Le télétravail constituerait un frein à l’innovation

Selon une étude américaine, le travail à domicile réduirait la capacité des entreprises à innover. En cause: la diminution des interactions entre collègues, notamment ceux avec lesquels on entretient des liens moins forts, qui peuvent pourtant amener d’autres perspectives.

Les intervenants de la Journée de la Trust Valley, réunis lundi au Rolex Learning Center de l’EPFL, l’ont rappelé à l’unisson: la pandémie de Covid-19 a accéléré la digitalisation des entreprises, et par voie de conséquence, le télétravail. Pendant cette période aussi compliquée qu’inédite, et en marge des inquiétudes liées à la cybersécurité, il n’est venu à l’esprit d’aucun chef d’entreprise de remettre en cause cette nouvelle manière de travailler. Cependant, expérience faite, il s’avère que le travail à domicile n’a pas que des vertus sur la durée.

Si de nombreux employés travaillant à la maison ont pu exploiter leurs réseaux relationnels internes à l’organisation, il apparaît que ces mêmes réseaux ont cessé de se développer et se sont même «rigidifiés» au risque de freiner l’innovation, selon une étude Microsoft Research citée par le site ICTJournal. «Le passage au télétravail à l’échelle de l’entreprise, écrivent les auteurs de cette étude, a amené les employés à consacrer une plus grande partie de leur temps de collaboration à leurs liens plus forts, mieux adaptés au transfert d’informations, et une plus petite partie de leur temps à des liens faibles, qui sont plus susceptibles de donner accès à de nouvelles informations.»

Ces résultats s’appuient sur les données de plus de 60’000 employés américains de Microsoft (appels audio/vidéo, e-mail, chat, calendrier, etc.) recueillies durant le premier semestre de l’année dernière. Ce cloisonnement, cette sorte de chaînon manquant au niveau de la communication, tout cela aurait contribué à limiter les échanges et l’émulation entre les employés. C’est pourquoi les auteurs de cette enquête suggèrent aux chefs d’entreprise de tenir compte de ce constat dans leurs projets de travail hybride. Pour eux, le télétravail ne se mesure pas qu’en termes de productivité individuelle.

Les limites du numérique

La crise pandémique nous a donc montré les possibilités étendues du numérique, mais elle a aussi fait apparaître ses limites. L’exécution des tâches et le suivi des projets souffrent et nécessitent une énergie démultipliée dans un contexte déjà complexe. Chacun d’entre nous a pu mesurer combien l’échange, les interactions et le relais d’informations sont absolument  indispensables pour maintenir la dynamique d’une entreprise. Rien ne saurait remplacer les échanges directs avec les collègues, pas même les pauses café, qui contribuent à leur échelle au renforcement de l’esprit d’équipe.

Les entreprises ont donc tout intérêt à établir une charte pour cadrer les modalités du travail à distance, tout en privilégiant le présentiel. Il doit s’agir d’une réflexion managériale, en collaboration avec les employés. Les organisations économiques de Suisse romande, dont la CVCI, ont d’ailleurs mis sur pied une «Convention de télétravail» qui constitue un modèle, adaptable en fonction des spécificités de chaque entreprise. Une vraie solution clé en main.

Photo: AdobeStock

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

7 réponses à “Le télétravail constituerait un frein à l’innovation

  1. Une charte… lol.

    Si les Chambres de commence reprennent les idées gauches de la gauche…

    Il y a un contrat de travail et une obligation de fidélité et de diligence. Oubliez les chartes. Laissez cela à la gauche.

    1. Il ne s’agit pas de reprendre une idée de la gauche. Le PS a d’ailleurs déposé une motion aux Chambres demandant de légiférer sur le télétravail, motion qui a été renvoyée en commission. Les associations économiques préfèrent régler la question via une convention privée qui a le mérite d’être adaptable en fonction des spécificités de chaque entreprise. L’explosion du télétravail nécessite que les managers cadrent sa mise en application, en discutant avec les employés, pour déterminer quelles tâches doivent être effectuées en présentiel, une voie que nous privilégions.

