Deux fois oui pour mieux concilier travail et famille

Accepter un congé-paternité de deux semaines et l’augmentation des déductions pour enfants le 27 septembre prochain permettrait aux parents d’envisager un partage des tâches plus équitable. Un plus indéniable pour la promotion professionnelle des femmes.

Les citoyens suisses disposent de deux belles occasions de permettre aux familles de mieux concilier vie privée et vie professionnelle le 27 septembre prochain. Ils s’exprimeront sur l’octroi d’un congé-paternité de deux semaines, financé par les allocations pour perte de gain, ainsi que sur une augmentation des déductions pour enfants dans le cadre de l’impôt fédéral direct. La déduction fiscale maximale possible pour les frais de garde par des tiers passerait de 10’100 à 25’000 francs.

L’idée d’un congé paternité ne saurait être contestée dans son esprit, d’autant que la Suisse est le dernier pays d’Europe à ne pas en proposer un. La société a évolué ces dernières années et aujourd’hui, nombre de pères de famille se sentent davantage concernés par la parentalité. Ces dix jours permettraient de décharger quelque peu les mères. Fruit d’un compromis – l’initiative de départ prévoyait un congé de quatre semaines -, ce projet nous paraît raisonnable et, surtout, supportable financièrement pour les entreprises. Il causera certes des soucis d’organisation aux plus petites d’entre elles, mais comme il pourra être pris dans les six mois sous forme de semaines ou de journées, cela ne devrait pas être trop problématique.

Avancées sociétales

L’augmentation des déductions pour frais de garde permettrait, pour sa part également, de mieux concilier famille et travail, d’adapter la déduction fiscale aux dépenses réelles engendrées par la garde des enfants par des tiers et de favoriser la présence sur le marché de femmes qualifiées, qui sont souvent obligées de réduire leur taux d’occupation ou d’arrêter de travailler pour des raisons fiscales.

Le Covid-19 s’est évidemment invité dans le débat. Certains, acquis au congé-paternité, le rejettent aujourd’hui, estimant que la situation économique actuelle ne permet pas de financer une nouvelle assurance sociale. A mes yeux, il s’agit d’un faux débat. La pandémie actuelle ne saurait justifier que l’on renonce à des avancées sociétales qui faciliteront la promotion des femmes sur le marché du travail.

Cela dit, l’implication des deux parents dans l’éducation des enfants relève aussi d’autres éléments qu’un congé paternité ou de déductions fiscales. Pour faire avancer encore davantage les choses dans ce domaine, il faudra agir sur la flexibilité des horaires de travail, disposer d’horaires scolaires harmonisés et, surtout, faciliter l’accès à des structures d’accueil pré- et parascolaires. La CVCI et ses entreprises membres ont d’ailleurs soutenu, dès sa création, la Fondation d’accueil de jour de la petite enfance en acceptant de participer au financement des places d’accueil. C’est par le cumul de ces différentes mesures qu’un partage des tâches plus équitable au sein des couples pourra devenir réalité.

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Les perspectives financières en ligne de mire

Après les couacs communicationnels de l’OFSP sur la pandémie, il est nécessaire de couper court à ces atermoiements pour permettre une rentrée sereine. Les autorités auront un rôle central à jouer pour redonner confiance et visibilité, en communiquant clairement et en effectuant des choix budgétaires judicieux.

Quel pataquès! L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a publié vendredi dernier des données erronées concernant les sources de contamination du Covid-19. Mises au pilori, les boîtes de nuit totalisent moins de 10% des infections, alors que ce sont bien le cadre familial et le lieu de travail qui sont les sources principales. Pire: l’origine de la transmission du virus reste inconnue dans 40% des cas! Penaud, l’office s’est confondu en excuses pour avoir affecté des chiffres aux mauvais endroits (sic) et a assuré qu’il allait revoir ses procédures.

