Les directions des entreprises se féminisent

La part des femmes dans les sphères dirigeantes des grandes entreprises suisses cotées en bourse est passée de 13 à 19% l’an dernier. Notre pays peut faire encore mieux, sachant que plus de 90% de ces nouvelles cadres supérieures sont des talents provenant des quatre coins du monde.    

L’an dernier, la part des femmes est passée de 13 à 19% dans les directions des entreprises du SMI, qui regroupe les vingt principales valeurs du marché suisse cotées à la Bourse suisse. C’est ce qu’indique une étude du cabinet de recrutement Russell Reynolds Associates. Cette augmentation de six points de pourcentage s’explique par le fait que l’année dernière, 39% des cadres supérieurs nouvellement nommés au sein des entreprises du SMI étaient des femmes. En comparaison internationale, la Suisse a fortement rattrapé son retard et se situe juste derrière l’Allemagne, mais devant les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie. 

 «Il apparaît depuis quelques années que le thème de la diversité jouit d’une priorité élevée dans les entreprises cotées en bourse en Suisse, explique l’auteur de l’étude. Les conseils d’administration et les directions prennent des mesures pour augmenter la proportion de femmes dans les organes de direction. On le constate notamment au fait que l’année dernière, quatre des dix nouvelles nominations étaient des femmes. Cette tendance positive devrait se poursuivre, étant donné que dans neuf ans, le seuil légal de représentation des sexes entrera en vigueur.» Aux premiers rangs des entreprises du SMI, on trouve Partners Group, avec une part de femmes de 38%, Zurich Insurance (36%) et Holcim (30%). 

Internationalisation marquée 

Cette étude nous apprend aussi que les directions des entreprises suisses se sont encore plus largement internationalisées au cours des douze derniers mois. Le magazine «Bilan» relevait en novembre dernier qu’au cours de ces vingt-cinq dernières années, le visage des conseils d’administration des plus grosses sociétés cotées à la Bourse suisse avait profondément changé: «Alors que la part des ressortissants helvétiques approchait les 90% avant le début du nouveau millénaire, elle n’est plus aujourd’hui que de 44% dans les 17 sociétés* du SMI (l’indice des valeurs vedettes en comprend 20)…» 

Pour ce qui concerne les quatorze femmes nouvellement nommées en 2021, une possède la double nationalité suisse et américaine, six sont Américaines, trois viennent de Grande-Bretagne, deux de France, une d’Allemagne et une d’Italie. En d’autres termes, 92% des nouvelles cadres supérieures proviennent de l’étranger. C’est réjouissant dans la mesure où cela montre que notre pays continue d’attirer des talents d’horizons divers, dont l’économie a évidemment besoin. 

Si je salue cet accroissement, il reste encore du chemin à parcourir pour que les femmes cadres de notre pays puissent accéder à des postes dirigeants afin de briser le fameux «plafond de verre». A mon avis, ce n’est ni en instituant des quotas ni des obligations légales supplémentaires que les choses vont évoluer, mais c’est bel et bien par la formation, une fiscalité supportable qui ne décourage pas les couples de travailler, la flexibilisation du travail et des structures d’accueil que les femmes pourront progresser hiérarchiquement au sein des entreprises. 

Leur accession à des fauteuils directoriaux est d’autant plus souhaitable qu’elles disposeront sous peu d’une opportunité de promotion: le monde du travail va, à terme, manquer de personnel en raison du départ programmé à la retraite des baby-boomers, dont un nombre élevé d’hommes occupant des fonctions dirigeantes. C’est donc une évidence: l’économie va avoir besoin des femmes dans un avenir proche, et cela à tous les degrés de la hiérarchie.   

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Le télétravail transfrontalier n’est pas sans obstacles

Le home office, dopé par la pandémie, concerne également les travailleurs frontaliers avec, à la clé, des conséquences sociales et fiscales importantes pour les partenaires sociaux. La fin du « régime d’exception» approchant, de nombreuses difficultés surgissent.

