Le télétravail transfrontalier n’est pas sans obstacles

Le home office, dopé par la pandémie, concerne également les travailleurs frontaliers avec, à la clé, des conséquences sociales et fiscales importantes pour les partenaires sociaux. La fin du « régime d’exception» approchant, de nombreuses difficultés surgissent.

Le bout du tunnel pandémique se profile à en croire les experts. Ce retour à une certaine normalité, sous réserve d’un soubresaut du capricieux Covid, va produire un certain nombre d’effets sur le télétravail, en particulier pour ce qui concerne celui des frontaliers. Le canton de Vaud, qui en occupe plus de 34’000, vivra prochainement la fin du «régime d’exception» qui a prévalu dès les débuts de la crise sanitaire. Pendant cette situation exceptionnelle, la Suisse et ses voisins européens étaient convenus de suspendre l’application de certaines règles. Ainsi, les frontaliers qui travaillaient à distance restaient assujettis au régime suisse de sécurité sociale. En ce qui concerne la France, ce régime est en vigueur jusqu’au 31 mars 2022 (pour l’Allemagne, l’Autriche et le Liechtenstein, jusqu’au 30 juin 2022).

Après cette échéance, la législation ordinaire s’appliquera de nouveau, tant au niveau social et fiscal, ce qui ne va pas manquer de soulever de nombreux problèmes juridiques. En fonction de la part d’activité exercée en télétravail par les employés concernés, ce retour à la normale pourra entraîner un changement d’assujettissement au régime de sécurité sociale, ainsi que du régime d’imposition. C’est pourquoi les organisations économiques romandes, dont la CVCI, ont élaboré un «Guide télétravail transfrontalier» pour y voir plus clair.

Dans «24 heures» de ce lundi, Marco Taddei, responsable romand de l’Union patronale suisse, expliquait que dès le 1er avril, les frontaliers français «seront imposés en France sur le pourcentage de travail effectué à leur domicile, dès la première heure de home office en ce qui concerne les cantons de Fribourg et Genève, qui ne font pas partie d’un accord international avec la France, et au-delà de 20% de télétravail pour les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura.»

Loin d’être une simple formalité

On le voit, le home office des frontaliers n’est pas une simple formalité. Le guide précité mentionne les risques encourus par les employeurs à ce propos et contient des recommandations à leur égard dans les cinq domaines suivants: assujettissement aux assurances sociales, aspects fiscaux, tribunal territorialement compétent, droit applicable et protection des données. Il leur est notamment conseillé de limiter le télétravail à la hauteur de 20% de la charge de travail, et d’en fixer les conditions par écrit, par exemple en concluant une convention avec les employés concernés.

Cette situation déjà complexe se double d’un embrouillamini juridique: en cas de télétravail d’un frontalier français à la fin du «régime d’exception», la France pourrait contraindre l’employeur suisse à nommer un représentant en France pour la perception de l’impôt à la source sur le jour de télétravail. Cette nomination est soumise à autorisation des autorités fédérales et, à défaut, tombe sous le coup de l’article 271 du Code pénal suisse, qui réprime les actes exécutés sans droit pour un État étranger. La France, pour le coup, a œuvré sans se soucier de la compatibilité de sa décision avec la législation suisse.

Il est vrai qu’en rompant l’accord-cadre et en portant son choix sur un autre avion de combat que le Rafale, la Suisse a pu fâcher son grand voisin d’outre-Jura…

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Ne renonçons pas aux avancées médicales!

L’interdiction de toute expérimentation animale et humaine, exigée par une initiative, est trop extrême. Tester des médicaments sur des êtres vivants reste indispensable. Grâce à la recherche, nous profitons d’acquis fondamentaux, comme les vaccins.

Chacun d’entre nous a déjà vu ces images d’animaux de laboratoire dans des postures peu enviables. Au-delà de l’émotion que cela peut susciter, il faut admettre que la recherche médicale, en recourant à des expériences sur des rongeurs, par exemple, a permis de doubler l’espérance de vie humaine en un siècle. C’est un acquis fondamental dont tout le monde profite aujourd’hui. Cela nous a permis de développer rapidement des vaccins contre le Covid et de réfléchir à des nouveaux médicaments en cette période de pandémie. C’est la raison pour laquelle je voterai non à l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine – Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès», soumise au vote le 13 février prochain.