Ce couac est déplorable, car les atermoiements fédéraux désécurisent la population. Les chiffres publiés, quand ils ne sont pas faux…, font le yoyo et inquiètent dans la mesure où les explications et les mises en perspective font largement défaut. Des chiffres bruts, comme ceux présentés chaque jour par le canton de Vaud au fin fond de son site internet, ne donnent pas vraiment d’indication claire sur la situation sanitaire. Les Genevois, eux, ont pu compter sur l’omniprésence médiatique du conseiller d’État Mauro Poggia pour être renseignés.

Flottements préjudiciables

Depuis que la Confédération a mis fin à la situation extraordinaire, le 19 juin dernier, les cantons prennent des mesures disparates, sans vraiment se soucier d’harmonisation. Il est difficile, pour les Chablaisiens, de comprendre qu’ils doivent porter un masque dans les commerces d’Aigle et pas dans ceux de Monthey. Le retour en classe se fera-t-il masqué, pour qui, et jusqu’à quel niveau d’enseignement? Les flottements qui s’ensuivent ne sont assurément pas bons pour la confiance.

Les vacances touchent bientôt à leur terme et, déjà, la reprise suscite son lot d’inquiétudes et d’interrogations, d’autant que la pandémie semble hélas partie pour durer. Dans ce contexte incertain, les collectivités publiques vont devoir prendre des décisions qui engagent l’avenir de la société, autrement plus complexes que le déploiement à la hâte de pistes cyclables. Une première orientation sera donnée le 12 août prochain, date de la conférence de presse de rentrée du Conseil fédéral.

Au plan vaudois, également, le retour aux affaires sera chargé. Le Canton devra notamment empoigner la question du budget et des perspectives financières. Tout cela nécessitera des arbitrages sérieux et il s’agira de ne pas entasser la poussière sous le tapis. Le Conseil d’État devra par ailleurs communiquer de manière soutenue, ne serait-ce que pour tordre le coup aux fake news qui ne cessent de polluer les réseaux et les esprits. La confiance dans les autorités est aussi à ce prix.

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La fiscalité, un levier capital pour la relance


Alors que l’OCDE planche sur une réforme fiscale des entreprises aux effets potentiellement néfastes pour la Suisse, il faut veiller à assurer la compétitivité de notre économie pour relancer la machine post-Covid. Dans le canton de Vaud, la lourdeur de l’imposition des personnes physiques reste un obstacle.

La Suisse fait bonne figure en termes de comparaison fiscale internationale. C’est ce que KPMG Suisse détaille dans son récent «Swiss Tax Report 2020», en comparant les taux d’imposition des bénéfices et du revenu de 130 pays et des 26 cantons suisses. Grâce à la RFFA, la fiscalité des sociétés a pu baisser, améliorant ainsi l’attractivité de notre place économique. Pourtant, avertissent les auteurs de ce rapport, «cette faible imposition des entreprises ne saurait suffire à elle seule à préserver durablement la compétitivité». Car l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) projette une réforme susceptible de bouleverser les budgets publics. Les grandes entreprises ne paieraient plus leur dû au siège du groupe, mais dans les pays où les biens sont exportés et vendus et où les bénéfices sont engendrés. Pour la Suisse, cela équivaudrait à des pertes fiscales considérables, qui pourraient déboucher à terme sur des programmes d’économies ou sur des hausses d’impôts.

Cette musique d’avenir inquiétante ne doit toutefois pas occulter l’urgence actuelle, qui consiste à relancer l’économie après la pandémie. La compétitivité en est un élément-clé. Ce n’est pas le moment de pénaliser les entreprises déjà meurtries par la crise, ni les particuliers. Le conseiller fédéral, Ueli Maurer, a estimé la semaine dernière que l’endettement provoqué par le Covid-19 devrait pouvoir être lissé sur plusieurs années sans devoir augmenter les impôts ni mettre en route un programme d’austérité. L’état enviable des finances fédérales autorise cette politique.