Le bout du tunnel pandémique se profile à en croire les experts. Ce retour à une certaine normalité, sous réserve d’un soubresaut du capricieux Covid, va produire un certain nombre d’effets sur le télétravail, en particulier pour ce qui concerne celui des frontaliers. Le canton de Vaud, qui en occupe plus de 34’000, vivra prochainement la fin du «régime d’exception» qui a prévalu dès les débuts de la crise sanitaire. Pendant cette situation exceptionnelle, la Suisse et ses voisins européens étaient convenus de suspendre l’application de certaines règles. Ainsi, les frontaliers qui travaillaient à distance restaient assujettis au régime suisse de sécurité sociale. En ce qui concerne la France, ce régime est en vigueur jusqu’au 31 mars 2022 (pour l’Allemagne, l’Autriche et le Liechtenstein, jusqu’au 30 juin 2022).

Après cette échéance, la législation ordinaire s’appliquera de nouveau, tant au niveau social et fiscal, ce qui ne va pas manquer de soulever de nombreux problèmes juridiques. En fonction de la part d’activité exercée en télétravail par les employés concernés, ce retour à la normale pourra entraîner un changement d’assujettissement au régime de sécurité sociale, ainsi que du régime d’imposition. C’est pourquoi les organisations économiques romandes, dont la CVCI, ont élaboré un «Guide télétravail transfrontalier» pour y voir plus clair.

Dans «24 heures» de ce lundi, Marco Taddei, responsable romand de l’Union patronale suisse, expliquait que dès le 1er avril, les frontaliers français «seront imposés en France sur le pourcentage de travail effectué à leur domicile, dès la première heure de home office en ce qui concerne les cantons de Fribourg et Genève, qui ne font pas partie d’un accord international avec la France, et au-delà de 20% de télétravail pour les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura.»

Loin d’être une simple formalité

On le voit, le home office des frontaliers n’est pas une simple formalité. Le guide précité mentionne les risques encourus par les employeurs à ce propos et contient des recommandations à leur égard dans les cinq domaines suivants: assujettissement aux assurances sociales, aspects fiscaux, tribunal territorialement compétent, droit applicable et protection des données. Il leur est notamment conseillé de limiter le télétravail à la hauteur de 20% de la charge de travail, et d’en fixer les conditions par écrit, par exemple en concluant une convention avec les employés concernés.

Cette situation déjà complexe se double d’un embrouillamini juridique: en cas de télétravail d’un frontalier français à la fin du «régime d’exception», la France pourrait contraindre l’employeur suisse à nommer un représentant en France pour la perception de l’impôt à la source sur le jour de télétravail. Cette nomination est soumise à autorisation des autorités fédérales et, à défaut, tombe sous le coup de l’article 271 du Code pénal suisse, qui réprime les actes exécutés sans droit pour un État étranger. La France, pour le coup, a œuvré sans se soucier de la compatibilité de sa décision avec la législation suisse.

Il est vrai qu’en rompant l’accord-cadre et en portant son choix sur un autre avion de combat que le Rafale, la Suisse a pu fâcher son grand voisin d’outre-Jura…

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Ne renonçons pas aux avancées médicales!

L’interdiction de toute expérimentation animale et humaine, exigée par une initiative, est trop extrême. Tester des médicaments sur des êtres vivants reste indispensable. Grâce à la recherche, nous profitons d’acquis fondamentaux, comme les vaccins.

Chacun d’entre nous a déjà vu ces images d’animaux de laboratoire dans des postures peu enviables. Au-delà de l’émotion que cela peut susciter, il faut admettre que la recherche médicale, en recourant à des expériences sur des rongeurs, par exemple, a permis de doubler l’espérance de vie humaine en un siècle. C’est un acquis fondamental dont tout le monde profite aujourd’hui. Cela nous a permis de développer rapidement des vaccins contre le Covid et de réfléchir à des nouveaux médicaments en cette période de pandémie. C’est la raison pour laquelle je voterai non à l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine – Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès», soumise au vote le 13 février prochain.

Ce texte extrême ne vise pas seulement à interdire l’expérimentation animale et humaine: il entend bannir l’importation et le commerce de tous les produits faisant l’objet de telles pratiques. De ce fait, l’initiative met en danger de manière irresponsable la santé de notre population, en compromettant l’approvisionnement en médicaments vitaux et en privant les patients des dernières avancées scientifiques.

