Le télétravail, entre avantages et défis

La deuxième vague du Covid-19 marque le retour en force du travail à domicile, imposé par le Canton «partout où cela est possible», ce qui ne va pas sans contraintes pour le monde de l’économie. Un challenge en termes d’organisation, de communication, de protection des données et de cybersécurité.

Au début de ce mois, le gouvernement vaudois a durci les mesures anti-Covid en prononçant l’état de nécessité. Dans la foulée, il a imposé le télétravail «partout où cela est possible, dans les administrations publiques comme dans les entreprises privées». Pour ces dernières, cela représente un immense défi, car dans leur immense majorité, elles ont joué le jeu en instaurant un respect strict des gestes barrières et des plans de protection rigoureux afin de poursuivre leurs activités sur site. Elles se plient donc aux injonctions étatiques, mais cela ne va pas sans difficultés. D’autant que le caractère «possible» du travail à domicile est sujet à interprétation. Il ne s’agit pas que d’une question d’informatique. A notre sens, il doit notamment être techniquement réalisable, ne pas nécessiter d’investissements démesurés et ne pas empêcher la bonne marche de l’entreprise.

Les résultats de notre enquête conjoncturelle d’automne montrent certes que le home office procure certains avantages. Parmi eux figurent la réduction du stress lié aux déplacements (pour 66% des sondés), un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle, ainsi qu’une augmentation de la satisfaction des employés (59%). Un sondage publié ce printemps abonde dans ce sens: le travail à domicile a connu un essor et un succès considérables pendant le semi-confinement en Suisse. Plus encore, la grande majorité de celles et ceux qui l’ont pratiqué en redemandent.

Notre enquête montre surtout que ce mode de fonctionnement confronte les firmes à de nombreuses difficultés: la communication avec les employés (51%), la protection des données et la cybersécurité (42%), ainsi que le contrôle du respect des horaires de travail (30%). La mise en place de l’infrastructure nécessaire constitue également un challenge pour un tiers des entreprises sondées.

Rien ne remplace les échanges directs

Le télétravail n’est ainsi pas sans défauts. Pour les sphères dirigeantes, il complique singulièrement l’organisation et la gestion de l’entreprise. L’exécution des tâches et le suivi des projets souffrent et nécessitent une énergie démultipliée dans un contexte déjà complexe. L’efficacité pâtit clairement de l’absence de «vrais» contacts. Rien ne peut remplacer les échanges directs avec les collègues, ni même les pauses à la cafétéria, qui contribuent à renforcer l’esprit d’équipe.

Le home office n’est par ailleurs pas fait pour tout le monde, notamment pour des questions d’espace. Travailler depuis un appartement exigu occupé par plusieurs personnes ne permet certainement pas d’accomplir ses tâches dans les meilleures conditions. Ce mode de fonctionnement implique de garder un rythme, de trouver une routine, d’organiser un espace de travail, de s’aérer et de bouger. Certains collaborateurs, en outre, n’apprécient tout simplement pas de travailler à distance.

La pandémie a initié un mouvement irréversible, et il n’est bien sûr pas question de renoncer au télétravail. Il semble d’ailleurs s’inscrire comme un outil permanent, puisque seules 17% des entreprises que nous avons sondées prévoient de ne plus y avoir recours une fois la crise passée. Dans ces conditions, il me paraît indispensable de porter une vraie réflexion sur un phénomène appelé à durer. Les entreprises devraient établir une charte pour en cadrer les modalités. Les organisations économiques de Suisse romande, dont la CVCI, ont d’ailleurs élaboré une «Convention de télétravail» qui constitue un modèle, adaptable en fonction des spécificités des entreprises. A chacune d’entre elles de mettre en place le système approprié.

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Une nouvelle salve malvenue contre notre économie

L’initiative qui vise à interdire le financement des producteurs de matériel de guerre dans le monde part d’un bon sentiment, mais ses effets sur les PME seraient extrêmement néfastes, surtout en pleine pandémie. Un rejet s’impose.

