Etre responsable de soi, mais aussi des autres

A une époque où la société tend vers un individualisme forcené, la pandémie du Covid-19 confère un relief particulier au concept de responsabilité. Si notre société est basée avant tout sur la responsabilité individuelle, il n’est pas inutile de rappeler que celle-ci doit aussi s’inscrire au profit de la société en général.

La tendance s’observe depuis de nombreuses années: l’individuel prend le pas sur le collectif dans nos sociétés. A l’heure où la planète est secouée par une pandémie sans précédent, qui met en danger un grand nombre d’entre nous, on pourrait imaginer que la conscience collective s’impose de facto. Dans les faits, c’est loin d’être aussi évident. Pas plus tard que l’autre jour, dans une pharmacie, j’ai vu une personne s’offusquer qu’une employée la prie obligeamment de mettre un masque et de se désinfecter les mains avant d’entrer. Une scène assez incroyable par les temps qui courent, mais qui n’est de loin pas unique.

Car les exemples se multiplient. Entre les gens qui portent leur masque n’importe comment, les fêtes clandestines, les rassemblements sauvages sur le domaine public et les restaurants servant à boire et à manger en Suisse romande en douce, comme le relatait la RTS hier matin, l’intérêt personnel prime. On peut certes comprendre que la population exprime un certain ras-le-bol au bout d’une année de pandémie. Il reste que cette dernière n’est de loin pas endiguée, et que les efforts doivent donc être poursuivis. Ensemble.

Individualisme critiqué

Dans ce contexte, j’ai lu avec intérêt dans PME Magazine l’interview d’Ulli Sigg, ancien ambassadeur de Suisse en Chine et en Corée du Nord, qui vit actuellement dans l’Empire du Milieu. L’homme, qui reste un «libéral passionné», constate que l’attitude individualiste des pays occidentaux vis-à-vis de la pandémie est difficile à comprendre depuis les rives du Yang-Tsé-Kiang: «Il faut faire la part des choses entre la protection à tout prix de la sphère privée et les énormes dommages occasionnés par cette pandémie. Il n’est pas nécessaire d’aimer la Chine pour l’admettre.»

La méfiance des Suisses à l’égard de ses dirigeants est incompréhensible pour lui dans la mesure où notre pays reste un Etat constitutionnel disposant de contre-pouvoirs multiples. «Avec l’assurance d’une limite d’utilisation claire et de l’effacement des données enregistrées une fois le délai dépassé, on pourrait accorder temporairement plus de pouvoir à l’Etat pour le suivi des personnes», estime-t-il.

Au-delà de la question d’un interventionnisme étatique temporaire qui n’est pas à la base de mes convictions, une évidence demeure: dans les circonstances hors norme que nous connaissons, la responsabilité individuelle commande de se soucier de la collectivité, notamment en respectant scrupuleusement les gestes barrières et en recourant aux tests. Ce respect de la vie d’autrui devrait aussi pousser chacun à se poser la question de la vaccination au-delà de sa propre protection, mais au profit de tous. Car seule une campagne massive nous permettra d’atteindre rapidement l’immunité collective, qui mettra fin aux contraintes auxquelles nous sommes soumis depuis trop longtemps. Cet effort commun, c’est certain, ne saurait être vain.

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Quel « passeport vaccinal » pour les Suisses?


Lundi, par la voix de sa présidente Ursula von der Leyen, la Commission européenne a annoncé pour le 17 mars une proposition de législation visant à créer un « digital green pass ». Comprenez un passeport numérique européen destiné à prouver qu’une personne a été vaccinée ou testée négative au Covid. La question de la circulation des personnes sera essentielle à régler pour permettre la reprise des activités, également en Suisse. Les débats sont vifs, d’un point de vue éthique et légal, mais cette problématique a toutes les chances de souligner une nouvelle fois l’importance de nos relations et de nos accords avec l’UE.

