Le modèle suisse a encore de l’avenir

Notre enquête conjoncturelle de printemps montre que l’économie vaudoise résiste relativement bien malgré la pandémie. Mais que va-t-il se passer lorsque les aides étatiques vont prendre fin? Conserver et entretenir de bonnes conditions-cadres sera l’une des clés pour rebondir.

Nul besoin d’être grand clerc pour l’imaginer: l’année 2020 a été difficile pour les entreprises vaudoises, comme le montrent les résultats de notre enquête conjoncturelle de printemps, qui vient d’être publiée. La pandémie a lourdement pesé sur la marche des affaires pour plus de la moitié d’entre elles, comme l’illustre notamment l’évolution générale des chiffres d’affaires et bénéfices. Bien que la grande majorité des sociétés sondées ne prévoie pas de réduction d’effectifs, seul un quart d’entre elles s’attend à une situation bénéficiaire en progression cette année.

La présentation de ces résultats montre que malgré la soudaineté, la dureté et la durée de la crise pandémique, l’économie vaudoise résiste relativement bien. Mais que va-t-il se passer lorsque les aides étatiques vont se terminer? C’est bien là que se situe l’enjeu majeur pour notre économie. La plupart des pays, Etats-Unis et Union européenne en tête, mettent en place des programmes d’aides massives, notamment de relance industrielle, sans considération du poids de la dette qui en découlera sur les générations futures. Ce n’est pas une manière de procéder usuelle dans une économie typiquement libérale comme la nôtre.

Une voie qui a fait ses preuves

La prospérité de notre pays s’est construite sur des conditions-cadres performantes et favorables pour les entreprises. Poursuivre dans cette voie me paraît opportun. Les pistes d’un rebond futur ont pour noms diversification de nos échanges et promotion de la numérisation. Il s’agira notamment d’investir dans le développement durable à travers la technologie, afin que la Suisse devienne leader dans le domaine. Une piste que le Fonds pour le climat prévu par la loi sur le CO2 exploiterait judicieusement, d’ailleurs. Avec son tissu économique innovant et ses Hautes écoles de premier plan, notre pays dispose d’un potentiel prometteur.

Dans une longue interview publiée par «Le Temps» samedi dernier, Gerhard Schwarz, président du laboratoire d’idées Progress Foundation, ne dit pas autre chose. Il est d’avis que la Suisse conserve d’excellentes perspectives malgré la pandémie. Pour lui, nos particularismes politiques ne sont pas des obstacles à sa prospérité, mais l’une des meilleures raisons. C’est la thèse qu’il défend dans son ouvrage «Die Schweiz hat Zukunft». «La Suisse est un modèle qui ne fonctionne pas uniquement par beau temps», écrit-il. Plus loin, il affirme que «la Suisse n’est pas en déclin. Elle n’est pas entièrement conservatrice. Elle avance et se réforme par petites touches. Le modèle suisse est promis à un bel avenir. Aucun autre pays n’accueille autant de multinationales, relativement à sa population.» Il est vrai que si la diversité de notre tissu économique est un atout majeur, les entreprises internationales sont l’un des piliers de notre réussite, ce que l’on l’oublie trop souvent.

Pour l’auteur, enfin, les conditions-cadres restent un formidable atout à conserver et entretenir.» On ne saurait mieux dire.

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Les acteurs économiques en sauveurs de l’accord-cadre

Les atermoiements du Conseil fédéral sur l’accord institutionnel menacent l’avenir de nos relations avec notre principal partenaire commercial. La mobilisation de la société civile, économie en tête, sera décisive pour convaincre la population de pérenniser la voie bilatérale.

Le mauvais ballet diplomatique que le Conseil fédéral joue depuis trop longtemps avec l’Union européenne sur l’air de l’accord-cadre a de quoi laisser pantois. Le récent voyage entrepris par le président de la Confédération, Guy Parmelin, à Bruxelles n’en constitue hélas qu’un acte supplémentaire. Car voilà des années que l’accord institutionnel, censé consolider la voie bilatérale avec l’Union européenne, est traité par Berne avec un souverain mépris, pour ne pas dire un mépris du souverain. Ainsi donc, l’accord serait devenu d’un coup «déséquilibré»? Voilà qui n’est guère sérieux.