Entre la crise sanitaire du Covid-19 et les vifs débats relatifs à l’initiative sur les «Entreprises responsables», elle ne fait pas beaucoup de bruit, en dépit du thème qu’elle aborde. Et pourtant: l’initiative populaire «Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre», qui figure également au menu des votations du 29 novembre, mérite que l’on s’y attarde. Elle fait partie de ces textes bien-pensants mais pas bien pensés, dont les utopistes de ce pays ont, hélas, pris l’habitude de nous gratifier.

Cette initiative, qui émane évidemment du Groupe pour une Suisse sans armée, n’est pas anodine: elle vise à interdire aux fondations et aux institutions de prévoyance, ainsi qu’à la Banque nationale suisse, de financer les entreprises réalisant plus de 5% de leur chiffre d’affaires annuel avec ce matériel. De fait, l’octroi de crédits, de prêts et de donations, ainsi que la prise de participation et l’acquisition de titres, figureraient parmi les types de financements interdits. Pour couronner le tout, le texte demande que la Confédération s’engage afin que les banques et les assurances soient soumises à des conditions analogues.

PME pénalisées

Ce texte aurait un effet dommageable sur notre économie: de nombreuses entreprises qui produisent principalement des biens civils, mais aussi des pièces détachées ou des éléments d’assemblage pour l’industrie d’armement, seraient directement touchées par l’interdiction. La proportion de 5% inscrite dans ce texte pénaliserait des PME – productrices ou sous-traitantes – actives dans le domaine civil, comme des firmes aéronautiques et celles œuvrant dans le secteur spatial. En pleine crise économique, voilà qui constituerait encore un coup malvenu porté contre notre prospérité. Dans leur réflexion, les citoyens doivent comprendre que le matériel de guerre est avant tout vendu pour la défense. La Suisse interdit déjà par la loi le financement de matériel de guerre prohibé, à savoir les armes atomiques, biologiques et chimiques, ainsi que les armes à sous-munition et les mines anti-personnel.

Et puis, soyons réalistes: une interdiction mondiale de financement relève de l’utopie. Elle n’aurait aucun impact sur la production d’armes. Veut-on, comme c’est le cas pour l’initiative sur les «Entreprises responsables», d’un cavalier seul de la Suisse? Si notre pays agit de manière non coordonnée à l’échelle internationale, l’initiative n’atteindra assurément pas son but. Dernier point à ne pas négliger: une industrie axée sur la haute technologie, comme peut l’être celle qui serait touchée par l’initiative, contribue au progrès du pays, et lui permet d’éviter une dépendance par rapport à l’étranger.

Cette initiative ne constitue pas la première salve que doit essuyer l’industrie dans son ensemble. La dernière initiative en date, qui voulait interdire toute exportation de matériel de guerre, a été rejetée par 68,2% des votants en 2009. C’était un 29 novembre. On ne peut que souhaiter un sort identique à celle qui nous occupera ce même dimanche.

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Notre défense aérienne doit rester crédible

Renouveler notre flotte d’avions de combat est indispensable pour assurer la sécurité de notre pays dans un contexte international toujours plus incertain. Les affaires compensatoires qui en découlent constituent une formidable opportunité pour les entreprises.

Six milliards de francs pour l’acquisition de nouveaux avions de combat! Nul doute que le débat sur cet objet, soumis au vote le 27 septembre prochain, sera passionné. En ces temps de pandémie, certains estiment que cet argent serait plus utile dans d’autres secteurs. A cet égard, l’échec du Gripen en votation populaire, en 2014, est encore dans les mémoires. La situation est toutefois fort différente en 2020. Il y a six ans, il fallait remplacer une partie de la flotte vieillissante des Tiger. Aujourd’hui, il s’agit de renouveler tous les moyens de notre défense aérienne. Avoir la maîtrise de notre ciel est indispensable pour assurer la sécurité de la population, de nos infrastructures et de notre économie.

Au cœur de l’Europe, notre pays peut sembler en sécurité. Or, les tensions internationales s’accroissent ces derniers mois, comme on le voit entre la Chine et les États-Unis. L’Ukraine et la Biélorussie, qui vivent des heurts récurrents, sont à moins de trois heures d’avion d’ici. Et rappelons-nous que les Balkans se sont entredéchirés dans un conflit meurtrier dans les années 1990, presque à nos portes. Assurer la souveraineté de notre espace aérien et avoir les capacités de résister à des tensions qui peuvent dégénérer en conflit est une nécessité doublée d’un devoir.