Ce texte extrême ne vise pas seulement à interdire l’expérimentation animale et humaine: il entend bannir l’importation et le commerce de tous les produits faisant l’objet de telles pratiques. De ce fait, l’initiative met en danger de manière irresponsable la santé de notre population, en compromettant l’approvisionnement en médicaments vitaux et en privant les patients des dernières avancées scientifiques.

Pratiques bien encadrées

En Suisse, la barbarie dénoncée par les initiants n’a pas cours: les chercheurs sont tenus de réduire au minimum les pratiques expérimentales sur des animaux et d’utiliser des méthodes alternatives lorsque cela est possible. Les essais sur les animaux ne sont menés que s’ils sont indispensables et irremplaçables pour des raisons scientifiques, éthiques et réglementaires. En Suisse, l’expérimentation animale a diminué de 70% depuis les années 1980. De plus, le Conseil fédéral a lancé l’an dernier un nouveau programme de recherche, doté de 20 millions de francs, destiné à réduire encore le nombre de ces expériences. La recherche sur l’être humain, visée elle aussi par l’initiative, est également soumise à des principes et limites éthiques et juridiques. Ce cadre garantit un niveau élevé de protection.

De fait, l’initiative menace clairement d’affaiblir la recherche et l’innovation suisses, remettant ainsi en cause un facteur clé de la prospérité de notre pays. Si ce texte devait être adopté, il ne fait pas de doute que nombre d’entreprises et d’instituts de recherche devraient délocaliser une partie de leurs activités, ou tout bonnement s’expatrier. Les expérimentations dénoncées seraient alors menées dans des pays bien moins soucieux des animaux de laboratoire que le nôtre. A dire d’expert, l’initiative enfreindrait même des traités internationaux, laissant ainsi planer la menace de représailles mettant à mal l’industrie d’exportation suisse.

L’expérimentation animale est un élément clé du développement des médicaments. Des maladies graves ont été pratiquement éradiquées. Les vaccins ont permis de maîtriser de nombreuses maladies infectieuses, comme on l’a vu avec la pandémie de Covid. La recherche sur le cancer a également beaucoup progressé. Au cours des trois dernières décennies, le taux de mortalité des malades cancéreux a ainsi fortement baissé, une évolution à mettre au crédit des essais cliniques. Voulons-nous vraiment renoncer à ces formidables avancées? C’est pourquoi je glisserai un non ferme dans les urnes le 13 février.

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Il est temps de s’affranchir du droit de timbre

Reliquat d’une époque fiscale lointaine, le droit d’émission sur capital propre reste une taxe absurde pénalisant les entreprises qui investissent, en particulier les PME. Soumise au vote le 13 février prochain, sa suppression s’impose en ces temps de pandémie, pour la prospérité de notre économie.

La suppression du droit de timbre d’émission sur le capital propre, l’un des objets des votations fédérales du 13 février prochain, est demandée depuis plusieurs années par les milieux économiques. L’heure de l’abolir semble avoir enfin sonné. De quoi s’agit-il? Cette taxe de 1% frappe tout capital nouvellement créé. Elle concerne toute société émettrice de nouvelles actions et touche ainsi directement l’outil de production des entreprises. En clair, l’investissement en capital propre dans une société se trouve amputé de ressources dont les entrepreneurs auraient bien besoin, en particulier les dirigeants de PME.

D’un point de vue strictement économique, cette taxe est contre-productive lorsqu’on prend conscience que chaque franc investi dans une start-up est nécessaire à sa croissance. Le patron d’une scale-up de la région, en pleine recherche de fonds indispensables à son développement, a dû payer au titre de cette taxe près de 700’000 francs, ce qui représente à peu près six postes de travail qu’il n’a pas pu créer. Un non-sens. Cette pratique, qui remonte au début du XXe siècle, n’existe nulle part ailleurs qu’en Suisse sous cette forme. Il est impératif de s’en affranchir au plus vite, a fortiori à une époque où les incertitudes conjoncturelles et structurelles se multiplient à l’horizon. Le Conseil fédéral lui-même considère le droit d’émission comme obsolète et néfaste à la place économique suisse.