Après cette énième pantalonnade, la Commission de politique extérieure du Conseil national (CPE-N) a demandé fermement au gouvernement, lundi, de poursuivre les négociations et de se montrer créatif concernant les trois points qui achoppent encore, à savoir les aides d’Etat, la libre circulation des personnes et le niveau de salaires des travailleurs détachés. Ce coup de gueule parlementaire fait du bien et montre que les partis, même s’ils paraissaient avoir renoncé à conclure un tel accord, prennent la mesure de son importance pour l’avenir de nos relations avec notre principal partenaire commercial. Ce ne sont pas les medtechs, suspendues à la réactualisation du règlement sur les dispositifs médicaux d’ici au 26 mai, qui diront le contraire.

Les cantons entrent en jeu

A cette foucade bienvenue s’ajoute l’adoption, par cette même CPE-N, d’une motion du Conseil des États demandant que le parlement, le peuple et les cantons soient consultés lors de la mise en œuvre éventuelle de l’accord institutionnel avec l’Union européenne, comme le relate «24 heures» de ce mercredi. Ces mêmes cantons ont par ailleurs demandé à être officiellement consultés sur le sujet et à obtenir des informations supplémentaires sur l’état actuel du dossier. Porte-parole du Conseil fédéral, André Simonazzi a confirmé la chose cette semaine, sans donner plus de précisions.

Ce frémissement ravive l’espoir de voir l’accord-cadre sortir des limbes dans lesquelles il se trouve. A ce stade, il paraît pourtant clair que le collège gouvernemental, vu les dissensions qui règnent en son sein, aura bien de la peine à jouer les porte-drapeaux de cette cause, tant il a perdu de crédibilité. Depuis des mois, ce sont bel et bien les milieux économiques, ainsi que le monde de l’éducation et de l’innovation, qui défendent avec conviction cet accord. Pour d’excellente raisons qui ont pour nom continuité et prospérité. Ces messages, acceptons-en l’augure, vont bien finir par convaincre une majorité des vertus d’une voie bilatérale consolidée.

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Vers une voie bilatérale de garage?

L’accord-cadre avec l’UE rassemble malheureusement toute la politique bernoise sur le même chemin, celui du cul-de-sac. Car les avis négatifs s’accumulent. Qui en raison des mesures d’accompagnements et de la protection des salaires (syndicats), qui en raison du système d’arbitrage (PDC), des aides d’Etat (cantons) ou encore de la directive de citoyenneté (certains PLR), sans compter les anti UE et libre circulation (UDC)… n’en jetez plus!

Sept ans de travaux avec l’Union européenne, plusieurs changements de super diplomates après, les voix d’abord dissonantes se sont toutes mises à l’unisson au gré des mois, Covid aidant, « contre l’accord ». Aujourd’hui, le temps de pause est terminé, le Conseil fédéral va décider qui il envoie à Bruxelles pour, petit « a », remettre le dossier sur les rails, petit « b », se faire renvoyer à ses études ou, petit « c », trouver le meilleur plan B. Pendant tout ce temps perdu, il apparaît que le politique n’a pas vraiment écouté ceux qui utilisent au quotidien les accords bilatéraux et qui savent d’où provient la richesse de la Suisse : les acteurs économiques.

Pour notre économie, s’accorder avec l’UE est crucial

Face à tant de critiques et de juridisme étroit, la société civile et économique se manifeste pour rappeler l’essentiel sur les sources de notre prospérité et de nos emplois. Le directeur de l’EPFL, Martin Vetterli, met par exemple en garde contre un éventuel échec des négociations. L’objet est évidemment d’une importance capitale pour la recherche en Suisse. On pourrait parler de la problématique de l’Accord de reconnaissance mutuelle (ARM) qui arrive à échéance fin mai, mettant sous tension le milieu de la Medtech. Ou encore du domaine de l’électricité, dans l’attente de négociation, qui se verrait privé d’accès au marché européen. Faute d’accord-cadre, et donc d’adaptation à l’évolution du droit communautaire, non seulement les accords actuels tomberaient en désuétude à moyen terme, mais la Suisse pourrait être reléguée au rang d’Etat tiers. Une réalité préjudiciable à notre industrie d’exportation notamment, d’autant plus au sortir de la crise Covid.

