Le libre-échange prend encore plus de sens en temps de crise

La conclusion d’un partenariat économique avec l’Indonésie figure au menu des votations fédérales de mars prochain. Cet accord constitue à la fois une bouffée d’oxygène pour nos entreprises et un pas dans la bonne direction pour un commerce plus durable.

Une accolade entre un ours brun et un tigre: l’image choisie par les partisans de l’accord de libre-échange entre l’AELE, dont la Suisse fait partie, et l’Indonésie illustre bien l’esprit de ce partenariat économique sur lequel le peuple s’exprimera le 7 mars prochain. Signé à Jakarta en décembre 2018 et approuvé par les Chambres fédérales dans la foulée, il constitue une bouffée d’oxygène bienvenue pour les économies des pays concernés. Ce géant du Sud-Est asiatique représente un marché prometteur dans lequel nos entreprises pourront proposer leurs produits dans un contexte douanier allégé. Selon l’administration fédérale, l’industrie des machines pourrait économiser environ 25 millions de francs par an. En pleine période de crise, c’est loin d’être négligeable.

Ces perspectives réjouissantes ont été – provisoirement – remises à plus tard en raison d’un référendum lancé par les milieux écologistes et quelques ONG au motif que la culture de l’huile de palme cause une déforestation massive et met en danger certaines espèces animales. Et concurrence, au surplus, de manière déloyale notre production d’oléagineux, comme le colza et le tournesol. Notre pays a pris en compte ces reproches en négociant un volet novateur sur le développement durable, qui implique des engagements contraignants permettant de protéger les plantations et forêts indonésiennes, ainsi que ceux qui y travaillent. Autant d’engagements que l’Indonésie n’avait pris jusqu’ici avec aucun autre partenaire commercial.

L’accord comprend en outre des dispositions sur les investissements, la protection de la propriété intellectuelle, la réduction des obstacles non tarifaires au commerce, y compris les mesures sanitaires et phytosanitaires, la concurrence, la facilitation des échanges, le commerce et le développement durable, et la coopération économique. Ce partenariat confère en outre un précieux avantage à notre industrie d’exportation sur la concurrence européenne, qui n’a pas encore conclu un tel accord.

Notre pays a par ailleurs pris soin de ménager la production indigène d’oléagineux. L’Indonésie bénéficiera ainsi de contingents partiels avec des rabais de 20 à 40%. Un mécanisme de sauvegarde est également prévu au cas où les importations indonésiennes devaient malgré tout mettre le marché sous pression.

Potentiel de croissance important

La Suisse a mis en place les garde-fous nécessaires qui garantissent l’aspect durable de ce partenariat inédit. Dans ce contexte, le peuple peut adopter cet accord sans crainte, d’autant que l’Indonésie, avec plus de 260 millions d’habitants, offre des perspectives très intéressantes à notre industrie d’exportation. Le volume des échanges commerciaux entre la Suisse et cet immense pays, qui atteint aujourd’hui quelque 1,4 milliard de francs, présente un important potentiel de croissance.

Cet accord confirme enfin l’importance du libre-échange, a fortiori à une époque où le protectionnisme resurgit de manière inquiétante aux quatre coins de la planète. L’ouverture vers de nouveaux marchés est l’un des facteurs indispensables pour relancer notre économie durement touchée par les effets de la crise sanitaire. Dire oui à l’Accord de partenariat économique entre les Etats de l’AELE et l’Indonésie relève ainsi de l’évidence.

Photo: AdobeStock

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

12 réponses à “Le libre-échange prend encore plus de sens en temps de crise

  1. Bonjour,

    Non , l’mage choisie n’illustre en rien cet accord étant donné qu’un de ces deux super-prédateurs (le tigre) est en voie d’extinction, notamment suite à la destruction systématique de son habitat pas les autorités indonésiennes, ceci dans le seul but de fournir des denrées (huile de palme, thé, café principalement) au marché globalisé.

    De ce fait, un Orang-outan sur fond de forêt défrichée serait plus juste.

    Quand à l’Ours suisse, il me semble qu’il s’est lui aussi fait la malle depuis un certain temps déjà… Bien qu’on en aurait toutefois aperçus quelques spécimens à Bern , dans la fosse…aux parlementaires.