Un frein à l’esprit d’entreprise

Ce droit de timbre constitue à l’évidence un frein à l’esprit d’entreprise. Il est particulièrement lourd pour les PME touchées par la pandémie. C’est précisément en période de crise que les firmes ont besoin d’augmenter leurs fonds propres afin de compenser leurs pertes et se montrer ainsi plus résilientes. Lorsqu’un chef d’entreprise augmente le capital propre de sa société, il prend certes un risque, mais il crée surtout des emplois. Il apparaît clairement absurde de le pénaliser par une taxe.  La suppression de ce droit d’un autre temps est d’autant plus urgente et pertinente que la pandémie complique singulièrement la vie des entreprises. Par ailleurs, les réformes fiscales prévues par l’OCDE visant à établir des taux d’imposition minimaux sur les sociétés vont contraindre la Suisse à renforcer sa compétitivité pour maintenir son rang de nation à succès.

Les opposants à cette réforme arguent qu’elle fera perdre 250 millions de recettes fiscales par an à la Confédération, soit à peine 0,35 pourcent des recettes fédérales. Cette perte sera largement compensée selon une étude de BAK Economics, publiée en juin 2019. Celle-ci conclut que la suppression du droit d’émission, couplée à une réforme de l’impôt anticipé, serait clairement rentable, y compris pour les caisses de l’État. Les experts estiment que le PIB augmenterait en outre d’environ 1,4 % sur dix ans, ce qui correspond à environ 22’000 nouveaux emplois à temps plein. Dire oui à cette suppression, c’est donc investir dans les emplois et la prospérité.

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L’ouverture sur le monde pour répondre à la pénurie de talents

Les difficultés de recrutement restent l’une des principales préoccupations des chefs d’entreprise. Pour pallier ce problème, le nouveau gouvernement allemand entend attirer des personnes qualifiées par le biais de l’immigration. Une option qu’il faut avoir le courage d’explorer.

A l’heure où les pays ont plutôt tendance à se replier sur eux-mêmes, le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, a surpris son monde en lançant un programme visant à faciliter la naturalisation et à attirer 400 000 personnes qualifiées par an dans son pays. Ce chiffre, relate «Le Temps» de jeudi dernier, ne tombe pas de nulle part. Il a été mis en évidence par un institut spécialisé dans le travail comme l’une des solutions au vieillissement de la société allemande, qui engendre une grave pénurie de personnel qualifié. Angela Merkel, sa devancière, avait en quelque sorte ouvert la voie en régularisant en son temps des centaines de milliers de migrants venus de Syrie. Les pistes lancées par la nouvelle coalition au pouvoir ont reçu un accueil favorable des milieux patronaux.

Cette préoccupation, les entrepreneurs la partagent de ce côté-ci du Rhin. Dans notre enquête conjoncturelle d’automne, plus d’un quart des répondants disent rencontrer des soucis de recrutement, une proportion qui grimpe à 40% dans l’industrie. Après une accalmie en raison de la crise du Covid-19, ces difficultés sont en recrudescence et atteignent un niveau identique à celui observé en 2018. Les types de profils principalement concernés sont la main-d’œuvre qualifiée (77%), les cadres intermédiaires (36%) et les cadres supérieurs (20%). Dans son Baromètre de l’emploi de septembre dernier, Manpower notait également que la pénurie des talents restait «un sujet d’actualité préoccupant pour de nombreuses entreprises».

Le poids de l’accord-cadre

Même si elle ne constitue qu’une solution parmi d’autres, à côté de la formation continue et du recours aux aptitudes des séniors dans certains secteurs, l’option du gouvernement allemand a le mérite de rappeler que la grandeur d’un pays se mesure aussi à son esprit d’ouverture vers l’extérieur. Où en serait l’économie suisse si notre pays n’avait pas introduit la libre circulation des personnes et conclu quantité d’accords bilatéraux sectoriels avec l’Union européenne? On voit aujourd’hui déjà les problèmes que rencontrent nos industriels à cause de l’abandon de l’accord-cadre.