Pratiques bien encadrées

En Suisse, la barbarie dénoncée par les initiants n’a pas cours: les chercheurs sont tenus de réduire au minimum les pratiques expérimentales sur des animaux et d’utiliser des méthodes alternatives lorsque cela est possible. Les essais sur les animaux ne sont menés que s’ils sont indispensables et irremplaçables pour des raisons scientifiques, éthiques et réglementaires. En Suisse, l’expérimentation animale a diminué de 70% depuis les années 1980. De plus, le Conseil fédéral a lancé l’an dernier un nouveau programme de recherche, doté de 20 millions de francs, destiné à réduire encore le nombre de ces expériences. La recherche sur l’être humain, visée elle aussi par l’initiative, est également soumise à des principes et limites éthiques et juridiques. Ce cadre garantit un niveau élevé de protection.

De fait, l’initiative menace clairement d’affaiblir la recherche et l’innovation suisses, remettant ainsi en cause un facteur clé de la prospérité de notre pays. Si ce texte devait être adopté, il ne fait pas de doute que nombre d’entreprises et d’instituts de recherche devraient délocaliser une partie de leurs activités, ou tout bonnement s’expatrier. Les expérimentations dénoncées seraient alors menées dans des pays bien moins soucieux des animaux de laboratoire que le nôtre. A dire d’expert, l’initiative enfreindrait même des traités internationaux, laissant ainsi planer la menace de représailles mettant à mal l’industrie d’exportation suisse.

L’expérimentation animale est un élément clé du développement des médicaments. Des maladies graves ont été pratiquement éradiquées. Les vaccins ont permis de maîtriser de nombreuses maladies infectieuses, comme on l’a vu avec la pandémie de Covid. La recherche sur le cancer a également beaucoup progressé. Au cours des trois dernières décennies, le taux de mortalité des malades cancéreux a ainsi fortement baissé, une évolution à mettre au crédit des essais cliniques. Voulons-nous vraiment renoncer à ces formidables avancées? C’est pourquoi je glisserai un non ferme dans les urnes le 13 février.

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Il est temps de s’affranchir du droit de timbre

Reliquat d’une époque fiscale lointaine, le droit d’émission sur capital propre reste une taxe absurde pénalisant les entreprises qui investissent, en particulier les PME. Soumise au vote le 13 février prochain, sa suppression s’impose en ces temps de pandémie, pour la prospérité de notre économie.

La suppression du droit de timbre d’émission sur le capital propre, l’un des objets des votations fédérales du 13 février prochain, est demandée depuis plusieurs années par les milieux économiques. L’heure de l’abolir semble avoir enfin sonné. De quoi s’agit-il? Cette taxe de 1% frappe tout capital nouvellement créé. Elle concerne toute société émettrice de nouvelles actions et touche ainsi directement l’outil de production des entreprises. En clair, l’investissement en capital propre dans une société se trouve amputé de ressources dont les entrepreneurs auraient bien besoin, en particulier les dirigeants de PME.

D’un point de vue strictement économique, cette taxe est contre-productive lorsqu’on prend conscience que chaque franc investi dans une start-up est nécessaire à sa croissance. Le patron d’une scale-up de la région, en pleine recherche de fonds indispensables à son développement, a dû payer au titre de cette taxe près de 700’000 francs, ce qui représente à peu près six postes de travail qu’il n’a pas pu créer. Un non-sens. Cette pratique, qui remonte au début du XXe siècle, n’existe nulle part ailleurs qu’en Suisse sous cette forme. Il est impératif de s’en affranchir au plus vite, a fortiori à une époque où les incertitudes conjoncturelles et structurelles se multiplient à l’horizon. Le Conseil fédéral lui-même considère le droit d’émission comme obsolète et néfaste à la place économique suisse.