Aujourd’hui, ce sont les faîtières économiques qui proposent des solutions pour sauver la mise aux politiques adeptes de la pensée magique. Au nom de « progrès suisse », des entrepreneurs et l’économie tentent de ramener les négociations sur le droit chemin. Même le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, estime qu’il serait préférable que la Suisse et l’UE sortent de l’impasse, dans une interview à la NZZ. Car l’option d’adapter l’accord de libre-échange conclu en 1972 avec la CEE d’alors, comme certains politiques l’évoquent, ne convainc pas l’économie. Et pour cause : les indicateurs économiques de la Grande-Bretagne post-Brexit semblent ne pas être au beau fixe. En effet, les exportations britanniques ont reculé en janvier de 19% en général, et celles destinées à l’UE de 40%… Au juridisme étroit bernois, ces chiffres rappellent qu’un peu de pragmatisme de terrain pourrait nous éviter une voie bilatérale de garage.

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Revoir nos pratiques face aux hics de la logistique

La pandémie de Covid-19 et le récent blocage du Canal de Suez par un cargo ont rappelé la fragilité des chaînes d’approvisionnements. Privilégier les circuits courts est certes souhaitable, mais l’ouverture sur le monde et les échanges demeurent essentiels.

Les images d’un cargo bloquant pendant plusieurs jours le canal de Suez et paralysant une partie du commerce mondial ont fait le tour du monde ces derniers jours. Elles ont permis de rappeler à quel point les chaînes d’approvisionnement demeuraient fragiles aux moindres soubresauts internationaux, qu’ils soient d’ordre technique ou géopolitique. Avant cet épisode nautique, la pandémie de coronavirus nous l’a aussi montré dans toute son ampleur.

Ces événements, qu’ils soient ponctuels ou inscrits dans une certaine durée, sont l’occasion de redire que la complexité des produits mis sur le marché aujourd’hui nécessite des composants venant de plusieurs pays, comme c’est par exemple le cas pour les vaccins. Dans ce contexte, il est bien sûr tentant de privilégier des circuits courts, de disposer de fournisseurs plus proches pour éviter de faire venir des substances de Chine ou d’ailleurs ou de subir les aléas d’un bateau bloqué sur un axe maritime stratégique. Tout cela paraît pourtant bien théorique pour un pays comme le nôtre, qui ne dispose pas de matières premières, et qui dépend de ce fait largement d’importations.

Conception à repenser

La crise sanitaire et économique que nous subissons actuellement a fait émerger une autre problématique sur le devant de la scène commerciale: l’essor continu de la production à flux tendu. Depuis des années, nombre d’entreprises ont modifié leur modèle d’affaires en abandonnant l’idée d’avoir des stocks, ce qui coûte argent et espace, pour privilégier la production en fonction des besoins. Cette approche nécessite une coordination parfaite entre les différents acteurs de la logistique, de la production et de la vente. A la lumière de la pandémie et de ses conséquences sur ce que les Anglo-Saxons appellent la «supply chain», ce n’est peut-être plus la meilleure solution à envisager.

Mon propos ne consiste évidemment pas à remettre en cause «le système». La Suisse aura toujours besoin de partenaires extérieurs, de rester ouverte sur le monde. Les échanges, il n’est pas inutile de le rappeler, ont largement contribué à accroître sa prospérité. Mais le temps est peut-être venu de repenser, du moins en partie, notre conception de la chaîne d’approvisionnement, tout en gardant à l’esprit que ces adaptations auront inévitablement des répercussions sur le coût des produits.