Les perspectives sont en revanche moins bonnes pour les cantons et les communes. L’arrêt partiel de l’activité économique parapublique (crèches, musées, transports, etc.) va coûter cher aux collectivités. En outre, le risque est réel de voir les bénéfices des entreprises baisser, avec des effets directs sur les recettes fiscales. De nombreux particuliers en RHT verront également fondre leur revenu et paieront donc moins d’impôts. Sans parler de celles et ceux qui seront contraints de se tourner vers le social, une aide qu’il faudra financer.

La situation budgétaire des cantons reste toutefois globalement solide après les exercices profitables qui se sont succédé ces dernières années. En bonne théorie anticyclique, c’est précisément maintenant qu’il faut puiser dans les réserves pour relancer l’activité et la consommation. Le canton de Vaud, où l’imposition des personnes physiques est la plus élevée de Suisse, a les moyens de faire un geste pour alléger la facture fiscale des particuliers. Il a encore «des milliards sous le coude» comme le titrait «24 heures» en juin dernier. L’appel est lancé.

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Tous ces pas qui font avancer la parité salariale

Les entreprises qui emploient au moins 100 personnes sont tenues d’effectuer dès aujourd’hui une analyse de l’égalité salariale. Cet instrument n’est pas la panacée, d’autres moyens permettent d’y tendre. Deux objets soumis aux urnes cet automne, par exemple.

 On le sait, le législateur doit veiller à l’égalité salariale pour un travail égal ou comparable. La loi sur l’égalité, qui date de 1996, a fait l’objet d’une récente révision, qui entre en vigueur en ce 1er juillet: les entreprises employant au moins 100 personnes sont désormais tenues d’effectuer une analyse de la parité salariale. Pour y parvenir, la Confédération met à disposition une version modernisée de son outil d’analyse standard de l’égalité salariale (Logib), sous la forme d’une application web.

Légiférer dans ce domaine est a priori louable, mais cela ne suffit manifestement pas à faire avancer cette cause. D’après une enquête sur la structure des salaires réalisée par l’Office fédéral de la statistique (OFS) en 2016, la part inexpliquée de l’écart salarial entre femmes et hommes s’élève en moyenne à 7,7%. Cela représente 642 francs par mois. C’est pourquoi je reste convaincue que cette question ne sera pas résolue dans notre pays tant et aussi longtemps que le problème de l’accueil des enfants ne sera pas réglé à satisfaction. Une femme doit pouvoir travailler suffisamment pour disposer des ressources lui permettant de financer la garde de sa progéniture, et ainsi pouvoir évoluer dans son cursus professionnel et accéder à des postes dirigeants.

Plafond de verre pesant

Selon l’OFS, 59% des femmes et 18% des hommes travaillent à temps partiel. La maternité et la situation familiale sont les facteurs qui poussent ces dernières à opter pour ce modèle de travail. L’interruption du parcours professionnel est doublement pénalisante pour les femmes, car elle les prive à la fois d’un revenu et de l’ancienneté dans l’entreprise. Celles qui connaissent des arrêts liés à la maternité sont perdantes dans ce système, qui doit absolument évoluer. D’autant que le départ programmé des baby-boomers créera un grand besoin de main-d’œuvre. Ces postes à responsabilité, les femmes sont parfaitement en mesure de les assumer. A côté de la flexibilisation du travail, la formation continue doit aussi leur permettre de briser ce pesant plafond de verre.

Deux objets fédéraux soumis au scrutin populaire en septembre permettront d’apporter de nouvelles pierres à l’édifice de la parité salariale: l’augmentation de la déduction fiscale des frais de garde de 6500 à 10’000 francs pour chaque enfant mineur, en apprentissage ou en études. Cette élévation favorisera l’égalité des chances professionnelles pour les femmes et leur évolution de carrière, tout comme le congé-paternité de deux semaines. Financé sur le modèle de l’assurance maternité, via les allocations pour perte de gains (APG), un tel congé posera certes des défis organisationnels à de nombreuses PME. Le fait que ces dix jours soient modulables en journées fractionnées sur six mois doit toutefois permettre une application flexible.

L’économie s’engage pour davantage de places d’accueil de même que pour l’aménagement des horaires de travail. Des incitations fiscales permettraient de renforcer ce trend, car c’est bien l’addition de ces efforts qui contribuera à faire avancer l’égalité salariale.

