L’impôt sur la fortune, injuste et anachronique

Le Conseil d’État vaudois a surpris son monde au début de ce mois en présentant sa «stratégie fiscale 2022». Dans le détail, il propose de baisser le coefficient cantonal d’impôt de 0,5 point en 2020, 2021 et 2022, d’augmenter de 1000 francs la déduction maximale pour les frais de garde et d’appliquer l’initiative populaire «Pour une baisse d’impôts pour la classe moyenne», qui élève de 800 francs la déduction pour primes d’assurance-maladie.

Il est certes temps de s’occuper de la fiscalité des personnes physiques, qui est particulièrement lourde dans le canton, comme le montre l’étude que la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) publie tous les deux ans. Cette même enquête relève aussi que l’impôt sur la fortune est le plus élevé de Suisse. Pourtant, le gouvernement ne dit pas un mot sur ce dernier, qui nuit clairement à l’économie, et dont la progressivité pèse lourdement dans les comptes des entrepreneurs à succès. Il faut savoir que tout propriétaire de son entreprise voit la valeur de celle-ci inscrite dans sa fortune imposable. Dans son programme de législature 2017-2022, le Conseil d’État parle de manière sibylline d’«examiner la nécessité de modifier l’imposition de la fortune». Belle audace…

Dans une récente opinion parue dans le bimensuel «Bilan», l’avocat et professeur de droit fiscal, Xavier Oberson, pointe du doigt l’aspect à la fois injuste et anachronique de cet impôt. Il rappelle que le Tribunal constitutionnel allemand a déclaré ce dernier inconstitutionnel en 1995, dans la mesure où son cumul avec le revenu provoque un impôt global qui dépasse 50% du revenu. De fait, de nombreux pays ont supprimé cette ponction dans la foulée. Rien de tout cela chez nous.

La CVCI fait de l’abaissement de l’impôt sur la fortune l’une des quatre priorités qu’elle défend dans le domaine fiscal, à côté de la mise en œuvre de la RIE III cantonale, de l’adoption d’une fiscalité modérée et compétitive des personnes physiques, et de la suppression de l’impôt sur les successions en ligne directe. Disons-le clairement: le maintien de l’impôt sur la fortune dans de telles proportions est incohérent au plus haut point. L’État engage des sommes importantes pour soutenir la création de start-up et l’emploi, mais ponctionne sans état d’âme particulier les propriétaires de ces mêmes start-up, ainsi que les PME. La taxation globale d’un entrepreneur propriétaire de sa propre société peut ainsi allègrement dépasser les 70% dans notre canton!

Le professeur Oberson poursuit en jugeant nécessaire de revoir cette imposition dans notre pays, car les risques de délocalisation sont, à ses yeux, sérieux. Il estime «dangereux de se contenter d’un système qui a été élaboré il y a plus d’un siècle et qui doit fondamentalement être revu à l’aube d’une nouvelle économie qui se dessine, faite de mobilité, de commerce numérique sans présence physique et de partage».

Son raisonnement relève du bon sens. L’heure est venue de sonner le glas d’une vision fiscale d’un autre temps, pour permettre à celles et ceux qui prennent des risques de générer de l’activité économique et des postes de travail.

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Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

2 réponses à “L’impôt sur la fortune, injuste et anachronique

  1. Pour les libéraux, tous les impôts sont injustes et anachroniques et seulement les pauvres doivent payer !
    On connait la chanson depuis très longtemps et justement , ce genre de position est à l’origine des révolutions ! De nouveau , il faut reprendre la logique dont Mme Amstein est dépourvue: le but est de construire un Etat fort, sans quoi, c’est la mafia qui gouverne. Un Etat se base sur des institutions qui servent l’ensemble des citoyens pour la cohésion sociale et pas seulement une poignées de privilégiés.
    Dans ce but, on en arrive fatalement à un budget qui doit être financé d’une manière ou d’une autre et les critiques simplistes n’ont pas cours spécialement dans un journal qui se veut d’être rationnel !
    On réclame plus de sécurité , gage de stabilité pour tous , cela exige forcément un effort réparti équitablement entre les divers partenaires qui composent la société et ceux qui possèdent une grande fortune sans revenu ni trop de dépenses doivent contribuer aussi à cet effort commun !
    On en déduit que toute forme de richesse participe au bien être collectif selon un clé de répartition à déterminer le plus efficacement possible sans tomber dans les excès. Ce sont les positions extrémistes qui nuisent à la société !

  2. Les entrepreneurs qui réussissent (en respectant la loi) méritent leur fortune, l’impôt sur la fortune devient confiscatoire.
    Je précise les entrepreneurs, et non les rentiers et/ou héritiers.
    L’impôt sur les successions serait bien plus efficace et légitime pour corriger les inégalités.

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