Le marché chinois, entre inquiétude et opportunité

Douze mille touristes chinois en une semaine à Lucerne, voilà qui ne passe pas inaperçu. Cet afflux organisé, qui a suscité moult commentaires, a permis de rappeler l’importance de la «relation spéciale» qui unit la Suisse à la Chine.

L’un des premiers pays occidentaux à reconnaître la République populaire, en janvier 1950, la Suisse a aussi fait œuvre de pionnier en matière de libre-échange en signant un accord le 1er juillet 2013 – longtemps après que de nombreuses sociétés suisses eurent établi, dans les années 1990 déjà, des présences commerciales soutenues en Chine. La récente visite du président de la Confédération, Ueli Maurer, à Beijing le confirme, la Suisse est dans les très bons papiers des Chinois. Le projet des nouvelles routes de la Soie n’est pas sans controverse, mais l’approche suisse, qui privilégie la participation et le dialogue à la porte fermée et au silence, est certainement la plus juste.

Au bénéfice de cette image très positive, qu’elle veut encore améliorer en la diversifiant et en lui donnant d’autres ressorts que les clichés habituels, la Suisse dispose d’atouts majeurs pour réussir en Chine et avec elle. La masse que représente le marché chinois permet d’imaginer des développements importants, dans le domaine touristique bien sûr, mais aussi pour nos entreprises d’exportation.

Mais à l’heure où la Chine connaît un ralentissement marqué de son économie, et s’est engagée dans un bras de fer protectionniste aves les Etats-Unis, à coup de sanctions et de représailles en cascade, n’y a-t-il pas un danger à trop miser sur ce marché? La sino-dépendance de pans entiers de l’horlogerie suisse lui a causé des tourments récents dont certaines marques souffrent encore…

Un atout majeur pour nos entreprises

Une récente étude publiée par le «Financial Times» livre des éléments de réponse intéressants et pas trop inquiétants. Elle indique en particulier que dans une économie chinoise certainement encore plus impactée par le ralentissement de croissance que les autorités de Beijing veulent bien l’admettre, les entreprises étrangères ont tiré leur épingle du jeu – surtout celles qui sont actives dans l’économie de précision, la pharma et l’énergie, des domaines où les sociétés suisses sont présentes. En revanche, toutes les activités liées au pouvoir d’achat et à la demande intérieure des consommateurs chinois souffrent.

L’étude du «FT» montre à quel point la Chine se transforme – d’abord dans son nord-est industriel, mais toutes les régions sont touchées. Elle devient de plus en plus un pays de services, la construction ralentit – sauf sous l’effet de plans de soutien décidés par le gouvernement –, l’inquiétude pour l’emploi est palpable à travers l’augmentation des recherches sur Internet. Ce ralentissement d’un poumon majeur de la croissance mondiale doit évidemment être observé avec prudence et attention. Mais le changement fondamental d’une société qui consolide sa classe moyenne est aussi une chance à ne pas manquer pour l’économie suisse. En ce sens, la capillarité des relations tissées avec le géant chinois est un atout majeur pour nos entreprises.

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Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.