    Du coup, je proposerais volontiers à l’équipe en charge de la communication l’image d’une bonne grosse vache laitière subventionnée, plus représentative des réalités, en particulier dans le cadre des principes du libre-échange.

    Cordialement,

    M.Jaccottet

    1. Cette illustration suggère bien l’esprit de ce partenariat économique, basé sur des critères inédits de durabilité. Avec cet accord, la faune et la flore indonésienne s’en porteront mieux. Certaines ONG, hostiles au début, le reconnaissent aujourd’hui en soutenant ce texte.

      1. Inepties ! Vous mettez en avant des arguments faux.
        L’Indonésie est un des pays les plus corrompus de l’ASIE, ils ont refusés la révision de la loi sur la Commission pour l’éradication de la corruption pour continuer leurs petites affaires….
        Nul doute que nos politiciens ou nos fonctionnaires qui ont défendu cet accord n’ont pensé qu’au bien-être de nos agriculteurs ! et du peuple Indonésien !
        Vous devriez mieux choisir vos dossiers, vous défendez celui-ci qui pénalisera nos paysans et continuera de fossoyer les forets Indonésiennes !

  2. Alors que vous faisiez sur ce même blog de la désinformation à propos de l’initiative pour des entreprises responsables, me voilà maintenant d’accord avec vous: les garde-fous négociés m’ont l’air suffisant, et l’accord équilibré.

  3. La crise Covid nous a appris qu’il fallait détruire notre agriculture, bien trop chère et subventionnée par nos impôts, le plus rapidement possible. La loi du Marché nous démontre que nos paysans diminuent la compétitivé de la Suisse. Il faut stopper toute production locale et se rendre le plus dépendant possible des importations.
    L’huile de palme offre une alternative bien moins chère que l’huile de Colza produite localement et permet de produire des barres chocolatées et des biscuits industriels à bien moindre coût afin de préserver les marges. De plus, le coût modéré du transport maritime devrait continuer à favoriser l’importation malgré le réchauffement climatique. Quand à l’impact sur la santé, c’est un mythe: ce qui est important c’est que la marque plaise aux enfants et leur procure du bohneur sinon ces pauvres bambins pourraient devenir dépressifs.

  4. L’impact de la crise est sectorielle: le tourisme, le sport, la restauration, la culture, l’évenementiel, le commerce de détail sont les plus touchés. Difficile de comprendre comment les exportations vers l’Indonésie vont contribuer à redresser ces secteurs. Peu d’indonésiens viennent skier en Suisse et avec l’interdiction du hijab, il y en aura encore moins…

    D’autre part, avec la poursuite des délocalisations dues au franc fort, de plus en plus de biens ou de services exportés ne sont plus produits en Suisse et ne contribuent plus à l’emploi.

    Pouvez-vous donner plus de détail sur le type d’exportations ? Quel secteurs ? Quelles entreprises ?

    1. L’Indonésie connaît une croissance réjouissante depuis plusieurs années. Elle offre, avec plus de 260 millions d’habitants, de grandes perspectives à notre industrie d’exportation. Le démantèlement programmé des droits de douane permettra à nos entreprises de diversifier leurs marchés à l’heure où le protectionnisme a hélas le vent en poupe. En 2019, la Suisse exportait surtout des machines, des produits chimiques et pharmaceutiques, ainsi que des instruments de précision. On peut faire confiance à nos PME inventives pour trouver des opportunités. Vu que ni l’UE ni les États-Unis n’ont encore conclu un tel accord avec l’Indonésie, la Suisse bénéficierait d’un avantage concurrentiel notable.

      Pour le reste, je rappelle que le but d’un accord de libre-échange n’est pas de produire à l’étranger, mais bel et bien de faire baisser les prix des biens qui proviennent de Suisse.