L’objectif de la Commission européenne est clair : “permettre graduellement aux Européens de se déplacer en sécurité au sein de l’UE ou en-dehors, pour le travail ou du tourisme”, a précisé Ursula von der Leyen sur Twitter. Le moyen d’y parvenir s’annonce nettement plus complexe, au niveau Européen comme au niveau suisse. Il est certain que la population dans son ensemble ne pourra pas être vaccinée d’ici à cet été. Il n’en demeure pas moins que la mobilité doit être rendue possible, pour les Suisses comme pour les ressortissants européens, en garantissant la sécurité sanitaire bien sûr.

Si le Conseil fédéral n’est pas opposé par principe à l’idée d’un « passeport vaccinal » – Alain Berset et Guy Parmelin l’ont laissés entendre cette semaine -, il ne semble pour l’heure pas certain que les Suisses et les Suissesses puissent profiter du « digital green pass » imaginé pour l’UE. Il sera crucial de s’adapter au mieux aux solutions adoptées par nos voisins, afin d’éviter notamment des complications douanières pour nos ressortissants. Cela aussi représenterait une forme de discrimination.

 

Au cœur des débats

Pour l’heure, d’autres formes de discrimination font débat autour de ce passeport. Les doses n’étant pas disponibles en suffisance, cela induit des problèmes éthiques, entre les personnes et les pays ayant pu avoir accès au vaccin et les autres. L’idée est donc de permettre aux gens de voyager, cela pas uniquement s’ils ont été vaccinés mais pour autant qu’ils remplissent une condition garantissant la sécurité sanitaire. Cela semble réalisable, l’immunité pouvant être testée, un test PCR présenté ou la vaccination confirmée. Ce « passeport d’immunité » ne devrait donc pas être considéré comme uniquement vaccinal, ce que la Commission européenne a bien compris.

Pour notre économie et la relance de nombreux secteur, la circulation des personnes doit impérativement être pensée intelligemment dans les mois à venir, et garantie dans le respect de critères stricts ; la maîtrise de la pandémie restant la priorité. Les phases de déconfinement envisagées par la Confédération devront intégrer la mobilité transfrontalière et une solution de « passeport » compatible avec celle des pays voisins. Cela devrait être possible puisque l’UE planche sur « une plateforme qui connecterait les différentes solutions nationales ».  Les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont prôné « une approche commune ». La Suisse a tout intérêt à les suivre, pour ses citoyens comme son économie, et nous l’encourageons à travailler dès maintenant concrètement à ce dossier.

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Il faut un plan pour sortir rapidement du confinement

Des entreprises fragilisées, des restaurateurs à bout de nerfs, des étudiants déprimés, des écoliers inquiets, des patients hors-Covid négligés: la politique sanitaire du Conseil fédéral est illisible pour la population. Il doit donner des perspectives, et vite!

Il aura fallu une énième communication sibylline du Conseil fédéral sur les perspectives économiques pour que l’évidence se confirme la semaine dernière: nos autorités naviguent à vue au milieu de cette pandémie. Le gouvernement doit sérieusement songer aux conséquences des restrictions qu’il a décidées pour l’économie. Il doit élaborer un plan solide permettant de lever ces dernières au plus vite pour redonner des perspectives aux entreprises et à la société en général.

Car la grogne monte chez nos concitoyens. La pétition «Stop Lockdown», lancée en ligne il y a trois semaines par des jeunes de partis bourgeois, a déjà recueilli plus de 160 000 paraphes virtuels. Elle demande que le Conseil fédéral mette fin à la fermeture des restaurants et des magasins et privilégie la protection des patients à risque. La liste des groupes de population durement touchés par les errances fédérales est longue: les restaurateurs craignent des faillites en masse, les commerçants aux activités dites non essentielles crient à l’injustice, les étudiants sont démotivés par les cours en visioconférence et accablés par la solitude, alors que les malades nécessitant une opération sont souvent renvoyés chez eux faute de place dans les hôpitaux. A cela s’ajoutent des dégâts psychologiques en forte hausse et, corollaire, des psys débordés.