Il n’est bien sûr pas question de laisser notre frontière ouverte à tous les vents. La pénurie de personnel concerne essentiellement les métiers très spécialisés pour lesquels nous ne disposons pas de filières de formation, ou alors en quantité insuffisante. Cette réalité pose avec une acuité particulière la question des contingents de ressortissants extracommunautaires, c’est-à-dire d’un pays hors UE et hors AELE. Si la Suisse entend rester compétitive, elle doit pouvoir aussi compter sur cette main-d’œuvre.

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Et si on innovait en reconnaissant les esprits novateurs?

Terre d’innovation louée loin à la ronde, la Suisse peine à reconnaître celles et ceux qui réussissent dans ce domaine. La mésaventure vécue par une biotech lausannoise, qui a conçu un test révolutionnaire pour le Covid dont le monde médical d’ici ne veut pas, illustre ce paradoxe.

On peine à croire l’histoire que relate le magazine «L’Illustré» dans son édition de cette semaine, et pourtant, elle est bien réelle! Au moment où les hôpitaux sont menacés par une surcharge due à la cinquième vague du Covid, un test antigénique révolutionnaire permettant de diagnostiquer cette infection en une minute, conçu par la biotech lausannoise Abionic, est snobé tant par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) que par les établissements de santé de ce pays. Son prix? 20 francs!

Je ne suis pas médecin, mais je peine à comprendre la réaction – ou plutôt la non-réaction – des autorités politiques et sanitaires. Le bon sens commande d’utiliser un procédé fiable, rapide et bon marché lorsque l’on sait que les examens usuels mettent bien plus de temps à fournir un diagnostic. On sait combien il est difficile de tester les enfants, alors imaginez l’avantage de disposer d’un tel outil rendant réponse en une minute à peine.

Plus déconcertant encore, Nicolas Durand, CEO de cette scale-up, a communiqué cette nouvelle au Conseil fédéral, qui n’a pas daigné lui adresser de réponse: «Au niveau institutionnel, tout le monde nous a claqué la porte au nez», s’indigne-t-il dans l’hebdomadaire. «Nul n’est prophète en son pays», pourrait philosopher ce jeune patron: d’ailleurs, sa société a vendu plus de 150 appareils de test, avoisinant 6000 francs pièce, dans le reste du monde. Imaginez la stupéfaction des clients étrangers en apprenant que les hôpitaux romands refusent d’entrer en matière pour implémenter cette technologie.

Un petit côté schizophrénique

Cette mésaventure, a priori incompréhensible, illustre une réalité regrettable: nous mettons en place des programmes de soutien pour favoriser le démarrage de jeunes entreprises sous forme de start-up. Puis, au moment où leurs produits arrivent sur le marché, nous délaissons ces sociétés innovantes locales au profit de firmes étrangères ou de produits traditionnels, imaginant que «c’est mieux là-bas». Il y a là un petit côté schizophrénique. Membre du conseil d’administration d’Abionic, Eric Cornut relève dans le magazine que «d’une manière générale, on est plutôt réfractaire à l’innovation en Suisse. En particulier dans le domaine de la santé. Peut-être sommes-nous trop gâtés, ce qui réduit l’appétit pour le développement. Il y a une foule d’endroits où l’on serait ravi de profiter d’une méthode de diagnostic performante.»

La Suisse n’a pas de pétrole, mais elle a des idées, et même d’excellentes! Sachons mettre en valeur nos atouts, en particulier à une époque qui requiert plus que jamais que nous nous serrions les coudes.

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Renouer avec l’Union européenne doit être une priorité

La Suisse a rétabli le dialogue avec Bruxelles six mois après avoir rejeté l’accord institutionnel. Ces retrouvailles pour le moins tièdes n’augurent pas d’un déblocage rapide de ce dossier. Il y a pourtant urgence à s’entendre sur un nouveau cadre avec notre principal partenaire économique.