Un frein à l’esprit d’entreprise

Ce droit de timbre constitue à l’évidence un frein à l’esprit d’entreprise. Il est particulièrement lourd pour les PME touchées par la pandémie. C’est précisément en période de crise que les firmes ont besoin d’augmenter leurs fonds propres afin de compenser leurs pertes et se montrer ainsi plus résilientes. Lorsqu’un chef d’entreprise augmente le capital propre de sa société, il prend certes un risque, mais il crée surtout des emplois. Il apparaît clairement absurde de le pénaliser par une taxe.  La suppression de ce droit d’un autre temps est d’autant plus urgente et pertinente que la pandémie complique singulièrement la vie des entreprises. Par ailleurs, les réformes fiscales prévues par l’OCDE visant à établir des taux d’imposition minimaux sur les sociétés vont contraindre la Suisse à renforcer sa compétitivité pour maintenir son rang de nation à succès.

Les opposants à cette réforme arguent qu’elle fera perdre 250 millions de recettes fiscales par an à la Confédération, soit à peine 0,35 pourcent des recettes fédérales. Cette perte sera largement compensée selon une étude de BAK Economics, publiée en juin 2019. Celle-ci conclut que la suppression du droit d’émission, couplée à une réforme de l’impôt anticipé, serait clairement rentable, y compris pour les caisses de l’État. Les experts estiment que le PIB augmenterait en outre d’environ 1,4 % sur dix ans, ce qui correspond à environ 22’000 nouveaux emplois à temps plein. Dire oui à cette suppression, c’est donc investir dans les emplois et la prospérité.

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L’ouverture sur le monde pour répondre à la pénurie de talents

Les difficultés de recrutement restent l’une des principales préoccupations des chefs d’entreprise. Pour pallier ce problème, le nouveau gouvernement allemand entend attirer des personnes qualifiées par le biais de l’immigration. Une option qu’il faut avoir le courage d’explorer.

A l’heure où les pays ont plutôt tendance à se replier sur eux-mêmes, le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, a surpris son monde en lançant un programme visant à faciliter la naturalisation et à attirer 400 000 personnes qualifiées par an dans son pays. Ce chiffre, relate «Le Temps» de jeudi dernier, ne tombe pas de nulle part. Il a été mis en évidence par un institut spécialisé dans le travail comme l’une des solutions au vieillissement de la société allemande, qui engendre une grave pénurie de personnel qualifié. Angela Merkel, sa devancière, avait en quelque sorte ouvert la voie en régularisant en son temps des centaines de milliers de migrants venus de Syrie. Les pistes lancées par la nouvelle coalition au pouvoir ont reçu un accueil favorable des milieux patronaux.

Cette préoccupation, les entrepreneurs la partagent de ce côté-ci du Rhin. Dans notre enquête conjoncturelle d’automne, plus d’un quart des répondants disent rencontrer des soucis de recrutement, une proportion qui grimpe à 40% dans l’industrie. Après une accalmie en raison de la crise du Covid-19, ces difficultés sont en recrudescence et atteignent un niveau identique à celui observé en 2018. Les types de profils principalement concernés sont la main-d’œuvre qualifiée (77%), les cadres intermédiaires (36%) et les cadres supérieurs (20%). Dans son Baromètre de l’emploi de septembre dernier, Manpower notait également que la pénurie des talents restait «un sujet d’actualité préoccupant pour de nombreuses entreprises».

Le poids de l’accord-cadre

Même si elle ne constitue qu’une solution parmi d’autres, à côté de la formation continue et du recours aux aptitudes des séniors dans certains secteurs, l’option du gouvernement allemand a le mérite de rappeler que la grandeur d’un pays se mesure aussi à son esprit d’ouverture vers l’extérieur. Où en serait l’économie suisse si notre pays n’avait pas introduit la libre circulation des personnes et conclu quantité d’accords bilatéraux sectoriels avec l’Union européenne? On voit aujourd’hui déjà les problèmes que rencontrent nos industriels à cause de l’abandon de l’accord-cadre.

Il n’est bien sûr pas question de laisser notre frontière ouverte à tous les vents. La pénurie de personnel concerne essentiellement les métiers très spécialisés pour lesquels nous ne disposons pas de filières de formation, ou alors en quantité insuffisante. Cette réalité pose avec une acuité particulière la question des contingents de ressortissants extracommunautaires, c’est-à-dire d’un pays hors UE et hors AELE. Si la Suisse entend rester compétitive, elle doit pouvoir aussi compter sur cette main-d’œuvre.