Clés connues

Les clés permettant un retour rapide à la normale sont pourtant connues: elles ont pour nom vaccination et tests intensifs. C’est pourquoi il importe à présent d’élaborer un plan solide permettant de vacciner rapidement le plus grand nombre de personnes. En outre, la Berne fédérale ne peut continuer à se cacher derrière des chiffres de contamination dont les critères semblent muter plus souvent que le virus lui-même. Changer de méthode de calcul en douce n’est pas sérieux.

Les autorités donnent clairement l’impression de céder un peu trop facilement devant les injonctions des experts de la santé. La nécessaire pesée d’intérêt dont elles se gargarisent penche invariablement du côté des seconds. La prolongation du semi-confinement qui semble hélas poindre à l’horizon risque d’accélérer des dommages économiques déjà immenses. Le maintien de la fermeture des magasins et des restaurants fait désormais craindre que la consommation privée, qui représente la moitié environ de la production économique, s’effondre.

Gouverner c’est prévoir, dit-on.  De ce point de vue, le Conseil fédéral a failli. Mais qu’il gouverne au moins! Le rôle des pouvoirs publics consiste à prendre des décisions en procédant à une réelle pesée d’intérêts. Foin d’atermoiements: le bon sens commande aujourd’hui de donner des perspectives en planifiant un déconfinement rapide, dans le respect strict des mesures sanitaires. L’économie en général, et les restaurateurs en particulier, ont investi des sommes considérables pour établir des plans de protection efficaces. Qu’on les laisse donc travailler!

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Des aides d’urgence nécessaires qui sont parfois inaccessibles

Le Conseil fédéral a récemment décidé de relever l’aide aux cas de rigueur de 2,5 milliards de francs. C’est positif, mais certaines entreprises ne pourront pas en bénéficier en raison de critères trop restrictifs. Le sondage effectué auprès de nos membres en atteste.

Avec l’écoulement du temps, le Conseil fédéral prend conscience des graves difficultés que rencontrent de nombreuses entreprises touchées par les semi-confinements successifs décrétés depuis bientôt une année. La semaine dernière, vu l’évolution de la situation, le gouvernement a décidé de relever l’aide aux cas de rigueur de 2,5 milliards de francs. Il soumettra au Parlement la modification législative requise à cet effet lors de la session de ce printemps. Au total, ces contributions atteindront donc 5 milliards. Cette enveloppe permet aux cantons de soutenir les entreprises saines qui, sans faute de leur part, se trouvent en situation de détresse en raison de la crise liée au Covid-19.

Ce doublement est une bonne chose, évidemment. Il reste que les conditions permettant d’obtenir ces aides les rendent inaccessibles à de nombreuses d’entreprises. Pour pouvoir en bénéficier, celles qui, par exemple, n’ont pas dû fermer doivent prouver au canton que leur chiffre d’affaires 2020 est inférieur de plus de 40% au chiffre d’affaires moyen des années 2018 et 2019.

Sondage révélateur

La CVCI a voulu en avoir le cœur net en sondant ses membres sur ce thème entre le 19 et le 25 janvier. A la question de savoir si leur société allait déposer une demande d’aide, près de 45% des sondés ont répondu par la négative, car leur entreprise ne remplit pas les critères pour pouvoir en bénéficier. Lorsqu’on leur a demandé si ces conditions étaient encore trop sélectives, près de 65% ont répondu par l’affirmative. Autre point soulevé dans cette prise de température: à peine 2,5% des entrepreneurs ayant formulé une demande d’aide disent l’avoir obtenue rapidement, près de 40% l’ont jugée trop lente, alors qu’un peu moins des deux tiers n’avaient pas encore déposé de demande.