On ne peut pas dire que l’ambiance était au beau fixe, ce lundi, lorsqu’Ignazio Cassis, notre chef des Affaires étrangères, a effectué le déplacement de Bruxelles pour reprendre contact avec un partenaire que la Suisse a éconduit de manière assez cavalière en mai dernier. Dans ce contexte tendu, l’UE a clairement manifesté son intention de remettre rapidement la question institutionnelle sur la table des négociations, alors que le Conseil fédéral souhaite renvoyer ce dossier au-delà des élections fédérales de 2023. Selon la presse, Maros Sefcovic, chargé du dossier Suisse pour l’UE, attend déjà une feuille de route claire et précise pour janvier prochain, lorsqu’il retrouvera Ignazio Cassis à Davos à l’occasion du Forum économique mondial.

A mes yeux, le fait que l’UE souhaite faire avancer le dossier rapidement constitue un signal positif. Il est urgent que Berne et Bruxelles discutent d’un accord global, dont notre économie ne pourra que bénéficier. Il faut rappeler que l’Europe des 27 reste de loin notre partenaire commercial le plus important. L’abandon de l’accord institutionnel a déjà entraîné des conséquences funestes sur la reconnaissance mutuelle des produits médicaux, qui est tombée dans la foulée de la décision fédérale de mai dernier. Si la plupart des medtech suisses s’y sont préparées en recourant à des mandataires au sein de l’UE, les risques de pénurie de dispositifs médicaux et de perte de compétitivité demeurent. Certaines medtech sont tentées de délocaliser leur production. D’autres accords menacent de connaître le même sort, faute d’accord-cadre.

Nombrilisme malvenu

Le Conseil fédéral laisse entendre que la Suisse est en bonne position pour négocier, car le Parlement a donné récemment son accord au versement du deuxième milliard de cohésion. C’est oublier que cette contribution était due depuis des années. L’exécutif assure par ailleurs que l’UE doit beaucoup à notre pays, car il occupe plus de 300 000 frontaliers. Il est vrai que chacun y gagne, mais que serait devenu notre système hospitalier durant la pandémie sans ce personnel venu d’outre-Jura? Nous ne sommes pas autant en position de force que le dit le CF. Et les talents dont l’économie a si grand besoin, comment viendraient-ils sans la libre circulation des personnes? La vision selon laquelle les 27 nous sont redevables s’apparente à du nombrilisme pour le moins inadéquat.

La réalité est la suivante: lorsqu’elles ont abandonné l’accord-cadre, nos autorités ne disposaient pas d’un plan B, faisant preuve alors d’un amateurisme coupable. Le gouvernement donne ainsi l’impression qu’il ne sait pas où il va. Il envisagerait pour l’heure la conclusion d’accords sectoriels, qui nécessiteront chaque fois des discussions serrées, alors qu’un traité global, comme un accord-cadre, permettrait de disposer d’un socle solide et de limiter les concessions.

La Suisse se trouve véritablement à la croisée des chemins avec l’UE. Il s’agira d’emprunter rapidement la voie du bon sens.

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Vaud doit baisser l’imposition des particuliers

La fiscalité vaudoise des personnes physiques demeure élevée en comparaison intercantonale. Les mesures annoncées par le Canton la semaine dernière ne constituent qu’un rattrapage. L’Etat doit s’attaquer avec vigueur au barème d’impôt, à la fois sur la fortune et sur le revenu.

Le canton de Vaud traîne toujours en fond de classement au niveau de la fiscalité des personnes physiques. C’est la conclusion que l’on tire en lisant le «Baromètre fiscal vaudois», établi par KPMG et la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI). Il consiste en une comparaison intercantonale systématique de l’attractivité fiscale du canton de Vaud, notamment avec ses voisins. S’agissant de l’imposition des entreprises, le Canton figure actuellement parmi ceux affichant un taux d’impôt légèrement inférieur à la moyenne suisse, mais il reste clairement à la traîne en matière de fiscalité des particuliers.