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Les accords bilatéraux ne tiennent qu’à un fil

Les tergiversations du Conseil fédéral autour de l’accord institutionnel avec l’Union européenne (UE) pourraient sonner le glas des bilatérales. Déjà durement impactée par la pandémie, l’économie se passerait volontiers de cette sombre perspective.

«Il faut que la Suisse se réveille.» Le constat de Philipp Hildebrand, dans les colonnes du «Temps», sonne comme un sérieux avertissement. Vice-président du fonds d’investissement BlackRock et candidat malheureux au poste de secrétaire général de l’OCDE, le banquier bernois assiste avec dépit à la perte d’influence de notre pays sur la scène internationale. Il explique d’ailleurs son retrait de la course à l’OCDE par le manque de soutien provenant des membres de l’Union européenne. «Si l’accord-cadre entre la Suisse et l’UE n’est pas signé, la situation va s’aggraver», prophétise-t-il.

Ce sombre tableau n’a hélas rien d’une vue de l’esprit. Voilà des mois, pour ne pas dire des années, que le Conseil fédéral tergiverse à propos de l’accord institutionnel, qui doit permettre de consolider nos relations économiques avec notre premier partenaire commercial. Il s’est montré incapable de fédérer autour d’un texte qui, faute d’un large soutien, risque de finir dans les poubelles de l’histoire pourtant riche de nos relations avec notre grand voisin européen. Le conseiller fédéral, Ignazio Cassis, a eu beau répéter lundi devant les caméras que les discussions avec Bruxelles se poursuivaient, l’espoir de parvenir à une entente paraît ténu, d’autant que les partis politiques semblent eux aussi résignés. Ce qui est certain, c’est que les conséquences d’un abandon seraient lourdes et immédiates pour l’économie suisse.

Les sociétés œuvrant dans le domaine des technologies médicales seraient les premières à être pénalisées, car sans accord-cadre, l’accord de reconnaissance mutuelle entre la Suisse et l’UE viendra à échéance le 26 mai prochain. Passé ce délai, nos medtech devront recourir à des représentants présents sur le marché européen, une contrainte qui occasionnera des coûts estimés à près de 100 millions de francs. Des sommes qui seraient plus utiles si elles étaient investies dans le recherche. Un sujet diffusé lundi sur la RTS en détaille les enjeux.

La Suisse reléguée au rang d’Etat tiers

Au-delà du cas particulier des medtech, une renonciation à l’accord institutionnel aurait des conséquences dramatiques pour l’ensemble de notre économie, puisqu’elle signifierait à terme la mort des bilatérales. Peu à peu, les accords tomberaient, faute d’être adaptés à l’évolution du droit communautaire. La Suisse se verrait ainsi graduellement reléguée au rang peu enviable d’Etat tiers. Pour un pays comme le nôtre, dont 51% des exportations sont destinées à l’UE, ce serait assurément un coup de massue qui entraînerait un lent déclin de notre industrie d’exportation.

Sans ce cadre institutionnel, par ailleurs, les milieux scientifiques suisses assisteraient depuis le dernier rang de l’auditoire à la mise en place du programme Horizon Europe 2021-2027, le plus important programme international de recherche et d’innovation du monde. En outre, faute d’accord dans le domaine de l’électricité, notre pays n’aurait pas accès au marché européen, ce qui pénaliserait les milieux concernés. En résumé, en l’absence d’accord-cadre, il ne nous resterait plus qu’à adapter l’accord de libre-échange conclu en 1972 avec la CEE d’alors, comme l’a fait la Grande-Bretagne au lendemain du Brexit. Bonjour les tracasseries douanières et, accessoirement, adieu la libre-circulation des personnes. Est-ce vraiment ce que nous voulons? Le Conseil fédéral est-il capable d’un ultime sursaut pour sauver ce qui peut encore l’être? C’est vraiment le dernier moment!

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Des opportunités pour l’industrie d’exportation

L’accord de libre-échange avec l’Indonésie offrirait de nouvelles perspectives à notre économie. Les PME, en particulier, pourraient profiter de simplifications administratives bienvenues pour accéder à ce vaste marché prometteur.