      1. Le pari de l’argent contre la nature est perdu d’avance ! Nous sommes d’ailleurs en train de le perdre ! Et vous pouvez toujours courir plus vite que le lapin, la tortue vous rattrapera !!!
        Cette idée d’accroitre sans fin l’économie helvétique dépendante de la main d’oeuvre étrangère apparait plus que dépassée à l’ère du covid , elle déborde d’absurdités à tous les étages !!!
        Imaginez un peu : pour vendre plus de produits suisses , vous devez commencer par faire venir des frontaliers par milliers et donc construire des routes ou alors faire venir des Européens , les loger , construire des écoles , … et en parallèle , vous vous engagez à manger plus d’huile de palme indigeste , mauvaise pour la santé qui , pour couronner le tout, réduit la biodiversité !
        Il m’apparait pour le moins que ce calcul frise la démence !

      2. L’UE et les USA peut-être pas directement mais l’Asie oui avec le RCEP, le plus grand accord mondial, qui inclus les 10 plus grandes puissances ASEAN y compris la Chine… L’avantage concurrentiel pour les PME Suisse va être extrêmement mince … surtout que l’UE et la Suisse ont déjà un accord avec la Chine…

        Pour beaucoup d’entreprises, qui ont déjà des lignes de production en Asie (donc des entités légales), il est bien plus simple de travailler régionalement pour vendre à l’Indonésie. Pour les plus petites, ça sera David contre Goliath… bonne chance ! Il y aura, certes, des marchés de niche mais je crains que le volume ne soit clairement en défaveur de la Suisse. Pour l’industrie du luxe, les taxes d’importation ne seront, de toute façon, pas une barrière pour les riches Indonésiens (au contraire).

        De plus, il va bien falloir remplir les caisses suite à la crise Covid (qui va payer le manque à gagner des droits de douanes que nous allons supprimer – les entreprises Suisse locales plus fragiles ?). Il serait plus efficace de se concentrer sur la relance des secteurs fortement touchés (tourisme, etc) et le business local (construction, etc) qui sont plus dépendantes d’un accord avec l’UE que de l’Indonésie.

        N’oublions pas non plus que beaucoup de “petits poissons” (service, etc) en Suisse n’exportent pas directement mais font de la sous-traitance pour les très “gros poissons”…

        Mon impression est que cet accord sert surtout à booster l’importations de matières premières dont l’huile de palme pour répondre à la demande de l’industrie agro-alimentaire…

  5. Huile de palme durable ? Presque un oxymoron. Importer de l’huile produite à des dizaines de milliers de kilomètres alors qu’il existe des alternatives locales. Encourager une monoculture intensive à l’aide de pesticides. Tout cela pour une huile peu saine que la majorité des consommateurs souhaite éviter mais qui a été imposée par l’industrie dans les produits transformés.

    De plus, les fameux labels RSPO/CSPO ont permis de déculpailiser les inconditionnels des pâtes à tartiner mais cela n’a pas diminué la deforestation tant il existe de moyens de contourner le système. Cela rappelle le scandale récent sur la durabilité certifiée FSC du bois utilisé par un grand constructeur de meubles et qui a révélé un désastre écologique en transformant inutilement des arbres plusieurs fois centenaires en sciure…

    La seule consolation, c’est que la destruction de la biosphère de millions de chauve-souris en Indonésie devrait permettre la mise en contact de l’humain avec de nouveaux virus… peut-être une opportunité pour plus d’exportation de nos pharmas à long terme ?

  6. Les garde-fous pour la durabilité semblent un peu du green washing, au vu du niveau de corruption de ce pays.
    Mais la démarche est novatrice et mérite d’être saluée.
    C’est un premier pas vers une tendance plus responsable.

  7. Dans un accord de libre échange il y a un gagnant et un perdant, a priori les industriels suisses seront gagnants. Les suisses peut-être, les frontaliers sûrement, les indonésiens (hormis les élites) c’est peu probable. La Chine défend efficacement ses intérêts par diverses barrières douanières et profitent à plein des idéologues occidentaux du libre-échange (parfait passager clandestin de la théorie des jeux). Les USA, la France, la Grande-Bretagne….sont encore libre-échangistes malgré les désastres engendrées. Mais il faut reconnaître que c’est un succès pour la finance, aussi longtemps que les contribuables seront d’accord de payer leurs “erreurs” (too big to fail) !

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