La voie bilatérale a le vent en poupe

Le Baromètre annuel des préoccupations de Credit Suisse, dont l'édition 2016 vient de paraître, montre que la population suisse demeure ouverte, à une époque où un repli nationaliste se manifeste un peu partout, notamment dans une Europe en crise. D'après cette enquête, réalisée auprès de 1010 personnes en collaboration avec l’institut gfs.bern, les principales inquiétudes des Suisses – chômage et étrangers en tête – demeurent mais perdent toutefois de leur intensité. En 2003, 63% des sondés voyaient le chômage comme un problème majeur, contre 56% l’an dernier, et 45% aujourd’hui. Les inquiétudes liées aux étrangers ont augmenté de façon quasi continue depuis 2003 (18%), atteignant même 43% l’an passé, mais on observe aujourd’hui un net recul de 7 points de pourcentage.

Le résultat le plus révélateur de ce baromètre concerne nos relations avec l'Union européenne (UE), et constitue le corollaire des tendances évoquées plus haut: 67% des personnes interrogées expriment l’envie de poursuivre la voie bilatérale avec Bruxelles alors qu'elles n'étaient que 47% l’an passé. Ce chiffre confirme une étude de «L'Hebdo» publiée en mai dernier selon laquelle 54% des Suisses choisiraient de conserver les accords bilatéraux avec l’UE s’il fallait choisir entre leur maintien et le respect de l'initiative du 9 février 2014 «contre l'immigration de masse». Ce texte, rappelons-le, demande la réintroduction de contingents de main-d'œuvre européenne, ce qui est contraire à l'accord sur la libre circulation des personnes.

Les tendances qui se dégagent du Baromètre de Credit Suisse vont dans le sens des récents débats parlementaires relatifs à la mise en application de l'initiative du 9 février. Les Chambres fédérales, désireuses de sortir de l'impasse dans laquelle ce texte a plongé la Suisse, ont opté cette semaine pour une solution compatible avec la libre circulation des personnes.

Les entreprises, plus clairement encore que la population, savent que le maintien des accords bilatéraux – voire leur approfondissement – est essentiel pour notre économie. La Suisse a besoin de maintenir de bonnes relations avec ses voisins pour créer des emplois et assurer sa prospérité. Malgré la conjoncture mitigée qui prévaut depuis des années sur le Vieux Continent, ce dernier reste le partenaire privilégié des exportateurs et importateurs vaudois. Parmi les huit principaux clients du canton, seuls les Etats-Unis et le Japon ne font pas partie de l’Union européenne. L'an dernier, selon les chiffres publiés par le Service cantonal de recherche et d'information statistique, le canton de Vaud a exporté pour 13,4 milliards de francs de produits, dont 59% en direction de l'Union européenne.

Les résultats de l'enquête de Credit Suisse donnent une indication sur l'attachement de la population à l'égard des bilatérales. Et montrent que le 9 février 2014, le peuple n'a pas dit non à ces accords. Les Chambres fédérales, elles aussi, ont fait ce choix en adoptant formellement la loi d'application sur l'immigration de masse, contre laquelle l'UDC renonce à lancer le référendum. Le Conseil fédéral dispose ainsi d'une marge de manœuvre pour élaborer un contre-projet à l'initiative «Rasa» permettant de pérenniser la voie bilatérale. Sortir de l'impasse est possible, les Suisses en ont plus que jamais administré la preuve.

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.