Souveraineté en jeu

La neutralité nous interdit de déléguer la défense de notre territoire. Le cosmonaute et pilote militaire Claude Nicollier l’a rappelé dans la presse dominicale: «C’est justement parce que nous ne sommes pas dans l’OTAN que nous avons la responsabilité d’assurer la souveraineté de notre espace aérien. Souvenez-vous de l’avion d’Ethiopian Airlines détourné sur Genève en 2014. Ce sont des pilotes italiens qui ont dû l’escorter, car nos Forces aériennes n’étaient pas actives en dehors des heures de bureau, déclenchant un scandale.» Il ajoute que ces futures acquisitions ne sont pas des jets de luxe, mais des avions qui ont des spécifications élevées et un prix: «Un avion de combat moderne et performant, ce n’est pas bon marché.»

L’argument du gouffre financier absurde brandi par les adversaires de ces acquisitions ne tient pas la route. La somme de six milliards ressortit au budget ordinaire de l’armée, et sa dépense sera étalée sur dix ans. Acquérir des avions de combat constitue un exercice complexe qui dure plusieurs années. Les FA-18 seront obsolètes en 2030, il faut donc anticiper et planifier nos besoins.

A tous ces arguments sécuritaires s’ajoute un volet commercial non négligeable: les affaires compensatoires, également appelées Offset. A l’échelle suisse, 30% de ces participations industrielles sont destinées à la Suisse romande. Il s’agit clairement d’une opportunité pour nos entreprises dans leur diversité en termes de transfert de technologie. Elles permettent d’accroître les compétences et l‘efficience de l‘industrie suisse, favorisent l’innovation, ainsi que la création de relations commerciales à long terme et l’acquisition de nouveaux marchés.

Dire oui à ces futurs avions de combat le 27 septembre, c’est contribuer à la sécurité et à la prospérité de notre pays.

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Moderniser les réseaux de téléphonie mobile doit devenir une priorité

La pandémie a accéléré la numérisation de l’économie. Pour développer ces nouvelles technologies, le déploiement de la 5G – au point mort ou presque en Suisse – devient urgent, a fortiori si le recours au télétravail s’étend.

C’est un véritable cri d’alarme qu’a lancé l’Association suisse des télécommunications (ASUT) cet été: pour la principale association du secteur, la modernisation des réseaux de téléphonie mobile avec la 5G ne progresse guère dans notre pays. «L’absence d’aides à l’exécution de la Confédération, des directives plus strictes des cantons et des communes, ainsi que des procédures d’autorisation de plus en plus retardées, bloquent des investissements importants représentant, chaque année, un demi-milliard à un milliard de francs et le déploiement nécessaire de cette infrastructure de base», a-t-elle lancé dans un communiqué. Pour l’ASUT, les politiques et les autorités doivent urgemment soutenir le renouvellement de ces réseaux. Une étude de l’Union internationale des télécommunications montre qu’à défaut, des pays comme la Suisse sont menacés à terme ne plus être en mesure de gérer plus de 60% du trafic de données mobiles. Voulons-nous voir notre compétitivité s’effondrer au moment où l’économie tente de redémarrer après la crise sanitaire?

«Penser digital»

La pandémie, c’est une réalité, a accéléré la digitalisation des entreprises. En témoigne le recours massif au télétravail, pour lequel la 5G constituerait un atout supplémentaire. Elle a surtout montré que celles qui avaient la maîtrise technologique et la capacité à s’en servir ont moins souffert de la crise. Dans «Le Temps» d’hier, l’industriel André Kudelski, qui préside Innosuisse, parle de la digitalisation comme d’«un bouleversement technologique profond. Tous les acteurs n’ont pas encore réalisé qu’il ne s’agit pas simplement de convertir une activité analogique en numérique, mais que c’est la manière de voir les choses qu’il faut changer, en «pensant digital».» La 5G constitue un appui indispensable à cette transition: elle accroît considérablement la capacité des réseaux, les volumes de données et la vitesse de transmission. Elle ouvre la voie à une multitude de nouveaux produits et services, dont les citoyens pourront bénéficier, notamment dans les régions périphériques. L’internet des objets, en plein boom, ne peut pas être utilisé sans cette technologie.