La réforme de la fiscalité des entreprises, introduite en 2019 et en 2020, avec – notamment – un taux d’impôt sur le bénéfice de 14% et différentes mesures favorisant la R&D ainsi que l’innovation, a eu un effet positif. Par rapport à la dernière présentation du «Baromètre fiscal», en 2018, notre canton a ainsi amélioré son classement, passant de la 21e à la 13e place. Avec l’introduction prochaine d’un taux d’imposition global minimum de 15%, décidé par le G20, le taux d’impôt sur le bénéfice ne sera plus un facteur de différenciation entre Etats. Les cartes seront donc rebattues et face à ce nouveau contexte, le Canton et la Suisse devront plancher sur de nouvelles mesures, fiscales et non fiscales, pour maintenir leur attractivité.

Personnes physiques lourdement taxées

Le tableau est moins rutilant en ce qui concerne la taxation des personnes physiques, qui n’a que peu changé ces dernières années. La situation s’est même péjorée dans certaines catégories de revenus. Le canton de Vaud connaît une des impositions les plus élevées de Suisse, avec un taux maximal de 41,50%. Seuls les cantons de Genève (44,97%) et de Bâle-Campagne (42,22%) font pire. Conséquence: tant le revenu que l’outil de travail demeurent trop lourdement taxés. Les baisses fiscales annoncées la semaine dernière par le Conseil d’Etat ne constituent en fait qu’un rattrapage, et ne suffiront donc pas à alléger suffisamment une taxation qui demeure trop élevée.

Une évidence s’impose: seule une petite proportion des contribuables assure une grande partie des revenus fiscaux. Ainsi, 7,5% des assujettis vaudois déclarent un revenu imposable de plus de 150 000 francs et contribuent ainsi à plus de 41% aux recettes de l’impôt sur le revenu. Ce petit nombre de personnes fournit une large part du substrat fiscal, c’est pourquoi il est capital de les garder dans notre canton. Vaud figure également en queue de peloton en matière d’impôt sur la fortune. Pour les contribuables fortunés, la charge fiscale y est ainsi six fois plus élevée que dans les cantons les moins gourmands.

La prospérité vaudoise ne tombe pas du ciel: elle repose sur le dynamisme et l’attractivité de notre tissu économique, ainsi que sur de bonnes conditions-cadres. Le maintien de notre compétitivité commande donc de s’attaquer au barème d’impôt, à la fois sur le revenu et sur la fortune. C’est pourquoi la CVCI demande au Canton de prendre ce thème à bras-le-corps. Elle suivra avec une grande attention les prochains développements dans ce domaine.

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La loi Covid-19 a fait ses preuves

Les débats relatifs à la loi Covid-19, sur laquelle nous nous prononcerons le 28 novembre prochain, se cristallisent autour du certificat sanitaire introduit par le Conseil fédéral pour juguler la pandémie. Certains voient dans ce document une discrimination, alors qu’en réalité, cet instrument contribue à une reprise à peu près normale de nos activités dans l’attente de l’immunité collective.

L’enjeu de ce vote ne se résume pourtant pas à ce seul document et à son QR code, car ce texte induit toute une série d’aides financières dont bénéficient des milieux qui n’ont pas été ou trop peu soutenus jusqu’ici. Le Parlement a modifié la loi Covid-19 à plusieurs reprises pour mieux protéger les personnes et les entreprises. La modification de mars 2021 étend l’aide économique, qui est cruciale, et comble des lacunes en matière de soutien. La loi permet ainsi l’extension de l’aide pour cas de rigueur à des entreprises ayant dû fermer temporairement ou ayant subi un important recul de leurs affaires, l’extension des allocations pour perte de gain des indépendants ayant observé un recul du chiffre d’affaires de 30% (avant 40%), l’extension des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) et la prolongation des indemnités chômage à 24 mois. Une bonne partie de l’économie a besoin de ces aides pour passer le cap d’une crise dont nous ne sommes pas encore sortis.

