonne entente avec nos grands voisins. L’abandon graduel du nucléaire, même s’il doit être remplacé peu à peu par des énergies renouvelables, rend plus que jamais indispensable une coordination au niveau continental.

La Suisse marginalisée

Swissgrid, l’organisme chargé de transporter l’énergie électrique et d’assurer une bonne fourniture en électricité, a rappelé dernièrement que l’accord européen dans ce domaine devait lui permettre «d’être prise en compte dans les calculs des partenaires européens et de disposer d’informations préalables sur les flux d’électricité traversant la Suisse». Las, notre pays se retrouve aujourd’hui exclu de plusieurs comités européens importants et ne dispose de facto d’aucun droit de regard, ce qui aura à terme des conséquences négatives sur la stabilité du réseau et la sécurité de notre approvisionnement. Les milieux professionnels n’hésitent plus à évoquer un risque de black-out, soit un effondrement de la totalité du réseau électrique. Faudra-t-il en arriver là pour réveiller les consciences?

Le Conseil fédéral a donné dernièrement mandat au DETEC et à l’ElCom, l’autorité fédérale indépendante de régulation dans le domaine de l’​électricité, d’analyser les effets du rejet de l’accord-cadre sur notre approvisionnement. Les pistes évoquées pour atténuer les risques d’un black-out consistent en un renforcement du réseau et des outils de production. Mais il apparaît certain aux yeux des milieux concernés que ces mesures ne suffiront pas. L’Association des entreprises électriques suisses (AES), qui a organisé hier à Lausanne un événement sur le thème de la politique énergétique, a elle aussi fait part de son inquiétude.

Alors oui, il faut de toute urgence renouer le dialogue avec Bruxelles et trouver un modus vivendi afin d’éviter que la situation ne se péjore encore.

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Les enseignements de la pandémie pour le monde du travail

L’essor du télétravail pendant la crise sanitaire fait craindre à terme des délocalisations d’emplois. Si le risque est réel pour certaines professions connectées, d’autres, bien ancrées dans le concret, demeureront ici. Apprentissage et formation continue joueront un rôle-clé.

La tentation pourrait désormais être grande chez certains employeurs: profiter du boum du télétravail pour recruter du personnel sous d’autres cieux moins onéreux. Ce scénario, inspiré par la pandémie de Covid, est esquissé par un institut anglais dans une étude que «24 heures» détaille dans son édition de lundi. Selon le Tony Blair Institute for Global Change, en Grande-Bretagne, les contraintes du home office ont débouché sur une révélation pour les chefs d’entreprise: la productivité a augmenté durant le confinement. De ce fait, un emploi sur cinq risquerait d’être délocalisé. Parmi les jobs susceptibles de migrer vers des contrées aux salaires moins élevés, l’institut de l’ex-premier ministre pointe tous ceux dont les tâches sont effectuées via un ordinateur.

Dans un monde globalisé qui se numérise à marche forcée, il est logique que le marché du travail cherche à s’adapter. Fort heureusement, il reste un grand nombre de professions «bien ancrées» dans le réel que l’on ne saurait transférer. Prenons le secteur de la construction, par exemple. A travers un apprentissage, bien des métiers passionnants ne sont pas menacés d’obsolescence. Mieux: l’innovation jouera un rôle de moteur pour les jeunes avides de nouvelles connaissances. Songeons, par exemple, aux maisons que l’on doit rendre moins énergivores.

Le rôle de l’humain

Face à cette évolution vertigineuse, la formation continue demeure la meilleure manière de maintenir, voire d’accroître son employabilité. On sait aujourd’hui qu’il s’agira de se former en permanence, de redonner constamment du sens à ses activités et aux échanges. Replacer l’humain au cœur des entreprises n’est pas qu’un slogan, il s’agit d’une nécessité. C’est ce qui fera la différence face à l’émergence de l’intelligence artificielle, qui ne saurait se substituer au génie et aux contacts humains.