Cessons de croire les apôtres du chaos qui se répandent en anathèmes sur cette (r)évolution technique dans les réseaux sociaux. Le lien supposé entre la propagation du Covid-19 et la 5G en constitue l’exemple le plus grotesque. Comme l’écrivait Avenir Suisse en avril dernier, «il n’est pas étonnant que les scientifiques et les politiciens modérés se fassent discrets; les faits se noient dans une tempête émotionnelle». Le Think Tank souligne que depuis quarante ans, «il n’a pas été possible de prouver de manière cohérente que l’exposition en-deçà des valeurs limites ait des effets nocifs sur la santé».

Comme l’ASUT, j’estime que les autorités doivent prendre des mesures pour permettre le traitement rapide des procédures pendantes en matière d’autorisation. Il s’agit notamment de renoncer aux moratoires illicites, de garantir les ressources nécessaires au sein des autorités chargées des autorisations, ainsi que les aides à l’exécution pour la 5G. La Confédération, qui ne se mouille guère dans ce dossier, doit communiquer plus activement et faciliter le déploiement de l’infrastructure nécessaire. La compétitivité de notre tissu économique en dépend.

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Prendre de la hauteur pour cadrer le travail à distance

La quasi-généralisation du télétravail pendant la pandémie a permis à de nombreuses entreprises de poursuivre leurs activités. Hors ces circonstances exceptionnelles, ce mode de fonctionnement a toutefois ses limites, et il impose une réflexion.

Un sondage publié ces dernières semaines l’atteste: le télétravail a connu un essor et un succès considérables pendant le semi-confinement en Suisse. Plus encore, la grande majorité de celles et ceux qui l’ont pratiqué en redemandent, au point que l’opinion le voit se généraliser rapidement dans le monde de l’économie. Il est vrai que ce mode de fonctionnement, qui s’est imposé de facto en raison de la crise du Covid-19, a permis à de nombreuses entreprises de maintenir une bonne partie de leurs activités. Il a eu par ailleurs un impact positif – même momentané – sur le climat et l’environnement, et a permis aux collaborateurs de faire l’économie de trajets et de se sentir probablement moins stressés.

Le «home office» a des vertus indéniables, mais il n’est toutefois pas sans défauts. J’estime même que cet aspect a été relégué au second plan, voire carrément occulté dans le contexte de cette crise sanitaire. Tout d’abord, le télétravail à 100% permet l’exécution de tâches, même complexes, depuis n’importe où dans le monde: la comptabilité en Malaisie, le service desk au Liban. C’est assurément pratique, mais les conséquences sur le marché du travail indigène peuvent être très lourdes. En outre, il prive les commerces situés aux abords des entreprises de revenus substantiels, car lorsque je travaille à distance, je ne mange plus l’assiette du jour, je ne vais plus à l’onglerie et je commande tout sur internet.

Rien ne remplace le contact direct

Au-delà de ses effets directs sur l’économie, ce mode de fonctionnement n’est à l’évidence pas fait pour tout le monde, notamment pour des questions d’espace. Exercer son activité professionnelle depuis un appartement exigu occupé par plusieurs personnes ne permet certainement pas de l’accomplir dans les meilleures conditions. Certains collaborateurs, par ailleurs, n’apprécient tout simplement pas de travailler à distance. En outre, il est à mon sens essentiel qu’une bonne partie de ces tâches soient effectuées au sein de l’entreprise, car rien ne remplacera jamais le contact direct avec les collègues, ni même les pauses à la cafétéria qui, bien souvent, stimulent les échanges et renforcent l’esprit d’équipe.