Même si, malheureusement, il restera toujours des entreprises qui passeront entre les mailles du filet, les résultats de notre sondage attestent d’un certain désarroi dans le monde entrepreneurial. A titre de comparaison, le canton de Genève a fait un geste en prenant en compte des entreprises ayant perdu entre 25% et 40% de leur chiffre d’affaires. Pour le canton de Vaud, j’espère que la mise en place du Fonds de soutien à l’industrie, auquel plus de la moitié des entreprises industrielles que nous avons sondées entendent recourir, sera accessible dans les meilleurs délais pour permettre à notre industrie de reste innovante.

La balle est plus que jamais dans le camp du Conseil d’Etat pour que les aides soient délivrées rapidement et que des solutions soient trouvées pour éviter les effets de seuil. En marge de ces mesures financières, nul doute que l’accélération du programme vaccinal, auquel le monde de l’économie prête son concours, permettra de sortir rapidement du semi-confinement et, par-là, de relancer notre économie.

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Les entreprises sont aussi disposées à vacciner

Un sondage réalisé par la CVCI auprès de ses membres montre que l’économie vaudoise est prête à participer à l’effort vaccinal en cours contre le Covid-19. Près de 70 entreprises se disent d’ores et déjà disposées à organiser la vaccination dans leurs locaux.

C’est l’une des rares certitudes dont nous disposons dans le contexte pandémique actuel: la vaccination à large échelle de la population contre le Covid-19 permettra de tendre vers l’immunité collective, seule capable de ramener l’indispensable confiance dont la société et les milieux économiques ont tant besoin. Dans ce contexte, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) a réalisé la semaine dernière un sondage auprès de ses entreprises membres comptant plus de 100 collaborateurs. Le but était d’identifier lesquelles seraient prêtes à vacciner leur personnel. Le résultat est probant: près de 70 d’entre elles affirment d’ores et déjà être disposées à organiser la vaccination dans leurs locaux, ce qui concerne près de 28’000 employés au total. Une quarantaine d’entre elles mettent déjà en place des programmes de vaccination contre la grippe.

Collaboration utile

La démarche volontariste de ces entreprises démontre l’importance d’une collaboration entre les secteurs public et privé pour permettre une accélération du programme vaccinal du Canton. Sur la base de ces résultats, la CVCI va poursuivre ses échanges avec le Conseil d’Etat vaudois afin d’offrir une capacité supplémentaire dans le domaine de la vaccination.

Ces perspectives et ces efforts ne doivent pas occulter le rôle central que doivent jouer les autorités dans ce véritable contre-la-montre sanitaire. A ce jour, seul 2% de la population a été vacciné, selon les derniers chiffres de la Confédération. Le Conseil fédéral et les cantons doivent améliorer considérablement la gestion de la vaccination. Les organisations économiques, dont la CVCI, attendent la mise sur pied rapide d’un plan vaccinal coordonné au niveau national. Un tel plan devrait comprendre, entre autres, des objectifs clairs concernant le nombre de vaccinations à effectuer, la mise à disposition des capacités appropriées et des statistiques quotidiennes sur les infections et le taux d’occupation des hôpitaux à l’échelle du pays.

Nouvelles aides bienvenues

Même si les contrôles et les tests doivent être renforcés aux frontières, il faut absolument que celles-ci demeurent ouvertes. Le commerce international ne doit pas être entravé exagérément. Les voyages d’affaires sont vitaux pour les entreprises dans certaines régions. L’économie et la société dépendent par ailleurs des frontaliers travaillant en particulier dans le secteur de la santé. Je me félicite que le Conseil fédéral, à l’issue de sa séance d’aujourd’hui, ait renoncé à un durcissement des mesures à la frontière.