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L’innovation sera l’une des clés pour sortir de la crise

La pandémie du Covid-19 va durablement impacter notre économie. Pour poursuivre leurs activités, les entreprises de notre pays devront s’adapter et, surtout, innover. Disposer de bonnes conditions-cadres favorisera aussi le redémarrage.

Sans mauvais jeu de mots dans le contexte du coronavirus, aujourd’hui, c’est bel et bien l’économie qui est au creux de la vague. Les aides fédérales et cantonales ont certes permis à beaucoup d’entreprises de surmonter le choc de la pandémie, mais l’incertitude demeure en raison d’un manque de visibilité à terme. Et toutes les sociétés ne parviendront hélas pas à s’en sortir.

Les soutiens financiers sont une condition nécessaire, mais pas suffisante pour permettre un redémarrage. Pour espérer aller de l’avant, l’économie aura besoin, encore plus que par le passé, de conditions-cadres favorables. De ce point de vue, la mise en œuvre rapide de la RFFA dans les cantons permettra aux entreprises de profiter des nouvelles mesures fiscales visant à promouvoir l’innovation (déduction pour la R&D, patent box), pour peu, évidemment, qu’elles soient en mesure de payer des impôts. L’octroi de ressources supplémentaires pour la recherche compétitive, par le biais d’Innosuisse, notamment, donnerait également des perspectives aux entrepreneurs innovants. La participation au programme-cadre européen de recherche (Horizon Europe) constituerait elle aussi un vecteur de rebond important pour certaines entités.

Préserver le secteur R&D

A côté des conditions-cadres, l’innovation reste le principal moteur du développement économique en Suisse. L’étude «Vaud innove», cosignée par la CVCI et dont la version imprimée vient de sortir de presse, montre que l’écosystème d’innovation du canton a favorablement évolué ces dernières années. Les branches à forte composante technologique, comme la pharma, ont connu une progression réjouissante. Cette orientation vers des activités à haute valeur ajoutée constitue un atout pour l’économie vaudoise, et elle a contribué à la rendre moins sensible aux aléas de la conjoncture. Il n’en demeure pas moins que cette situation enviable est loin d’être acquise. D’autant plus, comme le conclut l’étude, que la crise actuelle pourrait voir le flux d’investissements quelque peu fléchir, provisoirement du moins. Aussi, à l’heure de revoir leurs budgets, les entreprises devront se garder de couper dans la recherche et le développement.

Confrontés aux grandes difficultés actuelles, les entrepreneurs devront donc se montrer inventifs et prendre des risques. Les modèles d’affaires devront être repensés, de nouveaux produits et des processus plus efficaces devront émerger. Réactives, beaucoup d’entre elles se sont adaptées rapidement et ont déjà intégré les nouvelles pistes de développement que la pandémie a révélées, comme l’accélération de la numérisation, les changements de consommation et de production, le développement de la créativité, de nouvelles organisations de travail ou, encore, la simplification des procédures.

Innover rime plus que jamais avec opportunité.

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Le redémarrage économique demandera de l’audace et du courage

Surmonter la pandémie actuelle constitue un défi majeur pour nos entreprises. Reprendre confiance dans un contexte aussi incertain exigera une prise de risques à laquelle notre pays n’est pas forcément habitué. C’est pourtant l’une des clés pour sortir de cette situation hors norme.

La crise sanitaire que nous vivons depuis bientôt trois mois s’est rapidement doublée d’un blocage de l’économie sans précédent. Les mesures d’aides urgentes et vigoureuses décidées par le Conseil fédéral, à l’image du chômage partiel, ont permis à une majorité d’entreprises d’encaisser le choc de cette première phase de la pandémie. Au moment où le déconfinement se met graduellement en place, un nouveau défi de taille attend l’industrie et le commerce: redémarrer pleinement les activités dans un environnement incertain d’où le Covid-19 n’a pas disparu. Le respect strict des consignes sanitaires est une condition sine qua non de la reprise. Il s’agit donc de garder ce virus à l’œil pour que l’économie puisse repartir.

