Congé paternité: et si l’on parlait de flexibilité?

Faut-il introduire un congé paternité dans la législation suisse? Dans l’air du temps, cette question a été empoignée le 20 juin par le Conseil des Etats lors d’un débat sur l’initiative en faveur d’un congé d’une durée de quatre semaines, proposé par les syndicats, et financé par les allocations pour perte de gain (APG) de manière paritaire, soit 0,06% du salaire. La Chambre haute s’est également exprimée sur un contre-projet indirect portant sur deux semaines à prendre durant les six mois suivant la naissance de l’enfant. C’est cette seconde option qui l’a emporté. 

L’idée d’un congé paternité, c’est une évidence, ne saurait être contestée dans son esprit. La société a évolué ces dernières années et aujourd’hui, nombre de pères de famille se sentent davantage concernés par la parentalité. C’est pourquoi la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) se montre favorable au contre-projet. Ce compromis nous paraît raisonnable et, surtout, supportable financièrement pour les entreprises. Cela dit, ce nouveau prélèvement sur les salaires doit nous faire réfléchir sur les limites d’un tel système: au vu des réformes sociales en vue (AVS, prévoyance professionnelle), il arrivera un moment où nous ne pourrons plus tout financer. Il s’agira alors d’établir des priorités.

Les entreprises ne sont pas restées les bras ballants ces dernières années face à la revendication d’un congé octroyé aux pères de famille. Car c’est déjà une réalité dans un certain nombre de sociétés qui aménagent, lorsque cela est possible, des politiques familiales arrangeantes. Cela dit, le choix d’un tel congé devrait à nos yeux être laissé aux patrons, car toutes les organisations ne disposent pas des effectifs suffisants permettant des remplacements aisés entre collègues, en particulier au sein des petites PME.

Cette réalité a été confirmée par l’enquête conjoncturelle d’automne 2017, dans laquelle la CVCI avait sondé ses membres à propos de cette initiative. Si une très légère majorité des répondants (51%) se montrait favorable à un tel système, les avis étaient toutefois très partagés, puisqu’une majorité des industriels (56%) rejetait cette option. Seuls 22% des sondés accordent en fin de compte un congé paternité, pour une durée moyenne de 6,3 jours. Des freins importants subsistent toutefois, car 63% des répondants opposés à ce texte invoquaient l’obstacle de la structure de l’entreprise, alors que 49% estimaient que cela impliquerait des coûts trop élevés. Des solutions personnalisées adaptées aux moyens et aux organisations pourraient dans tous les cas être encouragées. La CVCI montre elle-même l’exemple en prônant le temps partiel et le télétravail.

D’autres éléments à considérer

Cela dit, l’implication des deux parents dans l’éducation des enfants relève de bien d’autres éléments qu’un congé paternité de quelques semaines. Pour faire avancer les choses dans ce domaine, il faut agir sur la flexibilité des horaires de travail, disposer d’horaires scolaires harmonisés et, surtout, faciliter l’accès à des structures d’accueil pré- et parascolaires. C’est par le cumul de ces biais qu’un partage des tâches plus équitable au sein des couples pourra être envisagé.

Accorder deux semaines de congé paternité, c’est assurément une bonne chose. Mais il nous paraît tout aussi évident que la flexibilité constitue une réponse adaptée à cette problématique.

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Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

3 réponses à “Congé paternité: et si l’on parlait de flexibilité?

  1. Je doit avouer que je suis assez scandalisé quand j’entends parler de coûts trop élevés si l’on accordait quatre semaines de congés paternité. En effet, les couples ont en moyenne moins de 2 enfants. Ceci sur une vie professionnelle d’un peu plus de 40 ans. Donner 4 semaines (soit 4*5 jours) de congés paternité par enfant reviendrait donc à donner ~2*20 / 40 = 1 journée de congé supplémentaire par an (en moyenne et en arrondissant) et par père (en gardant à l’esprit que tous les hommes ne vont pas devenir père). Est-ce vraiment avec ceci que l’économie Suisse va plonger dans la récession?! Est ce qu’un tel sacrifice pour soutenir le renouvellement des génération est trop coûteux? Ou bien est-il plus rentable d’importer de la main d’œuvre de l’étranger pour ne pas avoir à assumer un coût tellement démesuré? Je me demande quelle est la vrai raison pour s’opposer à une mesure qui offre tellement de bénéfices à la société…

    1. Plus personne ne conteste aujourd’hui la légitimité d’un congé paternité et de ses bienfaits pour les familles. La CVCI soutient d’ailleurs l’option de dix jours. Cela dit, cette obligation légale pourrait être très compliquée à appliquer pour les petites PME de moins de 30 employés. C’est pourquoi je pense que les patrons sont mieux à mêmes de mettre en œuvre une telle prestation au sein de leurs structures, ce que nombre d’entre eux font déjà. En outre, et je le répète: je crois plus utile d’agir sur la flexibilité des horaires de travail, de disposer d’horaires scolaires harmonisés et, surtout, de faciliter l’accès à des structures d’accueil pré- et parascolaires. Il faut prioriser les investissements en faveur de la conciliation vie familiale-vie professionnelle et c’est dans ce dernier secteur que l’essentiel doit être mis en œuvre.

  2. Le Congé paternité est aujourd’hui une évidence qu’on ne peut plus contesté surtout après la gréve des femmes, tout comme d’ailleurs l’armée dont les femmes devront aussi assumer leur part de responsabilités ainsi que l’âge de la retraite à 65 ans.

    L’exemple suédois du congé paternité de 480 jours à répartir entre les deux parents est aujourd’hui totalement accepté et soutenu par la patronat suédois et toutes les entreprises suédoises qui, dois-je le rappeler est un pays d’entrepreneur (partage avec la Suisse le plus haut dépôt de brevet par habitants). Sur le totale de 480 jours, 60 jours sont réservés au père et 60 à la mère. Ces journées ne sont pas transférables. Les parents seuls ont naturellement droit à la totalité du congé parental. Le taux d’indemnisation est de 80 % du revenu ouvrant droit au congé pour 390 jours.

    La question est: Pourquoi et comment les entreprises suédoise peuvent-elles soutenir un tel congé parentale ? parce que dans le fait, il flexibilise le marché du travail, il permet aux jeunes apprentis ou universitaires d’intégrer le marché du travail plus rapidement en “remplacement” de ceux qui s’occupent de leurs enfants. Il perment aux employés d’être plus motivés et impliqué dans l’éducation de leurs enfants. Il permet aux entreprise d’être plus compétitive car obligées d’être plus flexible avec les employés. Il n’y a que des avantages et je défis un lecteur de me dire ce qu’il poserait comme problème, moi qui suit indépendant avec des employés.

    Le débat est un peu comme en 1947 lors de l’introduction de l’AVS ou de la LPP, beaucoup pensaient que ces mesures allaient ruiner la Suisse (compétitivité, coût du travail en Suisse trop élevé etc..), aujourd’hui qui remettrait en cause l’AVS et la LPP ?

    Pour plus d’info sur le modèle suédois qui marche même quand on vote à droite, la page wiki:
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_familiale_su%C3%A9doise

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