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Et si on innovait en reconnaissant les esprits novateurs?

Terre d’innovation louée loin à la ronde, la Suisse peine à reconnaître celles et ceux qui réussissent dans ce domaine. La mésaventure vécue par une biotech lausannoise, qui a conçu un test révolutionnaire pour le Covid dont le monde médical d’ici ne veut pas, illustre ce paradoxe.

On peine à croire l’histoire que relate le magazine «L’Illustré» dans son édition de cette semaine, et pourtant, elle est bien réelle! Au moment où les hôpitaux sont menacés par une surcharge due à la cinquième vague du Covid, un test antigénique révolutionnaire permettant de diagnostiquer cette infection en une minute, conçu par la biotech lausannoise Abionic, est snobé tant par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) que par les établissements de santé de ce pays. Son prix? 20 francs!

Je ne suis pas médecin, mais je peine à comprendre la réaction – ou plutôt la non-réaction – des autorités politiques et sanitaires. Le bon sens commande d’utiliser un procédé fiable, rapide et bon marché lorsque l’on sait que les examens usuels mettent bien plus de temps à fournir un diagnostic. On sait combien il est difficile de tester les enfants, alors imaginez l’avantage de disposer d’un tel outil rendant réponse en une minute à peine.

Plus déconcertant encore, Nicolas Durand, CEO de cette scale-up, a communiqué cette nouvelle au Conseil fédéral, qui n’a pas daigné lui adresser de réponse: «Au niveau institutionnel, tout le monde nous a claqué la porte au nez», s’indigne-t-il dans l’hebdomadaire. «Nul n’est prophète en son pays», pourrait philosopher ce jeune patron: d’ailleurs, sa société a vendu plus de 150 appareils de test, avoisinant 6000 francs pièce, dans le reste du monde. Imaginez la stupéfaction des clients étrangers en apprenant que les hôpitaux romands refusent d’entrer en matière pour implémenter cette technologie.

Un petit côté schizophrénique

Cette mésaventure, a priori incompréhensible, illustre une réalité regrettable: nous mettons en place des programmes de soutien pour favoriser le démarrage de jeunes entreprises sous forme de start-up. Puis, au moment où leurs produits arrivent sur le marché, nous délaissons ces sociétés innovantes locales au profit de firmes étrangères ou de produits traditionnels, imaginant que «c’est mieux là-bas». Il y a là un petit côté schizophrénique. Membre du conseil d’administration d’Abionic, Eric Cornut relève dans le magazine que «d’une manière générale, on est plutôt réfractaire à l’innovation en Suisse. En particulier dans le domaine de la santé. Peut-être sommes-nous trop gâtés, ce qui réduit l’appétit pour le développement. Il y a une foule d’endroits où l’on serait ravi de profiter d’une méthode de diagnostic performante.»

La Suisse n’a pas de pétrole, mais elle a des idées, et même d’excellentes! Sachons mettre en valeur nos atouts, en particulier à une époque qui requiert plus que jamais que nous nous serrions les coudes.

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La résilience de notre économie n’est pas acquise

Les trois faîtières de l’économie suisse lancent un appel en faveur d’«une cure de revitalisation» de notre pays. Leur constat est clair: la reprise actuelle ne fait pas oublier que les conditions-cadres en place ne sont pas à la hauteur des nombreux défis post-Covid qui pointent à l’horizon.

Les chiffres actuels en attestent: l’économie suisse demeure plus que jamais résiliente, y compris et surtout dans le canton de Vaud. Pas plus tard qu’hier, la Commission Conjoncture vaudoise a mis en exergue le «redémarrage de l’activité, soutenue par un affermissement de la demande étrangère et de la consommation intérieure». Les entrepreneurs du Canton font toutefois preuve d’un optimisme mesuré en ce qui concerne l’évolution à venir, estimant que les incertitudes restent nombreuses et que les perspectives de croissance doivent être considérées avec précaution.