Le semi-confinement touche durement une économie déjà affaiblie. Avec la fermeture des restaurants et de certains magasins, on doit désormais redouter un effondrement de la consommation privée, qui représente la moitié du produit intérieur brut. Dans ce contexte, je salue l’augmentation des ressources du programme pour les cas de rigueur et le renforcement de l’assurance-chômage décidé ce matin par le gouvernement. C’est bel et bien en unissant nos forces que nous parviendrons à sortir de cette terrible crise qui, si elle devait durer, porterait un coup extrêmement dommageable à notre économie.

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Deux doses pour remédier à la sinistrose

La plus vaste campagne de vaccination de l’histoire suisse a débuté cette semaine. Même si elle apparaît assez lente au vu des enjeux, sa mise en œuvre reste l’un des moyens permettant de ramener l’indispensable confiance dont les milieux économiques ont tant besoin.

L’économie n’aime pas l’incertitude, elle a besoin de visibilité pour pouvoir envisager l’avenir. Dans le contexte pandémique que nous traversons depuis près de dix mois, les motifs d’entrevoir le bout du tunnel ne sont pas légion. Au milieu de ce marasme, la commercialisation récente de plusieurs vaccins contre le Covid-19 a fait naître l’espoir d’une résolution de la crise. Les marchés financiers ont salué ce vent d’optimisme par l’envol de leurs indices. Des experts se plaisent même à envisager la fin de la pandémie pour cet été. Ces promesses ne constituent certes pas une assurance tous risques, mais elles contribuent à restaurer la confiance, l’un des socles du rebond économique dont nous avons tant besoin.

Swissmedic, institut chargé de surveiller le marché des produits thérapeutiques dans notre pays, a autorisé le premier vaccin contre le Covid-19 en décembre dernier. Les personnes vulnérables peuvent d’ores et déjà se faire immuniser en recevant deux doses dans l’intervalle d’un mois. Fédéralisme oblige, chaque canton organise les vaccinations. La mise en place de ces campagnes est quelque peu chaotique. Entre des doses qualifiées d’insuffisantes, des commandes jugées tardives, le scepticisme d’une partie de la population et un certain manque de coordination, la grogne monte. Beaucoup d’entre nous peinent à comprendre ces atermoiements alors qu’un pays comme Israël, comparable à la Suisse en termes d’habitants, vaccine déjà à tour de bras.

Conditions cumulatives

A l’heure où la Confédération envisage de durcir le semi-confinement, sur la base de chiffres de contamination inquiétants, il paraît clair qu’une accélération de la vaccination serait la bienvenue, de même qu’une bonne politique de communication afin de diminuer la défiance à l’égard de l’acte vaccinal. Il reste qu’en attendant cette immunité collective, les gestes barrières (lavage régulier des mains, port du masque et distanciation sociale) et la discipline individuelle devront continuer à être respectés rigoureusement dans les espaces publics et privés. C’est à ces conditions cumulatives qu’il sera ensuite possible d’envisager un assouplissement des mesures actuelles. L’amélioration rapide de la situation épidémiologique permettra de limiter les dommages à notre économie.

Au-delà du vaccin, c’est bien d’une dose d’optimisme et de responsabilité individuelle dont nous avons tous besoin aujourd’hui.

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L’accord-cadre mérite mieux qu’une cacophonie nationale

L’accord institutionnel avec l’Union européenne (UE) est en… berne. Devant les doutes émis par les partis politiques et les citoyens, le Conseil fédéral tergiverse. Il s’agit pourtant d’un texte essentiel pour la consolidation de la voie bilatérale.

La pandémie et ses conséquences désastreuses sur la société et l’économie masquent une réalité politique de première importance pour notre pays: la signature de l’accord institutionnel avec Bruxelles devient urgente. Ce texte, en discussion depuis… 2008, doit permettre la mise à jour régulière des accords bilatéraux et leur application harmonieuse entre les partenaires. Il traîne cependant sur le bureau du Conseil fédéral et semble ne plus contenter personne, à part les milieux économiques.