Ce redémarrage, c’est certain, exigera du courage et de l’audace. Portée vers l’exportation, l’économie suisse gagne un franc sur deux à l’étranger. Même si les marchandises circulent, la demande mettra probablement des mois pour repartir. Et il paraît probable que le marché indigène redécollera lui aussi doucement. Le récent sondage que la CVCI a réalisé auprès de ses membres sur les effets de cette crise sanitaire montre que les entreprises, fortement impactées, comptent sur un retour à la normale au deuxième semestre. Dans ce contexte, reprendre confiance et regagner celle des consommateurs et des investisseurs ne sera pas une mince affaire. A cet égard, le maintien de conditions-cadres favorables demeure primordial.

S’inspirer de cette expérience

Les entrepreneurs devront se montrer persévérants – ils le sont par essence -, inventifs et prêts à prendre des risques. Ce dernier trait de caractère, il faut bien l’admettre, n’est pas forcément inscrit dans l’ADN des Suisses, au contraire des Anglo-Saxons qui en ont fait une marque de fabrique. C’est pourtant bien dans ce registre que les chefs d’entreprise d’ici pourront trouver matière à résoudre l’équation complexe qui se dresse devant eux. Notre sondage sur les effets du Covid-19 montre que cette crise a fait émerger nombre d’effets positifs dont il pourrait être judicieux de s’inspirer. Je veux parler notamment de l’accélération de la numérisation, des changements de consommation et de production, du développement de la créativité, du télétravail et des nouvelles organisations de travail, du retour à une production locale et de la simplification de certaines procédures.

Les incertitudes, qu’elles soient d’ordre sanitaire, économique ou politique, sont certes encore nombreuses. La situation inédite que nous vivons devrait pourtant être considérée comme une opportunité et servir de base à une réflexion sur nos modes de fonctionnement. Les valeurs humanistes, que l’on a sans doute un peu trop négligées ces dernières années, devront elles aussi être prises en compte dans ce nouveau départ. La CVCI et ses services seront à vos côtés pour vous accompagner dans ce monde où beaucoup reste à réinventer.

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Les institutions doivent maintenant œuvrer à l’après-crise

Le Conseil fédéral a géré la pandémie actuelle par ordonnance, comme la loi le lui permet. A l’approche d’un début de déconfinement, il est souhaitable que le Parlement reprenne son rôle et que les autorités planchent de concert sur l’avenir. Cela vaut aussi pour l’échelon cantonal.

La «situation extraordinaire», telle que décrite par l’article 7 de la loi sur les épidémies, a conduit le Conseil fédéral à gérer seul la crise du Covid-19. Ces pouvoirs d’exception lui ont permis d’«ordonner les mesures nécessaires pour tout ou partie du pays». Il a plutôt bien assumé son rôle, même si on est loin d’un sans-faute. L’heure d’un déconfinement progressif étant venue, il est temps que les Chambres fédérales reviennent aux affaires, elles qui ont interrompu leur session de printemps à la mi-mars. La démocratie l’exige, et cela permettra aux institutions de réfléchir davantage sur le long terme.

Les parlementaires en ressentent la nécessité. Les bureaux des deux Conseils ont d’ailleurs décidé que les Chambres tiendront une session extraordinaire d’une semaine consacrée au seul coronavirus, dès le 4 mai à Bernexpo, la pandémie ne leur permettant pas de siéger en toute sécurité au Palais fédéral. Comme les sept Sages, le Parlement peut édicter des ordonnances dites de nécessité pour contrebalancer les décisions de l’exécutif. La Commission de l’économie et des redevances du Conseil national s’est déjà manifestée le 15 avril dernier en invitant ce dernier à présenter «rapidement une stratégie visant à mettre fin prochainement au blocage de l’économie.» Pas plus tard qu’hier, son homologue des États a prié le gouvernement de modifier les bases légales de telle sorte que les exploitants d’entreprises fermées par le Conseil fédéral au-delà du 27 avril (en particulier dans la restauration) puissent bénéficier d’une exonération de remboursement du crédit Covid-19 à hauteur de trois loyers mensuels au plus, pour les cas de rigueur.