Ces inquiétudes, economiesuisse, l’Union patronale suisse et l’Union suisse des arts et métiers les partagent. Les trois faîtières de l’économie ont d’ailleurs adopté la semaine dernière un agenda de politique économique commun, qui vise l’après-crise sanitaire. Pour elles, «la reprise actuelle ne doit pas faire oublier que le cadre de la politique économique en place n’est pas à la hauteur pour affronter la période post-Covid. Elles estiment que la capacité d’adaptation de l’économie suisse est compromise.» A la lumière de l’évolution actuelle, il est clair que la résilience de notre économie n’est pas acquise.

Les entreprises font partie de la solution

L’un des aspects problématiques a trait au fait que les autorités se focalisent sur la durabilité environnementale, à l’image du canton de Vaud et de son Plan climat. La durabilité passe aussi par une économie dynamique, qui assure la cohésion sociale. Les entreprises font partie de la solution puisqu’elles disposent d’outils pour diminuer leur consommation d’énergies fossiles via des conventions d’objectifs, s’équipent de panneaux solaires et développent des technologies innovantes permettant de réduire leur empreinte carbone et celle des consommateurs. La protection climatique reste une préoccupation majeure, mais elle ne doit pas constituer un frein au développement des entreprises. Il faut ainsi veiller à garantir des conditions-cadres favorables à l’innovation et à la recherche. Car oui, la transition énergétique et la numérisation constituent des opportunités pour l’économie.

Le monde se complexifie et les défis s’annoncent gigantesques, également en ce qui concerne les relations internationales. Au rang de nos priorités politiques figurent le rétablissement de bonnes relations avec l’Union européenne, qui reste notre marché principal, et la prise en compte des incidences de l’application d’un taux d’imposition minimum de 15% aux entreprises multinationales, à compter de 2023. Il est grand temps de penser «out of the box», c’est-à-dire de sortir des schémas habituels. Les réflexions sur une vraie politique industrielle ne doivent pas constituer un tabou, même si la tradition libérale de notre pays ne nous y a guère habitué.

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Un nouvel élan économique pour une nouvelle législature

En mars prochain, Vaud renouvellera ses autorités cantonales. A l’approche de cette échéance capitale, les organisations économiques faîtières, dont la CVCI, publient des recommandations qui doivent permettre le maintien d’un tissu économique diversifié, compétitif et performant.

Quatre mois à peine nous séparent du renouvellement des autorités cantonales. A la veille de cette nouvelle législature, la CVCI, la Fédération patronale vaudoise, la Chambre immobilière et Prométerre formulent, comme elles l’ont fait en 2017, des recommandations concrètes, «Impulsions 2027». Les propositions qui figurent dans cet opuscule ont pour ambition de contribuer à la préservation et au développement des conditions-cadres garantissant la compétitivité de l’économie vaudoise. Celle-ci se porte bien depuis une quinzaine d’années grâce, en particulier, à son dynamisme et à sa diversité. Le contexte mondial actuel, pour le moins incertain, révèle toutefois un effritement de notre attractivité. Ce constat vaut même en comparaison intercantonale. Pour toutes ces raisons, les futures autorités doivent entendre les besoins de l’économie afin de garantir l’emploi et la prospérité du canton, de même que le bien-être de la population.

L’Etat n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes de la société, et doit donc se concentrer sur ses missions principales. La pandémie a certes montré le rôle central des autorités dans les moments de crise aiguë. Mais même dans notre pays, où la démocratie s’exprime régulièrement, le pouvoir exécutif est tenté, à travers les nombreux moyens dont il dispose, de limiter la capacité de contrôle des contre-pouvoirs. Ce fait a amené nos faîtières à porter un regard critique sur les aspects de gouvernance qui posent problème, lesquels figurent dans un nouveau chapitre «Rôle, fonctionnement et gouvernance de l’Etat». Un exemple? Dans le Canton, les procédures de consultation relèvent du bon vouloir des départements concernés. Ce n’est pas sain.

Fiscalité trop élevée

Les défis, à l’évidence, ne manquent pas, qu’il s’agisse de fiscalité, de formation, d’infrastructures, d’aménagement du territoire, d’énergie, d’environnement, de santé, de social ou encore d’agriculture, soit autant de thèmes que nous avons thématisés. L’imposition, en particulier celles des personnes physiques, constitue l’une de nos priorités: la pression fiscale doit impérativement être revue à la baisse, sans quoi nous risquons de voir s’exiler des contribuables importants.