La votation fédérale du 7 mars prochain sur le partenariat économique de large portée entre les États de l’AELE et l’Indonésie s’est cristallisée, si j’ose dire, sur l’huile de palme. Or, ce volet, dont les standards écologiques et sociaux sont bien réglés, ne constitue qu’une goutte d’eau dans l’accord, la Suisse n’important que 0,0001% de l’huile de palme totale exportée par l’Indonésie. L’essentiel est donc ailleurs.

Ce partenariat constitue une réelle opportunité pour notre industrie d’exportation. Il améliorerait notamment l’accès aux marchés et la sécurité juridique pour le commerce des marchandises et des services. Ainsi, 78% des exportations suisses vers l’Indonésie bénéficieraient de la franchise douanière dès l’entrée en vigueur du texte, et le taux grimperait à 98% au bout de douze ans. L’accord comprend également des dispositions sur les investissements, la protection de la propriété intellectuelle, la réduction des obstacles non tarifaires au commerce, y compris les mesures sanitaires et phytosanitaires, la concurrence, la facilitation des échanges, le commerce et le développement durable et la coopération économique.

Des débouchés pour les PME

Les grandes entreprises ne seraient pas les seules à profiter de cet accord. Les PME, elles aussi, bénéficieraient de nouvelles opportunités. Elles disposent généralement de ressources plus limitées pour surmonter les barrières commerciales ou pour produire leurs biens sur place. C’est pourquoi les simplifications administratives dans le commerce international leur sont particulièrement utiles. On peut faire confiance à nos PME innovantes pour trouver des débouchés dans un si grand marché, qui représente plus de 260 millions d’habitants.

Aujourd’hui, les exportations suisses de marchandises vers l’Indonésie se composent principalement de produits de l’industrie chimique et pharmaceutique (40%), de machines, d’appareils et d’électronique (36%), d’instruments de précision, de montres et de bijoux (8%) et de métaux (6%). Au total, la valeur de ces exportations atteignait en 2019 près de 490 millions de francs suisses. Environ 150 entreprises suisses sont actuellement présentes en Indonésie et y emploient environ 50’000 personnes.

Des réformes économiques profondes ont été lancées dans ce vaste pays pour soutenir le développement économique, augmenter le pouvoir d’achat des Indonésiens et favoriser les investissements étrangers. Les besoins sont grands dans le domaine des infrastructures, des énergies renouvelables, du système éducatif ou de la réduction de la bureaucratie, soit autant de domaines dans lesquels les sociétés suisses peuvent apporter une contribution et une expertise précieuses. Par ailleurs, cet accord assurerait à nos entreprises, grandes et petites, de substantiels avantages par rapport à leurs concurrentes de l’UE et des Etats-Unis, qui ne disposent toujours pas d’accord économique avec ce partenaire.

Toutes ces raisons conduisent à glisser un grand oui dans les urnes le 7 mars prochain.

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Il faut un plan pour sortir rapidement du confinement

Des entreprises fragilisées, des restaurateurs à bout de nerfs, des étudiants déprimés, des écoliers inquiets, des patients hors-Covid négligés: la politique sanitaire du Conseil fédéral est illisible pour la population. Il doit donner des perspectives, et vite!

Il aura fallu une énième communication sibylline du Conseil fédéral sur les perspectives économiques pour que l’évidence se confirme la semaine dernière: nos autorités naviguent à vue au milieu de cette pandémie. Le gouvernement doit sérieusement songer aux conséquences des restrictions qu’il a décidées pour l’économie. Il doit élaborer un plan solide permettant de lever ces dernières au plus vite pour redonner des perspectives aux entreprises et à la société en général.