Des scénarios pour l’avenir

Si la fin de la crise reste encore difficile à entrevoir, les autorités fédérales ont le devoir de proposer des scénarios pour l’avenir. L’être humain, tout comme le monde de l’économie, a horreur de l’incertitude. Aux mesures conjoncturelles prises ces dernières semaines doivent désormais s’ajouter des instruments de politique structurelle, tant il est vrai que le contexte économique sera différent désormais. Bien sûr, la violence et la soudaineté de cette pandémie impliquent une réflexion profonde avant d’aller de l’avant. Cette responsabilité, les institutions ont le devoir de l’endosser en recherchant les meilleures options pour passer ce cap périlleux. Dans ce nouveau monde qui se dessine, le maintien de bonnes conditions-cadres restera indispensable. Point positif, les élections fédérales sont derrière nous. On peut dès lors espérer que les apôtres du consensus l’emporteront sur les apprentis-sorciers et les démagogues.

Un devoir similaire incombe évidemment aux autorités cantonales. Le Conseil d’État vaudois a pris seul en main la gestion de la crise en mars dernier, mais comme à l’échelon fédéral, le Grand Conseil entend aujourd’hui retrouver ses prérogatives. Le parlement entend tenir une séance le 12 mai prochain dans une salle à Yverdon-les-Bains, qui permettra de respecter les directives d’éloignement. Là aussi, le législatif pourra compléter les décisions fédérales et infléchir, voire corriger celles, souvent timides, décrétées par le Château. On songe par exemple aux mesures trop modestes prises en faveur des start-up et des scale-up, ou encore des indépendants et des patrons d’entreprises.

Le contexte n’est cependant guère favorable. Les communales de 2021 et les cantonales de 2022 pourraient pousser nombre d’élus à une surenchère électoraliste parfaitement malvenue: que ce soit la décroissance à tout va, l’étatisme à tous crins ou encore la distribution d’argent tous azimuts. Cette parenthèse artificielle, liée à la pandémie, ne doit pas nous faire perdre de vue que notre société a besoin d’une économie forte pour prospérer et innover dans la durabilité. Celle-là même qui a permis aux autorités de disposer de sommes considérables pour atténuer les effets de cette crise sans précédent. Il faudra s’en souvenir au moment de prendre les bonnes décisions.

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Le Canton doit mettre sur pied un vrai plan de relance pour les PME

Face à la crise du coronavirus, le gouvernement vaudois reste avare de mesures fiscales et économiques permettant aux entreprises de passer ce cap périlleux. Il y a pourtant urgence à délier les cordons d’une bourse que celles-ci ont largement contribué à remplir.

Le contraste est saisissant:  pendant que la Confédération aligne les mesures en faveur de l’économie à coup de dizaines de milliards de francs pour contrer les effets de la crise du Covid-19, le canton de Vaud fait preuve d’une réserve coupable dans ce dossier. C’est d’autant plus incompréhensible que la situation financière vaudoise est très favorable: le gouvernement ne vient-il pas d’annoncer qu’il réservait 403 millions provenant du bon résultat des comptes 2019 pour intervenir? Et si les chiffres sont aussi bons, depuis quinze ans rappelons-le, ils le doivent avant tout aux entreprises et aux employés que celles-ci salarient. Il est donc grand temps d’utiliser ce bas de laine pour soutenir un tissu économique meurtri par la crise actuelle.

Hier, les organisations économiques du Canton, dont la CVCI, ont tapé du poing sur la table en réclamant des actes forts par voie de communiqué. Le Conseil d’État a certes annoncé un soutien pour les start-up à hauteur de 20 millions, à quoi s’ajoutent 50 millions pour augmenter le fonds du chômage, ainsi que la suppression des intérêts moratoires pour les personnes morales. Une mesure que, soit dit en passant, Genève a prise il y a deux semaines, l’étendant même aux personnes physiques. Créer, en outre, un fonds d’aide d’urgence et d’indemnisation de 39 millions de francs pour le secteur culturel vaudois, c’est bien, mais qu’en est-il du reste de l’économie (indépendants, commerçants, patrons de PME, etc.)?