À l’aune du développement fulgurant que connaît le numérique, il n’est bien sûr pas question de renoncer au télétravail. Il me paraît en revanche indispensable de porter une vraie réflexion sur ce phénomène appelé à durer. Les entreprises pourraient par exemple établir une charte, définie entre l’employeur et les collaborateurs, dans laquelle elles dresseraient la liste des tâches que l’on peut remplir à distance et de celles qui ne le peuvent pas. Une telle démarche rendrait ce nouveau mode de fonctionnement transparent et profitable à tous.

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L’innovation sera l’une des clés pour sortir de la crise

La pandémie du Covid-19 va durablement impacter notre économie. Pour poursuivre leurs activités, les entreprises de notre pays devront s’adapter et, surtout, innover. Disposer de bonnes conditions-cadres favorisera aussi le redémarrage.

Sans mauvais jeu de mots dans le contexte du coronavirus, aujourd’hui, c’est bel et bien l’économie qui est au creux de la vague. Les aides fédérales et cantonales ont certes permis à beaucoup d’entreprises de surmonter le choc de la pandémie, mais l’incertitude demeure en raison d’un manque de visibilité à terme. Et toutes les sociétés ne parviendront hélas pas à s’en sortir.

Les soutiens financiers sont une condition nécessaire, mais pas suffisante pour permettre un redémarrage. Pour espérer aller de l’avant, l’économie aura besoin, encore plus que par le passé, de conditions-cadres favorables. De ce point de vue, la mise en œuvre rapide de la RFFA dans les cantons permettra aux entreprises de profiter des nouvelles mesures fiscales visant à promouvoir l’innovation (déduction pour la R&D, patent box), pour peu, évidemment, qu’elles soient en mesure de payer des impôts. L’octroi de ressources supplémentaires pour la recherche compétitive, par le biais d’Innosuisse, notamment, donnerait également des perspectives aux entrepreneurs innovants. La participation au programme-cadre européen de recherche (Horizon Europe) constituerait elle aussi un vecteur de rebond important pour certaines entités.

Préserver le secteur R&D

A côté des conditions-cadres, l’innovation reste le principal moteur du développement économique en Suisse. L’étude «Vaud innove», cosignée par la CVCI et dont la version imprimée vient de sortir de presse, montre que l’écosystème d’innovation du canton a favorablement évolué ces dernières années. Les branches à forte composante technologique, comme la pharma, ont connu une progression réjouissante. Cette orientation vers des activités à haute valeur ajoutée constitue un atout pour l’économie vaudoise, et elle a contribué à la rendre moins sensible aux aléas de la conjoncture. Il n’en demeure pas moins que cette situation enviable est loin d’être acquise. D’autant plus, comme le conclut l’étude, que la crise actuelle pourrait voir le flux d’investissements quelque peu fléchir, provisoirement du moins. Aussi, à l’heure de revoir leurs budgets, les entreprises devront se garder de couper dans la recherche et le développement.

Confrontés aux grandes difficultés actuelles, les entrepreneurs devront donc se montrer inventifs et prendre des risques. Les modèles d’affaires devront être repensés, de nouveaux produits et des processus plus efficaces devront émerger. Réactives, beaucoup d’entre elles se sont adaptées rapidement et ont déjà intégré les nouvelles pistes de développement que la pandémie a révélées, comme l’accélération de la numérisation, les changements de consommation et de production, le développement de la créativité, de nouvelles organisations de travail ou, encore, la simplification des procédures.

Innover rime plus que jamais avec opportunité.

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Le redémarrage économique demandera de l’audace et du courage

Surmonter la pandémie actuelle constitue un défi majeur pour nos entreprises. Reprendre confiance dans un contexte aussi incertain exigera une prise de risques à laquelle notre pays n’est pas forcément habitué. C’est pourtant l’une des clés pour sortir de cette situation hors norme.

La crise sanitaire que nous vivons depuis bientôt trois mois s’est rapidement doublée d’un blocage de l’économie sans précédent. Les mesures d’aides urgentes et vigoureuses décidées par le Conseil fédéral, à l’image du chômage partiel, ont permis à une majorité d’entreprises d’encaisser le choc de cette première phase de la pandémie. Au moment où le déconfinement se met graduellement en place, un nouveau défi de taille attend l’industrie et le commerce: redémarrer pleinement les activités dans un environnement incertain d’où le Covid-19 n’a pas disparu. Le respect strict des consignes sanitaires est une condition sine qua non de la reprise. Il s’agit donc de garder ce virus à l’œil pour que l’économie puisse repartir.