Autre enseignement de cette problématique générale, qui a valeur de confirmation: la difficulté que certaines entreprises rencontrent pour recruter les talents manquant sur le marché suisse, en particulier dans les domaines numériques de pointe. Il faut dire aux geeks qui préfèrent résider à Berlin ou à Barcelone, et c’est le devoir de nos autorités de marteler ce message, que le canton de Vaud offre une qualité de vie remarquable et variée. Sports d’été, sports d’hiver, nature intacte, vie nocturne et tranquillité constituent des atouts susceptibles d’attirer des jeunes gens talentueux.

Et puis, si ces talents ne veulent décidément pas profiter des avantages que procure la douce Helvétie, pourquoi ne pas recourir à leurs compétences à distance? Ce qui vaut dans un sens vaut aussi dans l’autre.

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Un oui indispensable pour soutenir l’emploi et la reprise

Les aides financières prévues par la loi Covid-19 sont absolument nécessaires pour permettre aux entreprises de surmonter la plus grave crise depuis la Seconde Guerre mondiale. Un rejet remettrait en cause les mécanismes de soutien cantonaux.

Dix milliards de francs d’aides, dont six destinés aux PME dont le chiffre d’affaires atteint 5 millions au plus. La loi Covid-19, sur laquelle le peuple se prononcera le 13 juin prochain, revêt une importance cruciale pour les entreprises victimes de la pandémie. Elle permet de soutenir financièrement des centaines de milliers de personnes et de sociétés qui sont dans une situation de détresse, et donc de préserver emplois et salaires. Les aides ont été sans cesse réévaluées au fil de la crise. Le processus s’est stabilisé, il faut maintenant adopter ce texte. L’économie en a encore besoin, car en dépit de la vaccination qui progresse, la crise n’est pas encore derrière nous.

Ce texte traite pour l’essentiel des mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises, en son article 12. L’enveloppe est complétée par une aide de 3 milliards prévue pour les grandes entreprises actives dans toute la Suisse, dont le chiffre d’affaires dépasse 5 millions. En cas de rejet, comme il s’agit d’une loi urgente, toutes les aides prendraient fin le 25 septembre, laissant l’économie dans la panade. Il faudrait alors légiférer de nouveau, ce qui constituerait une perte de temps dangereuse. Ces aides sont indispensables pour compenser le préjudice que cette pandémie a causé à l’économie sans qu’elle en soit responsable. Un non remettrait par ailleurs en question les mécanismes d’aide mis en place par les cantons. Ceux-ci ne tiennent que par les aides fédérales. Les indépendants et les dirigeants d’entreprise, exclus de tout droit à une indemnisation, bénéficieront aussi des mesures prévues dans la loi, par le biais d’allocations pertes de gain. C’est pourquoi la CVCI invite ses membres à accepter la loi Covid-19 dans moins de 15 jours.

Pas une mesure liberticide

Les adversaires de cette législation ont monté ces dernières semaines une polémique stérile sur le certificat sanitaire, couché à l’art. 6a de la loi. Il ne s’agit en aucune manière d’une contrainte, ni d’une mesure liberticide, mais d’une solution qui nous aidera à sortir rapidement de la crise et à retrouver un semblant de cette normalité à laquelle nous aspirons tous. Cet outil permettra notamment de goûter de nouveau aux voyages et d’assister à de grands événements. Qui n’en rêve pas? La Confédération, en outre, assumera le coût des tests, ce qui n’est pas négligeable. En revanche, ce texte n’a aucune influence sur la levée des restrictions mises en place par le Conseil fédéral, qui s’appuient sur la loi sur les épidémies.

Les dispositions de la loi Covid-19 ont permis jusqu’à présent de préserver des emplois et d’éviter des faillites. Son rôle ne s’arrête pas là: elle pose les jalons d’une reprise de l’économie et d’un retour à une vie normale. Autant de bonnes raisons pour l’adopter le 13 juin prochain.

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