Le gouvernement vient de renvoyer son négociateur en chef avec l’UE, Roberto Balzaretti, et de nommer à sa place Livia Leu, actuelle ambassadrice de Suisse à Paris. Il s’agit du cinquième diplomate en douze ans. Changer le messager ne modifie pas le message: c’est bel et bien le gouvernement qui fixe les objectifs de cette négociation. Cela nécessite du courage, car rien n’est simple dans le domaine de la diplomatie, a fortiori dans le contexte sanitaire actuel.

Il faut le rappeler ici, les enjeux de cet accord sont considérables. Un exemple très concret illustre son importance. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies publie depuis mi-octobre une carte sur l’état de la pandémie dans les régions de l’Union européenne. Elle permet d’identifier le taux de contamination au coronavirus au moyen de codes couleurs. La Suisse y figure, mais en blanc…. tout simplement parce qu’elle n’est pas prise en compte. L’application SwissCovid pourrait être intégrée dans ce processus, mais comme notre pays ne dispose pas encore d’accord sur la santé avec les 27, il n’existe pas de base légale pour participer à ce traçage européen. Bruxelles a rappelé à ce propos que seuls des «progrès sans ambiguïté sur la signature de l’accord institutionnel» permettraient sa prise en considération.

L’industrie serait pénalisée

Pour economiesuisse, sans accord institutionnel, notre industrie souffrirait d’un accès toujours plus difficile au marché d’exportation européen, et l’économie de notre pays en pâtirait largement. L’UE pourrait perdre patience, on l’a vu avec la question délicate de l’équivalence boursière. Après le Brexit, Boris Johnson, premier ministre britannique, a appris à ses dépens que bomber le torse face à Bruxelles n’était guère avisé. A force de blocages, il a fini par se retrouver avec un accord moins favorable que celui négocié au début. Comme l’a rappelé l’ancien diplomate François Nordmann dans les colonnes du «Temps», hier, «la Suisse ne peut à la fois réclamer un accès privilégié au marché commun – l’essence des bilatérales – et se prévaloir de sa qualité de non-membre de l’UE dès que celle-ci lui demande une contrepartie».

La population suisse a donné un signal positif à l’égard de l’Europe en rejetant avec clarté l’initiative de résiliation le 27 septembre dernier. Elle a ainsi réaffirmé sa volonté de poursuivre une voie qui a largement contribué à notre prospérité ces vingt dernières années. Il faut impérativement conclure l’accord-cadre sous peine de voir nos relations privilégiées avec l’UE s’éroder inexorablement, dans une lente agonie. Adieu équivalences à l’exportation, bonjour coopération graduellement réduite à celle d’un État lambda. Un tel destin est inconcevable avec notre premier partenaire commercial. Au Conseil fédéral de montrer la voie.

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Les perspectives financières en ligne de mire

Après les couacs communicationnels de l’OFSP sur la pandémie, il est nécessaire de couper court à ces atermoiements pour permettre une rentrée sereine. Les autorités auront un rôle central à jouer pour redonner confiance et visibilité, en communiquant clairement et en effectuant des choix budgétaires judicieux.

Quel pataquès! L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a publié vendredi dernier des données erronées concernant les sources de contamination du Covid-19. Mises au pilori, les boîtes de nuit totalisent moins de 10% des infections, alors que ce sont bien le cadre familial et le lieu de travail qui sont les sources principales. Pire: l’origine de la transmission du virus reste inconnue dans 40% des cas! Penaud, l’office s’est confondu en excuses pour avoir affecté des chiffres aux mauvais endroits (sic) et a assuré qu’il allait revoir ses procédures.

Ce couac est déplorable, car les atermoiements fédéraux désécurisent la population. Les chiffres publiés, quand ils ne sont pas faux…, font le yoyo et inquiètent dans la mesure où les explications et les mises en perspective font largement défaut. Des chiffres bruts, comme ceux présentés chaque jour par le canton de Vaud au fin fond de son site internet, ne donnent pas vraiment d’indication claire sur la situation sanitaire. Les Genevois, eux, ont pu compter sur l’omniprésence médiatique du conseiller d’État Mauro Poggia pour être renseignés.