Ce redémarrage, c’est certain, exigera du courage et de l’audace. Portée vers l’exportation, l’économie suisse gagne un franc sur deux à l’étranger. Même si les marchandises circulent, la demande mettra probablement des mois pour repartir. Et il paraît probable que le marché indigène redécollera lui aussi doucement. Le récent sondage que la CVCI a réalisé auprès de ses membres sur les effets de cette crise sanitaire montre que les entreprises, fortement impactées, comptent sur un retour à la normale au deuxième semestre. Dans ce contexte, reprendre confiance et regagner celle des consommateurs et des investisseurs ne sera pas une mince affaire. A cet égard, le maintien de conditions-cadres favorables demeure primordial.

S’inspirer de cette expérience

Les entrepreneurs devront se montrer persévérants – ils le sont par essence -, inventifs et prêts à prendre des risques. Ce dernier trait de caractère, il faut bien l’admettre, n’est pas forcément inscrit dans l’ADN des Suisses, au contraire des Anglo-Saxons qui en ont fait une marque de fabrique. C’est pourtant bien dans ce registre que les chefs d’entreprise d’ici pourront trouver matière à résoudre l’équation complexe qui se dresse devant eux. Notre sondage sur les effets du Covid-19 montre que cette crise a fait émerger nombre d’effets positifs dont il pourrait être judicieux de s’inspirer. Je veux parler notamment de l’accélération de la numérisation, des changements de consommation et de production, du développement de la créativité, du télétravail et des nouvelles organisations de travail, du retour à une production locale et de la simplification de certaines procédures.

Les incertitudes, qu’elles soient d’ordre sanitaire, économique ou politique, sont certes encore nombreuses. La situation inédite que nous vivons devrait pourtant être considérée comme une opportunité et servir de base à une réflexion sur nos modes de fonctionnement. Les valeurs humanistes, que l’on a sans doute un peu trop négligées ces dernières années, devront elles aussi être prises en compte dans ce nouveau départ. La CVCI et ses services seront à vos côtés pour vous accompagner dans ce monde où beaucoup reste à réinventer.

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La globalisation, oui, mais avec pondération

L’épidémie de coronavirus met en lumière une réalité préoccupante: la Chine regroupe une grande partie de la production mondiale de principes actifs médicamenteux. Si la mondialisation est profitable, il est peut-être temps d’adapter ce modèle aux réalités du XXIe siècle.

Le journal «Le Temps» annonçait la semaine dernière l’imminence d’une «grave pénurie de médicaments». En cause: la concentration des fournisseurs de matières premières en Asie, où la pharma occidentale a délocalisé une grande partie de sa production dans les années 2000 afin d’optimiser ses coûts. De nombreux antidouleurs et antibiotiques commencent déjà à manquer dans les pharmacies de notre pays.

L’épidémie de coronavirus qui sévit actuellement en Chine accentue le phénomène, car elle paralyse les chaînes de production et, donc, d’approvisionnement. Elle met surtout en évidence la vulnérabilité que fait peser cette délocalisation sur le système sanitaire. Dans ce contexte, le groupe pharmaceutique Sanofi a communiqué lundi qu’il allait «regrouper en une nouvelle entreprise autonome certaines de ses activités européennes dans les principes actifs pharmaceutiques, des molécules essentielles entrant dans la composition de tout médicament, dans un contexte de dépendance croissante des laboratoires mondiaux vis-à-vis de la production asiatique». La nouvelle filiale doit réunir six des onze sites de fabrication de principes actifs que compte l’entreprise en Europe. La nouvelle entité, forte de 3100 employés, aura son siège en région parisienne.