L’augmentation exponentielle des dépenses dans le domaine social constitue également un sujet de préoccupation majeure, et cela à double titre: cette croissance non maîtrisée se fait en premier lieu au détriment des autres secteurs de l’Etat, qui voient leurs budgets diminuer. Corollaire: le monde du travail ne parviendra pas à financer éternellement un Etat toujours plus lourd alors que les entreprises doivent entamer leurs transitions numériques et climatiques.

En 2017, les organisations économiques faîtières vaudoises avaient publié «Impulsions 2022». Au regard des besoins que nous avions détaillés, force est d’admettre que les efforts entrepris par le Canton sont demeurés assez modestes. Il ne s’est manifestement pas attaqué à l’essentiel, ce qui justifie à nos yeux de remettre l’ouvrage sur le métier. La multitude de défis qui nous attendent doivent pousser nos futures autorités à entreprendre les réformes qui s’imposent, plutôt que de procéder à des adaptations législatives cosmétiques. Nos «impulsions 2027» leur montrent la voie à suivre si l’on entend pouvoir perpétuer la bonne santé de notre économie.

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Renouer avec l’Union européenne doit être une priorité

La Suisse a rétabli le dialogue avec Bruxelles six mois après avoir rejeté l’accord institutionnel. Ces retrouvailles pour le moins tièdes n’augurent pas d’un déblocage rapide de ce dossier. Il y a pourtant urgence à s’entendre sur un nouveau cadre avec notre principal partenaire économique.

On ne peut pas dire que l’ambiance était au beau fixe, ce lundi, lorsqu’Ignazio Cassis, notre chef des Affaires étrangères, a effectué le déplacement de Bruxelles pour reprendre contact avec un partenaire que la Suisse a éconduit de manière assez cavalière en mai dernier. Dans ce contexte tendu, l’UE a clairement manifesté son intention de remettre rapidement la question institutionnelle sur la table des négociations, alors que le Conseil fédéral souhaite renvoyer ce dossier au-delà des élections fédérales de 2023. Selon la presse, Maros Sefcovic, chargé du dossier Suisse pour l’UE, attend déjà une feuille de route claire et précise pour janvier prochain, lorsqu’il retrouvera Ignazio Cassis à Davos à l’occasion du Forum économique mondial.

A mes yeux, le fait que l’UE souhaite faire avancer le dossier rapidement constitue un signal positif. Il est urgent que Berne et Bruxelles discutent d’un accord global, dont notre économie ne pourra que bénéficier. Il faut rappeler que l’Europe des 27 reste de loin notre partenaire commercial le plus important. L’abandon de l’accord institutionnel a déjà entraîné des conséquences funestes sur la reconnaissance mutuelle des produits médicaux, qui est tombée dans la foulée de la décision fédérale de mai dernier. Si la plupart des medtech suisses s’y sont préparées en recourant à des mandataires au sein de l’UE, les risques de pénurie de dispositifs médicaux et de perte de compétitivité demeurent. Certaines medtech sont tentées de délocaliser leur production. D’autres accords menacent de connaître le même sort, faute d’accord-cadre.

Nombrilisme malvenu

Le Conseil fédéral laisse entendre que la Suisse est en bonne position pour négocier, car le Parlement a donné récemment son accord au versement du deuxième milliard de cohésion. C’est oublier que cette contribution était due depuis des années. L’exécutif assure par ailleurs que l’UE doit beaucoup à notre pays, car il occupe plus de 300 000 frontaliers. Il est vrai que chacun y gagne, mais que serait devenu notre système hospitalier durant la pandémie sans ce personnel venu d’outre-Jura? Nous ne sommes pas autant en position de force que le dit le CF. Et les talents dont l’économie a si grand besoin, comment viendraient-ils sans la libre circulation des personnes? La vision selon laquelle les 27 nous sont redevables s’apparente à du nombrilisme pour le moins inadéquat.