Flottements préjudiciables

Depuis que la Confédération a mis fin à la situation extraordinaire, le 19 juin dernier, les cantons prennent des mesures disparates, sans vraiment se soucier d’harmonisation. Il est difficile, pour les Chablaisiens, de comprendre qu’ils doivent porter un masque dans les commerces d’Aigle et pas dans ceux de Monthey. Le retour en classe se fera-t-il masqué, pour qui, et jusqu’à quel niveau d’enseignement? Les flottements qui s’ensuivent ne sont assurément pas bons pour la confiance.

Les vacances touchent bientôt à leur terme et, déjà, la reprise suscite son lot d’inquiétudes et d’interrogations, d’autant que la pandémie semble hélas partie pour durer. Dans ce contexte incertain, les collectivités publiques vont devoir prendre des décisions qui engagent l’avenir de la société, autrement plus complexes que le déploiement à la hâte de pistes cyclables. Une première orientation sera donnée le 12 août prochain, date de la conférence de presse de rentrée du Conseil fédéral.

Au plan vaudois, également, le retour aux affaires sera chargé. Le Canton devra notamment empoigner la question du budget et des perspectives financières. Tout cela nécessitera des arbitrages sérieux et il s’agira de ne pas entasser la poussière sous le tapis. Le Conseil d’État devra par ailleurs communiquer de manière soutenue, ne serait-ce que pour tordre le coup aux fake news qui ne cessent de polluer les réseaux et les esprits. La confiance dans les autorités est aussi à ce prix.

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Un vent d’optimisme qui plaide pour l’ouverture

Un sondage révèle que près de 40% des PME vaudoises se disent optimistes quant aux perspectives de reprise après la pandémie. Pérenniser la voie bilatérale avec l’Europe ne pourrait que renforcer ce message encourageant de l’économie.

C’est une bonne nouvelle dans le contexte chahuté de l’après-crise sanitaire. Selon les résultats d’un sondage réalisé par la BCV entre le 15 et le 29 mai, près de quatre PME vaudoises sur dix sont optimistes ou très optimistes en ce qui concerne les perspectives de reprise. Dans le même temps, celles qui se disent pessimistes et très pessimistes sont deux fois moins nombreuses. Si 48% des PME anticipent une baisse de leurs ventes sur l’année, elles sont en revanche 41% à envisager une stabilité de leur chiffre d’affaires et même 11% à attendre une progression dans l’année à venir. L’appréciation varie naturellement d’un secteur économique à l’autre, mais le message envoyé n’en est pas moins encourageant.

Ce vent d’optimisme est d’autant plus bienvenu qu’une échéance capitale se profile le 27 septembre, avec la votation sur l’initiative dite de «limitation». C’est une évidence: la suppression de la libre circulation avec les pays de l’Union européenne, que ce texte prône, porterait un coup terrible à notre économie. Plus de la moitié de notre production est exportée vers l’Europe. Des relations stables avec ces nombreux voisins sont indispensables, a fortiori en cette période d’incertitude, si nous voulons maintenir les dizaines de milliers d’emplois qui dépendent de ces échanges. Maintenir les accords existants avec Bruxelles donnerait en outre la visibilité nécessaire aux entreprises pour aller de l’avant. L’incertitude n’est jamais favorable au commerce.

L’instabilité qui règne depuis plusieurs années sur le plan géopolitique constitue une source d’inquiétude. Un certain protectionnisme refait surface, notamment chez les grandes puissances économiques, qui disposent toutes d’un grand marché intérieur. Ce n’est pas le cas de notre pays, qui gagne deux francs sur cinq grâce aux exportations. Des relations fortes et durables avec notre principal marché sont essentielles dans cette période pour le moins incertaine. Rompre avec notre premier partenaire commercial serait irresponsable au moment où les droits de douane et les barrières commerciales se multiplient un peu partout dans le monde.