La loi Covid-19 est, rappelons-le, temporairement en vigueur. L’extension de l’obligation de produire un certificat sanitaire est limitée au 24 janvier 2022, mais le Conseil fédéral pourra la lever plus rapidement en fonction de la situation sanitaire et de la charge des hôpitaux. Les chances de voir cette hypothèse se réaliser seront plus élevées si la vaccination progresse encore. Les référendaires se trompent à l’évidence de combat! Rejeter ces dispositions ne supprimera pas les mesures de confinement, de fermeture ou d’obligation de porter le masque. Ces dernières relèvent de la loi sur les épidémies. Il est donc vain de penser qu’un refus de ce texte de loi Covid provoquera un retour plus rapide à «la vie d’avant». C’est en réalité l’inverse qui se produira.

Un vote protestataire irréfléchi

Un mot encore sur le certificat Covid: force est d’admettre qu’il facilite les déplacements à l’étranger et vers la Suisse, car il est reconnu au niveau international. Il revêt par conséquent une grande importance pour les milieux touristiques et pour l’économie d’exportation, sans parler de la possibilité qu’il offre aux particuliers de goûter de nouveau aux voyages d’agrément. Jeter cette loi dans les catacombes ne permettrait plus, dès le 19 mars, la reconnaissance des certificats Covid suisses par l’UE, et inversement.

Un vote protestataire, irréfléchi à mon sens, engendrerait nombre de désavantages économiques, de nouvelles restrictions et son lot d’incertitudes. La gestion responsable de la pandémie, telle qu’elle a été conduite jusqu’à présent, deviendrait pratiquement impossible si le référendum était accepté. Le système actuel, qui a fait ses preuves quoi qu’en disent ses adversaires, serait alors privé de son fondement. L’économie a besoin de la plus grande sécurité juridique possible, a fortiori en temps de crise. C’est pourquoi je dirai oui avec conviction à la loi Covid-19.

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Face à la menace de black-out en Suisse, quel courage politique?

«C’est vrai, nous n’en avons pas fait assez ces dix dernières années.» Le constat – ou l’aveu ? – de Simonetta Sommaruga à l’antenne de la RTS a de quoi laisser perplexe. Face au risque de pénuries d’électricité en hiver d’ici à 2025, il semble légitime d’attendre de nos autorités politiques une vision stratégique, une anticipation mais aussi davantage de courage.

Fukushima, c’était il y a dix ans, mais qu’a-t-on fait depuis? « Une loi », se réjouit la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, permettant notamment d’investir davantage. Et ensuite? Pas grand-chose malheureusement. Les milieux économiques insistent depuis longtemps sur les défis à relever pour assurer notre approvisionnement énergétique. Une problématique aujourd’hui encore aggravée par l’abandon des négociations sur l’Accord-cadre avec l’Union européenne ; la Suisse étant exclue des décisions concernant le marché de l’électricité européen.

Il faut savoir que ceux que l’on appelle les « gros consommateurs énergétiques » sont déjà ceux qui ont le plus agi pour diminuer leur impact ces dernières années. Les autorités leur demandent de faire des efforts supplémentaires, soit, mais cela ne sera pas suffisant. Quelles solutions le Conseil fédéral va-t-il mettre en œuvre face à ce défi d’une importance majeure pour nos infrastructures, nos entreprises mais aussi le chauffage et la sécurité de tout un chacun? Sait-il seulement comment et quand ces solutions seront opérationnelles, et combien cela coûtera-t-il? Loin s’en faut, puisqu’il nous parle encore d’options. Suite au risque de pénuries mis en lumière ces derniers jours et à la légèreté avec laquelle cette problématique semble avoir été traitée, certaines entreprises membres de la CVCI sont restées abasourdies.

Des choix à clarifier, puis assumer

Le Conseil fédéral n’a-t-il réellement pas pris la mesure de l’enjeu, pourtant déjà connu avant qu’il ne complique davantage la partie en bottant en touche l’Accord-cadre institutionnel avec l’UE? La décision d’abandonner à terme le nucléaire imposait de concrétiser dans la foulée un plan d’action d’envergure. Il ne suffit pas de dire « investissez dans le renouvelable » quand, en pratique, installer des éoliennes ou des panneaux solaires s’avère si souvent un chemin de croix – voire une utopie – face aux oppositions de tous bords. Et ce n’est qu’un frein parmi d’autres…

Puisque 2025 c’est demain, des solutions moins « vertes » semblent à nouveau envisagées. Principe de réalité oblige. Selon les uns, un réseau de mini-centrales à gaz pourrait ainsi apporter un complément précieux en hiver, durant les pics de consommation (lire à ce propos Le Temps). Comme l’urgence est déjà là, toutes les pistes méritent en effet d’être explorées, sans hypocrisie – le nucléaire français n’est pas plus «politiquement correct» que le nôtre.