Car la grogne monte chez nos concitoyens. La pétition «Stop Lockdown», lancée en ligne il y a trois semaines par des jeunes de partis bourgeois, a déjà recueilli plus de 160 000 paraphes virtuels. Elle demande que le Conseil fédéral mette fin à la fermeture des restaurants et des magasins et privilégie la protection des patients à risque. La liste des groupes de population durement touchés par les errances fédérales est longue: les restaurateurs craignent des faillites en masse, les commerçants aux activités dites non essentielles crient à l’injustice, les étudiants sont démotivés par les cours en visioconférence et accablés par la solitude, alors que les malades nécessitant une opération sont souvent renvoyés chez eux faute de place dans les hôpitaux. A cela s’ajoutent des dégâts psychologiques en forte hausse et, corollaire, des psys débordés.

Clés connues

Les clés permettant un retour rapide à la normale sont pourtant connues: elles ont pour nom vaccination et tests intensifs. C’est pourquoi il importe à présent d’élaborer un plan solide permettant de vacciner rapidement le plus grand nombre de personnes. En outre, la Berne fédérale ne peut continuer à se cacher derrière des chiffres de contamination dont les critères semblent muter plus souvent que le virus lui-même. Changer de méthode de calcul en douce n’est pas sérieux.

Les autorités donnent clairement l’impression de céder un peu trop facilement devant les injonctions des experts de la santé. La nécessaire pesée d’intérêt dont elles se gargarisent penche invariablement du côté des seconds. La prolongation du semi-confinement qui semble hélas poindre à l’horizon risque d’accélérer des dommages économiques déjà immenses. Le maintien de la fermeture des magasins et des restaurants fait désormais craindre que la consommation privée, qui représente la moitié environ de la production économique, s’effondre.

Gouverner c’est prévoir, dit-on.  De ce point de vue, le Conseil fédéral a failli. Mais qu’il gouverne au moins! Le rôle des pouvoirs publics consiste à prendre des décisions en procédant à une réelle pesée d’intérêts. Foin d’atermoiements: le bon sens commande aujourd’hui de donner des perspectives en planifiant un déconfinement rapide, dans le respect strict des mesures sanitaires. L’économie en général, et les restaurateurs en particulier, ont investi des sommes considérables pour établir des plans de protection efficaces. Qu’on les laisse donc travailler!

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Les entreprises sont aussi disposées à vacciner

Un sondage réalisé par la CVCI auprès de ses membres montre que l’économie vaudoise est prête à participer à l’effort vaccinal en cours contre le Covid-19. Près de 70 entreprises se disent d’ores et déjà disposées à organiser la vaccination dans leurs locaux.

C’est l’une des rares certitudes dont nous disposons dans le contexte pandémique actuel: la vaccination à large échelle de la population contre le Covid-19 permettra de tendre vers l’immunité collective, seule capable de ramener l’indispensable confiance dont la société et les milieux économiques ont tant besoin. Dans ce contexte, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) a réalisé la semaine dernière un sondage auprès de ses entreprises membres comptant plus de 100 collaborateurs. Le but était d’identifier lesquelles seraient prêtes à vacciner leur personnel. Le résultat est probant: près de 70 d’entre elles affirment d’ores et déjà être disposées à organiser la vaccination dans leurs locaux, ce qui concerne près de 28’000 employés au total. Une quarantaine d’entre elles mettent déjà en place des programmes de vaccination contre la grippe.

Collaboration utile

La démarche volontariste de ces entreprises démontre l’importance d’une collaboration entre les secteurs public et privé pour permettre une accélération du programme vaccinal du Canton. Sur la base de ces résultats, la CVCI va poursuivre ses échanges avec le Conseil d’Etat vaudois afin d’offrir une capacité supplémentaire dans le domaine de la vaccination.

Ces perspectives et ces efforts ne doivent pas occulter le rôle central que doivent jouer les autorités dans ce véritable contre-la-montre sanitaire. A ce jour, seul 2% de la population a été vacciné, selon les derniers chiffres de la Confédération. Le Conseil fédéral et les cantons doivent améliorer considérablement la gestion de la vaccination. Les organisations économiques, dont la CVCI, attendent la mise sur pied rapide d’un plan vaccinal coordonné au niveau national. Un tel plan devrait comprendre, entre autres, des objectifs clairs concernant le nombre de vaccinations à effectuer, la mise à disposition des capacités appropriées et des statistiques quotidiennes sur les infections et le taux d’occupation des hôpitaux à l’échelle du pays.