Voilà un signal intéressant. L’idée, bien sûr, ne consiste pas à remettre en question la mondialisation. Les échanges internationaux demeurent indispensables à la prospérité générale et ont permis de réduire les inégalités dans le monde. Le cas soudain et extrême de l’épidémie vient simplement nous rappeler que les concentrations industrielles ne sont pas toujours souhaitables, a fortiori lorsqu’elles se trouvent à l’autre bout de la planète. A une époque où le changement climatique devient un enjeu central pour nous tous, produire plus près ne peut qu’améliorer notre bilan carbone.

Tendance en hausse

Rapatrier sa production est une tendance que l’on observe depuis quelques années en Occident, même en Suisse. La raison principale? Le coût du travail, qui a souvent été à la base d’une décision de délocalisation, augmente également dans les pays lointains. De fait, les économies obtenues sur la main-d’œuvre ne compensent plus les coûts logistiques et douaniers. Relocaliser est aussi en phase avec l’exigence de proximité que revendiquent toujours plus de consommateurs. Les entreprises y trouvent leur compte en termes d’image et de notoriété. D’un point de vue logistique, à l’heure de l’industrie 4.0, la relocalisation s’avère aussi payante, car elle permet de réduire les coûts, d’améliorer les délais de livraison et, point non négligeable, le service à la clientèle.

Il est peut-être temps de reconsidérer la globalisation à la lumière des nouveaux paradigmes de ce siècle. Elle a du bon, mais avec modération.

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La 5G mérite mieux qu’un moratoire

Le canton de Vaud a décidé de ne pas autoriser la construction de nouvelles antennes dans le sillage du rapport fédéral portant sur le déploiement de cette technologie sur le territoire suisse. Et pendant ce temps, l’économie doit ronger son frein.

On appelle cela familièrement «refiler une patate chaude». La semaine dernière, le Conseil d’Etat vaudois a annoncé qu’il interdisait la construction de nouvelles antennes 5G sur son sol jusqu’à ce que la Confédération mette «à disposition des cantons certains outils permettant, notamment, de vérifier que ces installations respectent les valeurs limites en matière de rayonnement». Il s’abrite derrière le principe de précaution. Il a beau jeu de le faire, d’ailleurs, car le rapport publié fin novembre sur mandat du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) portant sur le déploiement de la 5G sur le territoire suisse ne livre guère de conclusions claires… Devant ce flou fédéral, le gouvernement vaudois consent toutefois à accepter les modifications d’antennes dites mineures qui n’impliquent pas d’augmentation de leur puissance.

Il est louable de vouloir préserver la santé de la population face à une technologie que certaines études accusent d’induire un risque sanitaire. Or, et c’est bien là son seul mérite, le groupe de travail mandaté par le DETEC «constate que, jusqu’à présent, aucun effet sanitaire n’a été prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites fixées dans l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement». Or, avec ou sans moratoire, les opérateurs respecteraient ces limites, tant pour la 3G, la 4G ou la 5G. Des valeurs qui, soit dit en passant, sont dix fois moins élevées que dans d’autres pays! Les experts estiment en outre que 90% du rayonnement auquel nous sommes exposés ne dépend que de nous: il s’agit du smartphone que nous gardons longuement à l’oreille au lieu d’utiliser une oreillette avec micro intégré, du wifi que nous laissons activé en permanence, du téléphone conservé près de soi la nuit sans l’éteindre ou encore du PC portable posé sur les genoux. Il est donc aisé de limiter les risques d’exposition aux ondes.

Technologie indispensable

Disons-le clairement: dans ces conditions, les moratoires décrétés par les cantons n’ont pas lieu d’être, et ils doivent conséquemment être levés. Des voix s’élèvent même pour dénoncer leur caractère illégal au regard de la législation fédérale en la matière. Les réseaux sont presque saturés dans les grandes villes. Si la 5G paraît surfaite pour l’utilisateur lambda, l’économie, elle, attend avec impatience le déploiement d’une technologie indispensable pour le développement prometteur de l’internet des objets connectés. Songeons aussi aux diverses applications médicales possibles et aux drones. Le canton de Vaud, où le moratoire dure depuis le mois d’avril, a déjà pris beaucoup de retard dans la couverture de la 5G. Pendant ce temps, les opérateurs de téléphonie mobile investissent dans des cantons moins réfractaires au progrès.