Sans solution, une étude de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) le confirme, la Suisse pourrait subir des coupures d’électricité durant deux journées entières en hiver 2025. Face à ce constat, notre pays ne peut pas faire l’autruche et mettre en danger tout son tissu économique et industriel, mais aussi ses habitants. Des choix pragmatiques s’imposent pour assurer notre approvisionnement électrique, mais qui en aura le courage politique?

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L’industrie reste un pilier de notre prospérité

Une analyse d’Avenir Suisse montre comment les entreprises s’adaptent avec succès aux mutations du secteur industriel. Il reste que les défis posés par la numérisation, la nouvelle fiscalité internationale et la transition énergétique nécessiteront un débat sur notre politique industrielle.

La Suisse ne se désindustrialise pas, elle se tertiarise – y compris dans l’industrie, où les activités de services augmentent, notamment grâce au numérique. C’est la thèse que défend le Think Tank Avenir Suisse dans son analyse intitulée «Perpétuer le succès de l’industrie suisse».  «Contre toute attente, les changements structurels n’ont pas mené à une hausse du chômage, mais ont permis une réaffectation des emplois», expliquent les auteurs. Cette enquête montre comment notre pays peut s’adapter avec succès aux mutations du secteur industriel, et ce, sans politique dirigiste.

Avenir Suisse observe certes que ce secteur a perdu en importance pour la place économique suisse depuis les années 1970. Cela étant, ces vingt-cinq dernières années, avancent ses experts, «le nombre d’employés est resté stable, à environ 730 000, alors que la valeur ajoutée a augmenté de manière significative et que les exportations ont doublé».

La récente étude de la CVCI, «De la crise des subprimes à celle du Covid: le miracle vaudois», relevait également qu’entre 2005 et 2020, le nombre d’équivalents plein temps avait progressé dans l’industrie manufacturière, la chimie-pharma, naturellement, mais aussi dans l’industrie des machines et l’horlogerie, ainsi que dans l’industrie alimentaire, grâce, notamment, au succès rencontré par Nespresso.

La diversification est l’une des clés

Directeur romand du laboratoire d’idées libéral, Jérôme Cosandey s’est plu à mettre en évidence, vendredi dernier sur les ondes de La Première, «la bonne santé industrielle de la Suisse». Pour lui, cette évolution repose avant tout sur la diversité de notre industrie et sur des produits de niche à forte valeur ajoutée. Il a insisté sur la nécessité, pour nos entreprises, de pouvoir accéder à la main-d’œuvre européenne très qualifiée, mais aussi au-delà. Il a ainsi plaidé pour «un changement des contingents rigides» relatifs aux pays tiers.

Cette analyse tombe à point nommé pour rappeler la nécessité de continuer à diversifier notre tissu économique et de pérenniser, voire de développer, les accords commerciaux conclus avec nos divers partenaires. A cet égard, la réactivation de nos relations avec l’Union européenne demeure indispensable, car près de la moitié de nos exportations prend cette direction. La Suisse doit aussi poursuivre sa politique de formation – professionnelle et académique – dans les domaines qui font l’excellence de notre pays.

Les options dirigistes et volontaristes de nombreuses nations européennes ont certes abouti à une désindustrialisation, à l’exemple de la France et de la Grande-Bretagne. Il n’empêche que la donne a changé, avec l’arrivée prochaine du taux unique d’imposition décidé par le G20, les gros investissements à effectuer dans le domaine de la numérisation et de la transition énergétique. La Suisse ne pourra pas s’éviter un débat sur la définition d’une politique industrielle, notamment en vue d’aider les PME et les start-up au niveau de la recherche et du développement.

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