Nouvelles aides bienvenues

Même si les contrôles et les tests doivent être renforcés aux frontières, il faut absolument que celles-ci demeurent ouvertes. Le commerce international ne doit pas être entravé exagérément. Les voyages d’affaires sont vitaux pour les entreprises dans certaines régions. L’économie et la société dépendent par ailleurs des frontaliers travaillant en particulier dans le secteur de la santé. Je me félicite que le Conseil fédéral, à l’issue de sa séance d’aujourd’hui, ait renoncé à un durcissement des mesures à la frontière.

Le semi-confinement touche durement une économie déjà affaiblie. Avec la fermeture des restaurants et de certains magasins, on doit désormais redouter un effondrement de la consommation privée, qui représente la moitié du produit intérieur brut. Dans ce contexte, je salue l’augmentation des ressources du programme pour les cas de rigueur et le renforcement de l’assurance-chômage décidé ce matin par le gouvernement. C’est bel et bien en unissant nos forces que nous parviendrons à sortir de cette terrible crise qui, si elle devait durer, porterait un coup extrêmement dommageable à notre économie.

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Le libre-échange prend encore plus de sens en temps de crise

La conclusion d’un partenariat économique avec l’Indonésie figure au menu des votations fédérales de mars prochain. Cet accord constitue à la fois une bouffée d’oxygène pour nos entreprises et un pas dans la bonne direction pour un commerce plus durable.

Une accolade entre un ours brun et un tigre: l’image choisie par les partisans de l’accord de libre-échange entre l’AELE, dont la Suisse fait partie, et l’Indonésie illustre bien l’esprit de ce partenariat économique sur lequel le peuple s’exprimera le 7 mars prochain. Signé à Jakarta en décembre 2018 et approuvé par les Chambres fédérales dans la foulée, il constitue une bouffée d’oxygène bienvenue pour les économies des pays concernés. Ce géant du Sud-Est asiatique représente un marché prometteur dans lequel nos entreprises pourront proposer leurs produits dans un contexte douanier allégé. Selon l’administration fédérale, l’industrie des machines pourrait économiser environ 25 millions de francs par an. En pleine période de crise, c’est loin d’être négligeable.

Ces perspectives réjouissantes ont été – provisoirement – remises à plus tard en raison d’un référendum lancé par les milieux écologistes et quelques ONG au motif que la culture de l’huile de palme cause une déforestation massive et met en danger certaines espèces animales. Et concurrence, au surplus, de manière déloyale notre production d’oléagineux, comme le colza et le tournesol. Notre pays a pris en compte ces reproches en négociant un volet novateur sur le développement durable, qui implique des engagements contraignants permettant de protéger les plantations et forêts indonésiennes, ainsi que ceux qui y travaillent. Autant d’engagements que l’Indonésie n’avait pris jusqu’ici avec aucun autre partenaire commercial.

L’accord comprend en outre des dispositions sur les investissements, la protection de la propriété intellectuelle, la réduction des obstacles non tarifaires au commerce, y compris les mesures sanitaires et phytosanitaires, la concurrence, la facilitation des échanges, le commerce et le développement durable, et la coopération économique. Ce partenariat confère en outre un précieux avantage à notre industrie d’exportation sur la concurrence européenne, qui n’a pas encore conclu un tel accord.

Notre pays a par ailleurs pris soin de ménager la production indigène d’oléagineux. L’Indonésie bénéficiera ainsi de contingents partiels avec des rabais de 20 à 40%. Un mécanisme de sauvegarde est également prévu au cas où les importations indonésiennes devaient malgré tout mettre le marché sous pression.

Potentiel de croissance important

La Suisse a mis en place les garde-fous nécessaires qui garantissent l’aspect durable de ce partenariat inédit. Dans ce contexte, le peuple peut adopter cet accord sans crainte, d’autant que l’Indonésie, avec plus de 260 millions d’habitants, offre des perspectives très intéressantes à notre industrie d’exportation. Le volume des échanges commerciaux entre la Suisse et cet immense pays, qui atteint aujourd’hui quelque 1,4 milliard de francs, présente un important potentiel de croissance.