Il est possible de développer un réseau performant dans le respect de normes sévères en matière de santé publique. S’agissant de la 5G, un peu de discernement ne ferait pas de mal à nos autorités, qu’elles soient fédérales ou cantonales.

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Des avions de combat pour l’emploi

En revoyant à la baisse les compensations pour l’industrie liées à l’achat d’un nouveau chasseur aérien, le Conseil fédéral provoque l’incompréhension de tout un pan de notre économie. Ces dernières sont pourtant vitales pour les entreprises et l’innovation.

En fonction depuis le début de l’année, Viola Amherd, cheffe du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), n’aura pas mis longtemps à fâcher l’institution et l’économie. La semaine dernière, devant des cadres militaires et des patrons de l’industrie de l’armement, elle s’est exprimée sur les compensations pour l’industrie de l’armement. Traditionnellement, lors de l’achat d’un tel matériel à l’étranger, la Suisse demande à l’entreprise qui obtient le contrat de compenser 100% du prix d’acquisition en achetant des biens ou des prestations auprès de l’industrie suisse et, par cascade, à de nombreux sous-traitants.

Problème: l’achat de notre futur avion de combat ne devrait être compensé qu’à 60% selon le Conseil fédéral. Il estime qu’un tel taux suffit en l’espèce, alors même qu’il avait déclaré en décembre dernier qu’une norme de compensation de 100% s’appliquerait aux achats d’armes. La raison de cette volte-face? Viola Amherd, relate «24 heures» samedi, a expliqué que les sept Sages ne remettaient pas en question la règle des 100%. «Mais, là, a-t-elle averti, il s’agit d’un cas exceptionnel. Avec 8 milliards pour la défense aérienne, nous avons affaire à un volume d’investissements record.» Pour la cheffe du DDPS, 60% de compensations amèneront donc suffisamment d’investissements à l’industrie suisse. Pour autant, bien sûr, que l’achat d’un avion de combat soit accepté par le peuple, probablement à l’automne 2020. La campagne sera difficile, mais le jeu en vaut la chandelle pour les entreprises actives dans la sécurité et de défense, car cela leur permettrait d’acquérir de précieuses connaissances technologiques et de continuer à investir dans l’innovation, facteur indispensable à la prospérité. Tous les pays essaient de maintenir leur secteur industriel, et la Suisse n’échappe pas à cette nécessité.

Le plaidoyer de Viola Amherd, on s’en doute, a mal passé auprès des militaires et des industriels. Mais la partie est loin d’être jouée: en septembre dernier, le Conseil des États a accepté l’arrêté de planification relatif à l’achat de nouveaux avions de combat, en demandant que les acquisitions faites à l’étranger soient compensées à 100% par des commandes passées à des entreprises en Suisse. Le dossier passera devant le National en décembre. Va-t-on vers une confirmation de ce vote, ou alors la Chambre basse transigera-t-elle à 80%? L’avenir le dira.

L’industrie donne de la voix

L’industrie n’est, en tout état de cause, pas près de rendre les armes: Swissmem, l’association faîtière des PME et des grandes entreprises de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux, ainsi que des branches technologiques apparentées, et le Groupe romand pour le matériel de défense et de sécurité (GRPM) ont rejeté l’idée de limiter les collaborations industrielles à 60% du volume effectivement facturable. «Cela exclurait un grand nombre d’opérations de contrepartie indirectes», estiment ces derniers. Ils rappellent que, selon les principes d’acquisition du Conseil fédéral, 30% du volume doit provenir d’entreprises de Suisse romande et 5% d’entreprises tessinoises: «Le projet de renouvellement des avions n’a une chance politique de se réaliser que si cette distribution est garantie.»

A nos yeux, il est capital de maintenir les règles usuelles en ce qui concerne les collaborations industrielles, à savoir des compensations à 100%, avec 30% pour la Suisse romande. Cela permettrait à nos entreprises de planifier leurs activités sans heurts et de continuer à innover, a fortiori dans l’environnement géopolitique mondial incertain qui est le nôtre.

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