Le front uni qui défend la voie bilatérale – le Conseil fédéral, la quasi-totalité des partis, les associations économiques et les organisations syndicales – ne s’y trompe pas: la Suisse a tout à gagner en pérennisant le partenariat fécond avec l’UE. Certains ironisent sur l’union de façade qui prévaut entre patronat et syndicat dans cette bataille. Il n’y a là rien d’incongru: tous se battent pour une juste cause, l’emploi. Après les tourments sanitaires et économiques que nous venons de traverser, il serait fou d’ajouter une crise institutionnelle aux conséquences dévastatrices.

Dire non à cette initiative, c’est dire oui à l’avenir de notre pays.

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Prolonger les RHT pour conserver les compétences

Restaurer la confiance des acteurs économiques n’est guère aisé en ces temps de pandémie mondiale. Cela passe notamment par une extension des réductions d’horaire de travail, instrument qui a largement fait ses preuves ces dernières années.

Le Baromètre de l’emploi au 1er trimestre 2020, publié hier par l’Office fédéral de la statistique (OFS), indique que le nombre de places de travail a reculé de 0,1% par rapport au trimestre précédent. Une baisse infime. Mais cela, c’était avant que le Covid-19 déferle sur la planète. Calculé sur la base de ces données, l’indicateur des prévisions d’évolution de l’emploi n’avait plus été aussi bas depuis le 3e trimestre 2009, poursuit l’OFS. Les perspectives sont particulièrement pessimistes dans l’industrie (–7,5%), dans l’hébergement et la restauration (–12,0%).

Ces chiffres ne vont pas contribuer à redonner confiance aux acteurs de l’économie au moment où le redémarrage des activités est encore plombé par moult incertitudes. La pandémie a poussé d’innombrables entreprises à demander des réductions d’horaire de travail (RHT). Plus de 1,5 million d’actifs en bénéficient aujourd’hui. Actuellement limité à 12 indemnités mensuelles (en 24 mois), ce régime fait craindre à certains secteurs que cette durée ne soit pas assez longue pour garantir le maintien des postes de travail. En première ligne figurent l’hôtellerie, le tourisme, l’horlogerie et l’industrie des machines. Swissmem, faîtière des entreprises de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux, a averti hier que les entrées de commandes dans le secteur risquaient de s’effondrer.

Extension indispensable

Dans ce contexte urgent, une extension de la durée de l’indemnisation des RHT à 18, voire à 24 mois, me paraît indispensable vu le caractère particulier et exceptionnel de la crise actuelle. Notre tissu économique dépend souvent de sous-traitants et de matériel provenant de l’étranger. Or, aujourd’hui, de nombreux clients annulent des achats en cours. La prospection, donc la perspective de garnir les carnets de commandes, reste difficile, et pour ne rien arranger, le franc reste fort. De plus, la relance des chaînes de productions mondiales prendra du temps. Etendre les indemnités mensuelles permettrait à de nombreuses entreprises de maintenir, dans la mesure du possible, leurs effectifs en dépit des perspectives économiques préoccupantes qui se dessinent. Conserver des compétences au lieu de licencier constitue un pas important vers la restauration de la confiance.

Une telle prolongation ne constituerait d’ailleurs pas une première: la Confédération y a eu recours en 2009 après la crise des «subprimes», et en 2016 lors de celle du franc fort. Cet instrument conjoncturel a fait ses preuves. Le Conseil fédéral devrait se pencher sur cette question dans le courant du mois de juin. Différentes démarches ont déjà été entreprises par des organisations économiques nationales auprès de Berne, ce que la CVCI salue. Celle-ci ne manquera pas d’apporter sa contribution à ce nécessaire travail de lobbyisme.

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