La réalité est la suivante: lorsqu’elles ont abandonné l’accord-cadre, nos autorités ne disposaient pas d’un plan B, faisant preuve alors d’un amateurisme coupable. Le gouvernement donne ainsi l’impression qu’il ne sait pas où il va. Il envisagerait pour l’heure la conclusion d’accords sectoriels, qui nécessiteront chaque fois des discussions serrées, alors qu’un traité global, comme un accord-cadre, permettrait de disposer d’un socle solide et de limiter les concessions.

La Suisse se trouve véritablement à la croisée des chemins avec l’UE. Il s’agira d’emprunter rapidement la voie du bon sens.

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Vaud doit baisser l’imposition des particuliers

La fiscalité vaudoise des personnes physiques demeure élevée en comparaison intercantonale. Les mesures annoncées par le Canton la semaine dernière ne constituent qu’un rattrapage. L’Etat doit s’attaquer avec vigueur au barème d’impôt, à la fois sur la fortune et sur le revenu.

Le canton de Vaud traîne toujours en fond de classement au niveau de la fiscalité des personnes physiques. C’est la conclusion que l’on tire en lisant le «Baromètre fiscal vaudois», établi par KPMG et la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI). Il consiste en une comparaison intercantonale systématique de l’attractivité fiscale du canton de Vaud, notamment avec ses voisins. S’agissant de l’imposition des entreprises, le Canton figure actuellement parmi ceux affichant un taux d’impôt légèrement inférieur à la moyenne suisse, mais il reste clairement à la traîne en matière de fiscalité des particuliers.

La réforme de la fiscalité des entreprises, introduite en 2019 et en 2020, avec – notamment – un taux d’impôt sur le bénéfice de 14% et différentes mesures favorisant la R&D ainsi que l’innovation, a eu un effet positif. Par rapport à la dernière présentation du «Baromètre fiscal», en 2018, notre canton a ainsi amélioré son classement, passant de la 21e à la 13e place. Avec l’introduction prochaine d’un taux d’imposition global minimum de 15%, décidé par le G20, le taux d’impôt sur le bénéfice ne sera plus un facteur de différenciation entre Etats. Les cartes seront donc rebattues et face à ce nouveau contexte, le Canton et la Suisse devront plancher sur de nouvelles mesures, fiscales et non fiscales, pour maintenir leur attractivité.

Personnes physiques lourdement taxées

Le tableau est moins rutilant en ce qui concerne la taxation des personnes physiques, qui n’a que peu changé ces dernières années. La situation s’est même péjorée dans certaines catégories de revenus. Le canton de Vaud connaît une des impositions les plus élevées de Suisse, avec un taux maximal de 41,50%. Seuls les cantons de Genève (44,97%) et de Bâle-Campagne (42,22%) font pire. Conséquence: tant le revenu que l’outil de travail demeurent trop lourdement taxés. Les baisses fiscales annoncées la semaine dernière par le Conseil d’Etat ne constituent en fait qu’un rattrapage, et ne suffiront donc pas à alléger suffisamment une taxation qui demeure trop élevée.

Une évidence s’impose: seule une petite proportion des contribuables assure une grande partie des revenus fiscaux. Ainsi, 7,5% des assujettis vaudois déclarent un revenu imposable de plus de 150 000 francs et contribuent ainsi à plus de 41% aux recettes de l’impôt sur le revenu. Ce petit nombre de personnes fournit une large part du substrat fiscal, c’est pourquoi il est capital de les garder dans notre canton. Vaud figure également en queue de peloton en matière d’impôt sur la fortune. Pour les contribuables fortunés, la charge fiscale y est ainsi six fois plus élevée que dans les cantons les moins gourmands.

La prospérité vaudoise ne tombe pas du ciel: elle repose sur le dynamisme et l’attractivité de notre tissu économique, ainsi que sur de bonnes conditions-cadres. Le maintien de notre compétitivité commande donc de s’attaquer au barème d’impôt, à la fois sur le revenu et sur la fortune. C’est pourquoi la CVCI demande au Canton de prendre ce thème à bras-le-corps. Elle suivra avec une grande attention les prochains développements dans ce domaine.

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