Plateforme d’échange nécessaire pour sortir de la crise

Pour le reste, c’est donc «circulez, il n’y a rien à a…voir». Cet attentisme n’est pas tolérable: les entreprises se débattent dans des difficultés considérables que les organisations économiques, en contact permanent avec leurs membres, ont identifiées. Elles connaissent leurs attentes et leurs besoins. C’est pourquoi elles demandent la création d’une plateforme permettant d’échanger régulièrement avec le gouvernement et son administration: «Cette délégation économique présenterait l’avantage de favoriser un échange d’informations et une consultation, inexistante à ce jour, sur les mesures possibles dans la volonté d’améliorer la situation du tissu économique vaudois», écrivent-elles. Il est nécessaire de faire circuler l’argent, de verser les salaires, de payer les sous-traitants, les fournisseurs. Cela relève de la solidarité, mais garantit aussi des revenus futurs.

Au-delà des mesures fiscales et économiques auxquelles elles sont en droit de prétendre, les entreprises attendent de leurs gouvernants qu’ils réfléchissent déjà à des scénarios de sortie de crise et de soutien à la reprise de l’économie dans toute sa diversité. Le Conseil fédéral a annoncé hier qu’il songeait à assouplir progressivement les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus dès la fin avril. Le Conseil d’État doit en faire de même à l’échelon cantonal. Les entreprises ont besoin de cette visibilité pour passer ce cap et se réinventer dans un monde économique qui ne sera plus tout à fait le même.

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Guerre commerciale, quel tarif?

La nomination de deux juges de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce est bloquée par les États-Unis. Le régulateur du commerce planétaire s’en trouve paralysé. Coup de projecteur sur un embrouillamini préoccupant.

C’est une crise grave qui clôt l’année 2019 du commerce mondial. Hier, deux des trois juges de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont arrivés au terme de leur mandat, et aucun successeur n’a été désigné. Les Etats-Unis bloquent cette nomination, rendant impossible le traitement des plaintes qui sont soumises à cet organisme indépendant d’arbitrage. Pour deux juges, le régulateur du commerce planétaire est paralysé. Sa survie n’est pas en jeu, assure son président, des solutions existent pour résoudre encore des conflits commerciaux entre Etats, mais l’on sent bien que la donne a changé. Et que l’on n’est plus du tout dans l’élan d’après-guerre qui a mené, sur plus de cinquante ans, à la formalisation multilatérale des échanges commerciaux mondiaux depuis le centre William-Rappard, à l’entrée est de Genève, siège d’abord du GATT puis de l’OMC.

Évidemment, celui qui incarne l’opposition aux règles définies par l’OMC porte un nom: Donald Trump. Le président de l’ «Amérique d’abord» («America First») ne semble accepter les verdicts du gardien mondial du commerce que lorsqu’ils sont prononcés en faveur des intérêts américains. Cela dit, cette tendance n’est pas nouvelle: les USA ont toujours vu avec scepticisme l’existence d’une juridiction supra territoriale, en considérant de surcroît que l’organe d’appel extrapolait à partir des règles existantes plutôt que de les faire appliquer. En 2011 déjà, l’administration Obama avait menacé de ne pas remplacer un juge. La posture n’a fait que se durcir.

Règles à adapter

Les Américains ont certainement raison sur un point: les règles en vigueur lors de l’avènement de l’OMC, en 1994, doivent être adaptées aux réalités du XXIe siècle. Les distorsions concurrentielles nées de situations politico-économiques divergentes (libre marché ou économie dirigiste) se sont accrues, la rapidité des échanges aussi, la numérisation et la dématérialisation ont changé les équilibres. La question reste entière de savoir qui veut vraiment d’un système indépendant qui fonctionne. La Suisse, elle, est prête à apporter sa contribution. Elle fait partie d’un groupe de 60 pays qui veulent réformer le système pour le renforcer.

