Ne prenons pas le risque d’un «Swissxit»!

La campagne sur l’initiative de résiliation des accords bilatéraux (dite «de limitation») est lancée. L’enjeu est considérable, car l’adoption de ce texte menacerait la prospérité de notre pays. La voie bilatérale a fait ses preuves, et nous devons continuer de la suivre.

Un recul du PIB oscillant entre 460 et 630 milliards de francs sur vingt ans! C’est le coût estimé par la Berne fédérale de l’abandon des bilatérales. Ce chiffre vertigineux, avancé mardi par la conseillère fédérale, Karine Keller Sutter, donne la mesure des enjeux qui attendent les citoyens le 17 mai prochain. Il reste encore trois petits mois pour expliquer les conséquences funestes qu’aurait la suppression de la libre circulation des personnes, que demande l’initiative dite «de limitation».

La ministre de la Justice l’a rappelé, dire oui à ce texte signifierait la fin d’une voie bilatérale qui a largement fait ses preuves et marquerait le début d’un vide juridique. L’économie, on le sait, a horreur de l’incertitude. La Grande-Bretagne illustre cette réalité: selon une étude de l’agence Bloomberg, l’approbation du Brexit en 2016 a occasionné un manque à gagner de plus de 150 milliards d’euros à l’économie britannique. Abandonner la libre circulation des personnes et, dans la foulée, les accords bilatéraux qui y sont liés, n’a aucun sens. L’Union européenne est de loin notre premier partenaire commercial. Notre tissu industriel tire un grand profit des échanges commerciaux avec nos voisins. Le taux de chômage actuel – 2,3% à l’échelon national – n’a jamais été aussi bas depuis vingt ans. Une Suisse compétitive et ouverte, c’est la garantie d’emplois divers et variés.

Est-il vraiment raisonnable de tourner le dos à ces accords à un moment où les tensions internationales et les guerres commerciales fragilisent l’économie mondiale? Le «jeu» n’en vaut absolument pas la chandelle. On l’a vu lors de l’adoption de l’initiative «contre l’immigration de masse», en 2014. Entre 2014 à 2016, notre pays n’avait eu, de ce fait, qu’un accès partiel au 8e programme-cadre européen de recherche, intitulé Horizon 2020. Un rapport fédéral de 2017 a montré que cela avait coûté 1,4 milliard à la recherche suisse!  Emprunter une voie solitaire serait aussi préjudiciable que périlleux.

Solde migratoire en baisse

Maintenir la libre circulation des personnes ne doit pas faire craindre une déferlante européenne dans notre pays. Le solde migratoire baisse régulièrement depuis plusieurs années. Cela dit, l’économie a besoin de ces forces vives. En adoptant cette initiative, la Suisse court le risque de perdre une partie de la main-d’œuvre qualifiée qu’elle doit faire venir de l’UE. De nombreuses entreprises, qui ne trouvent pas les spécialistes dans notre pays, seraient alors sans solution. Lors de l’émission «Forum» de ce mardi, Nicolas Durand, CEO de la firme medtech Abionic, a expliqué combien un tel cas de figure serait problématique pour son entreprise.

Le 17 mai, il s’agira de ne pas jouer avec le feu. L’initiative de résiliation des accords bilatéraux devra être clairement rejetée pour ouvrir la voie à la signature de l’accord-cadre avec Bruxelles, qui permettra de stabiliser et de pérenniser les accords sectoriels.

Photo: AdobeStock

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

3 réponses à “Ne prenons pas le risque d’un «Swissxit»!

  1. En fait, chacun devrait simplement se poser la question: “Vivons-nous mieux ou moins bien sous le régime des bilatérales que durant la période intermédiaire qui a suivi le refus de l’EEE et la conclusion desdits accords?”. Si la réponse est que nous vivons mieux, pourquoi prendre le risque de tout remettre en question pour aller vers un avenir pour le moins incertain (dont la période qui a suivi le rejet de l’EEE peut nous donner un avant-goût: chômage élevé, inflation … )?

    1. Sauf que nous ne vivons pas mieux. Si on regarde l’évolution du PIB par habitant depuis 1949, jamais nous n’avons connu d’évolution aussi basse que depuis que nous avons la libre circulation. Nous n’avions alors jamais connu d’évolution négative du PIB, et depuis 2002, quatre évolutions négatives (donc régressions) et cinq évolutions du PIB inférieures à 1%, alors qu’auparavant il n’était pas rare de voir des augmentations de plus de 6-8%, voire même de 10 à 12%.

      Parler de l'”initiative de résiliation des accords bilatéraux”, c’est faire un raccourci mensonger qui révèle bien la faiblesse argumentative des opposants. Seule la libre circulation est visée par cette initiative, et la cause guillotine, en admettant qu’elle soit activée (ce qui serait clairement au désavantage de l’UE), ne touche que le premier pack des accords bilatéraux, en aucun cas au deuxième.

      1. Soyons précis: cette initiative veut mettre fin à la libre circulation des personnes avec l’Union européenne. Si elle était acceptée, notre pays serait obligé de mettre fin à cet accord dans un délai de treize mois. Mais ce n’est pas tout: la résiliation de la libre circulation entraînerait automatiquement, six mois après, celle des accords qui lui sont liés par la clause guillotine, c’est-à-dire les accords des Bilatérales I. A l’exception de celui sur la recherche, il s’agit de traités d’accès au marché: suppression des obstacles techniques au commerce, marchés publics, commerce de produits agricoles, transport terrestre et aérien. Toutes les entreprises exportatrices nous le disent: leur garantir un accès sans discrimination à leur principal marché est simplement vital pour elles.

        Par ailleurs, observer l’évolution réelle de notre PIB nous apprend autre chose : le PIB par habitant a crû en moyenne de 0,7% par an de 1993 à 2002, puis de 0,9% chaque année entre 2002 et 2011 (https://www.letemps.ch/economie/libre-circulation-ameliore-croissance-leconomie-suisse). Il est également précisé, sur la base d’une étude menée par les spécialistes du KOF, que le pouvoir d’achat des Suisses a augmenté durant la décennie en question. « (…) Le revenu intérieur brut par habitant – une mesure différente du PIB par habitant – a augmenté de 2,1% par an depuis 2002. Ces gains de pouvoir d’achat sont dus à l’évolution du rapport entre les prix à l’importation et à l’exportation, qui s’est révélée favorable pour la Suisse. » Quant au SECO, il a publié en 2019 une étude montrant clairement que la libre circulation des personnes a énormément amené à notre économie (https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/seco/nsb-news.msg-id-75639.html).

        Ainsi, en cas d’abandon des bilatérales, les économistes affirment que la Suisse enregistrerait un important recul de son PIB, et ce durablement. J’insiste : nous n’avons pas besoin de nous isoler, bien au contraire ! Ne nous tirons pas une balle dans le pied.

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