  2. Je suis un producteur indépendant de vidéo qui travaille, entre autres, pour une société de ma région. Le télétravail a toujours représenté une part importante de mon activité.
    Le personnel du client cité plus haut n’a jamais été aussi créatif que pendant le confinement même ni nous n’avons jamais autant “perdu” de temps en skypéros et autres alternatives au présentiel.

  3. Heu… Non. Je suis sous contrat “en télétravail” depuis plus de 3 ans, pour une boîte leader dans la technologie et l’innovation. Ma team complète est en remote, de même qu’une vaste majorité des employés. Et ça marche depuis un sacré moment.

    C’est plus un problème de politique d’entreprise, et de savoir comment motiver les employés. Le présentiel m’a au contraire tué à petit feu pendant 10 ans, avec les interruptions continue des collègues venant discuter avec moi ou mon voisin (en openspace…. la pire invention à mon sens).

    Donc, non. ça dépend de pas mal de choses. Le télétravail devrait au contraire être poussé, vu ce qu’il règle comme problèmes:
    – embouteillages
    – pollution
    – surcharge des transports publics
    – perte de temps dans les déplacements
    – locaux “bureaux” qui prennent le pas sur des logements
    – … etc, etc, etc

    1. Il est possible, dans certaines professions, de télétravailler à 100% depuis n’importe quel pays. Mais quelles en seront alors les conséquences pour les places de travail en Suisse et les recette fiscales qui y sont liées?

      1. Je suis basé en Suisse, de même qu’une bonne centaine de mes collègues (je n’ai pas les chiffres exact en tête, désolé). Même si, oui, il y a eu une grimace quand j’ai postulé à cause du coût de la vie induisant des salaires de “ministre” comparé à d’autres pays, j’ai obtenu le poste, sans avoir besoin de délocaliser.
        Donc je paie mes impôts en Suisse, de même que l’antenne suisse de la société (oui, contrat suisse avec société suisse). Tout le monde est content.

        Les compétences sont mises en avant. Alors oui, je sais, ce n’est plus vraiment le cas partout, vu que seul le profit est visé, mais il existe encore des entreprises multinationales qui fonctionnent sur l’intelligence. Dingue quand même… Un modèle à suivre, peut-être ?

        Après tout, on nous parle de mondialisation à toutes les sauces – il serait peut-être temps d’en faire profiter réellement le «petit peuple», celui qui doit encore se déplacer pour bosser pour payer ses déplacements. L’optique “métro-boulot-dodo” doit être effacée. Y a pas que les gadgets importés de Chine qui comptent, au final…

        Et si délocalisations d’une société axée “télétravail” il y a, il faudrait peut-être remettre en cause le climat social, les charges, le coût de la vie, etc, au lieu de dire “le télétravail tue l’économie” (ou l’innovation, les chatons, ou que sais-je).

        M’enfin, on pourra compter sur la gauche pour parler des “privilégiés du secteur tertiaire” pouvant “éviter la cohue et le stress quotidien” grâce au télétravail, et qui devront donc “payer des taxes de solidarité” pour les personnes des secteurs primaires et, partiellement, secondaire, tuant ainsi le mouvement dans l’œuf.
        Problème réglé, plus aucune entreprise ou employé ne voudra de télétravail en Suisse.

        Et c’est déjà en route avec les projets de lois demandant à l’employeur de payer des dédommagements pour la pièce, la connexion, etc – au lieu de nous laisser procéder aux déductions dans les impôts, comme c’est le cas pour les indépendants (oui, j’ai eu ce statut, aussi).

        Bref….

  4. Selon une étude américaine …

    J’en ai trouvé une autre (tout à fait véridique) :

    “Selon une étude américaine, l’Homme moderne deviendrait de plus en plus stupide.”

    Dans une démarche scientifique sérieuse, une étude n’a aucune valeur.

    Quand on pioche une étude qui nous arrange sans la mettre en perspective de nombre d’autres études, on est dans une démarche idéologique.

    L’idéologie, comme la religion, n’est bien entendu pas interdite, mais elle doit, elle aussi, rester dans un cadre privé.

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