Pour l’instant, ce contexte de guerre douanière à géométrie variable (la Chine constamment, mais soudain la France, puis le Brésil et l’Argentine sont pénalisés), où les taxes sur les produits et services sont le bras armé d’une politique protectionniste censée favoriser les intérêts d’une industrie, d’une agriculture ou d’une économie nationale au détriment des autres, a un effet profond sur le climat économique global. À des mesures et des prévisions de croissance en baisse – récemment encore, le FMI – s’ajoutent l’incertitude et l’imprévisibilité, ces ennemies des entreprises. Et à long terme, personne n’est gagnant, pas même le paysan de l’Ohio ou l’ouvrier de Pennsylvanie. La guerre, même commerciale, fait toujours des victimes, et dans chaque camp.

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Les personnes physiques, parents pauvres de la fiscalité vaudoise

L’imposition cantonale des individus est la plus élevée du pays pour presque tous les niveaux de revenus! Une publication de la CVCI pointe du doigt ce problème. Une baisse est indispensable pour assurer le développement de notre tissu économique, mais aussi pour attirer davantage de talents.  

On loue à juste titre la position enviable qu’occupe l’innovation vaudoise dans les classements internationaux. Il est hélas un domaine où notre canton ferait bien d’innover: celui de l’imposition des personnes physiques! La Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), dans la 5e édition de sa publication «Pour une fiscalité vaudoise compétitive – Étude comparative et priorités 2020», met en perspective la situation du canton au niveau suisse et international. Le constat est sans appel: les Vaudois occupent le haut du tableau des contribuables les plus ponctionnés de la Confédération. Même les familles à revenu moyen sont impactées, en dépit du quotient familial. Selon notre étude, l’augmentation du revenu n’améliore en rien la situation, en raison du blocage prévu pour ce même quotient.

Il y a vingt ans, la fiscalité des personnes physique avait été réformée pour permettre au Canton d’éponger sa dette colossale. Depuis lors, les finances ont été redressées au point que l’Etat ne cesse d’aligner les exercices positifs. La dette, quant à elle, a été presque réduite à néant. Les particuliers ont donné: il est grand temps de revoir cette imposition à la baisse, de façon à s’aligner sur celle des autres cantons. Améliorer la fiscalité cantonale pour les familles et les personnes seules permettrait de pérenniser le développement de notre tissu économique, mais aussi d’attirer davantage de talents. Et n’oublions pas les entrepreneurs innovants, prêts à lancer leur société.

Impact négatif sur l’économie

Si l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs, notre étude montre toutefois que le canton de Zurich est fiscalement plus attractif que le nôtre, malgré des investissements comparables en matière culturelle, universitaire et urbanistique. Il pratique des taux analogues à ceux du canton de Vaud, mais toujours à un niveau inférieur. Le degré élevé de l’impôt vaudois sur la fortune achève d’assombrir ce tableau. Il fait grimper l’imposition totale des personnes physique à plus de 70% du revenu de certains contribuables. Ce taux frappe d’ailleurs souvent les détenteurs d’entreprise, dont les actions font partie de la fortune personnelle. L’impact sur l’économie est hélas patent, car certains contribuables fuient vers des horizons fiscaux plus cléments.

Il est grand temps que nos édiles prennent conscience de l’impact de l’imposition afin de mettre en place des réformes adaptées. Il faut aller au-delà des «mesurettes» accordant des déductions à telle ou telle catégorie de contribuables. Pour répondre aux défis qui se profilent, la mise en place d’une fiscalité des personnes physiques plus équilibrée est indispensable. Sans cela, il sera impossible d’assurer la substance fiscale nécessaire, notamment, au financement d’une politique sociale qui a pris une ampleur déraisonnable.

Prendre ce chantier à bras-le-corps demande de l’engagement et du courage. La prospérité du canton et le dynamisme de son tissu économique sont à ce prix.

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