Cet accord confirme enfin l’importance du libre-échange, a fortiori à une époque où le protectionnisme resurgit de manière inquiétante aux quatre coins de la planète. L’ouverture vers de nouveaux marchés est l’un des facteurs indispensables pour relancer notre économie durement touchée par les effets de la crise sanitaire. Dire oui à l’Accord de partenariat économique entre les Etats de l’AELE et l’Indonésie relève ainsi de l’évidence.

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S’adapter à un environnement complexe pour mieux rebondir

En pleine pandémie, les jeunes éprouvent de grandes difficultés à se projeter dans la vie professionnelle. Face à des perspectives floues, ils doivent absolument rester actifs pour ne pas être déconnectés. Quand l’économie redémarrera, ils seront les premiers à être engagés.

La crise du coronavirus affecte sévèrement le monde professionnel, et n’épargne guère les jeunes de 18 à 25 ans. Ces derniers sont touchés de plein fouet par les conséquences de cette pandémie. Entre un marché du travail qui s’est brutalement refermé, des cours à distance compliqués à suivre et la diminution drastique des petits boulots, leurs perspectives se sont notablement assombries.

Les entreprises, durement touchées elles aussi, ne sont pour la plupart pas en mesure d’engager des jeunes actuellement. L’urgence consiste pour elles à survivre à la crise et à conserver leur main-d’œuvre. Intégrer des jeunes dans le marché du travail reste ainsi une préoccupation à moyen terme. A ce propos, les entreprises qui passent la crise sans trop de difficulté doivent songer à s’investir davantage dans la formation afin de garantir des compétences à l’avenir. L’appel est lancé.

Lorsque l’économie redémarrera pleinement, les sociétés auront besoin de ces aptitudes, a fortiori à un moment où les baby-boomers s’apprêtent à quitter massivement le monde du travail. Aussi il est crucial que les jeunes maintiennent une activité si nous ne voulons pas nous retrouver face à un manque de main-d’œuvre qualifiée dans quelques années. Les crises passées ont montré que les jeunes profitent, dans une mesure supérieure à la moyenne, des phases de reprise économique.

Une bonne nouvelle à signaler dans le marasme ambiant: les aides vaudoises en faveur de l’apprentissage, à savoir 16 millions issus du fonds de lutte contre le chômage, ont permis une hausse de 1,3% du nombre d’apprentis en 2020. Il reste que former ces jeunes gens à l’heure du télétravail n’est guère évident. Un apprenant ne peut acquérir ni le métier ni la culture de l’entreprise depuis son domicile. A la CVCI, nous avons instauré un tournus en présentiel pour nos trois apprentis afin de pouvoir continuer à les former au mieux.

Entretenir sa soif d’apprendre

Les étudiants des Hautes écoles entrevoient pour leur part un horizon professionnel bouché. Dans l’attente d’un vrai redémarrage de l’économie, cette génération doit se montrer inventive et entretenir sa soif d’apprendre. Des solutions existent, comme reprendre ou poursuivre des études, suivre un stage pour acquérir de nouvelles compétences, se perfectionner ou, pourquoi pas, se réorienter. Les jeunes doivent prendre conscience qu’ils changeront plusieurs fois de métier au cours de leur carrière. Il leur faudra donc d’adapter à un monde professionnel en perpétuelle mutation, où la digitalisation prendra toujours plus d’importance.

En ce sens, la pandémie actuelle stimule l’inventivité et la faculté à s’adapter à un environnement complexe. L’expérience montre qu’une formation professionnelle solide a une incidence directe sur la santé de l’économie. De nombreuses études l’attestent. Aussi dure qu’elle soit, cette crise pourrait ainsi révéler des opportunités insoupçonnées à celles et ceux qui sauront les saisir. Pour mieux rebondir.

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