Un ballon d’oxygène insuffisant

Les contingents de permis de séjour pour les ressortissants extra-européens seront augmentés l'an prochain de mille unités par le Conseil fédéral. Ce geste constitue certes un pas dans la bonne direction, mais il est notoirement insuffisant: les cantons militaient pour 2000 permis supplémentaires, soit un retour aux chiffres qui prévalaient en 2014. Chacun a encore en mémoire que, dans la foulée de l'acceptation de l'initiative du 9 février, les sept Sages avaient décidé dans l'urgence de biffer 2000 permis de travailleurs en provenance de pays hors UE sur les 8500 qui étaient prévus.

La réduction drastique de ces contingents s'est révélée particulièrement funeste pour les cantons de Vaud et de Genève, des régions en plein essor où de nombreuses sociétés internationales ont grand besoin de main-d'œuvre qualifiée. Le Conseil fédéral dit avoir tranché en tenant compte des besoins persistants de l’économie en spécialistes mais aussi dans le contexte du nouvel article constitutionnel sur l’immigration et des débats en cours au Parlement. Pour lui, la priorité des travailleurs résidents en Suisse est assurée.

Il faut pourtant le dire et le redire: octroyer de telles autorisations à un personnel hyperspécialisé ne prend pas de places de travail aux Suisses. Les sièges de multinationales, à l'image de Nestlé, ont recours à ce genre de permis, notamment pour faire «tourner» leur personnel. Elles font ainsi venir régulièrement leurs cadres de l'étranger quelques mois au siège pour les former.

J'ai eu l'occasion de l'écrire dernièrement dans ce blog: la délivrance d'autorisations de travail en suffisance pour les étrangers extra-européens est une nécessité absolue pour l'économie de notre pays. Dans le canton de Vaud, près de la moitié des projets soutenus par la Fondation pour l'innovation technologique (FIT), organisme que la CVCI a contribué à lancer, ont à leur origine des ressortissants étrangers. Notre pays regorge certes de talents mais il manque aussi de professionnels qu'on ne trouve pas sur le marché de l'emploi indigène. Des spécialistes en recherche pharmaceutique ou en informatique font actuellement défaut cruellement.

Un nombre insuffisant d'autorisations de travail contraint de nombreuses entreprises à geler des projets dans l'attente de la délivrance de permis. Déjà mise à mal par le franc fort et les soubresauts de la conjoncture mondiale, parmi lesquels l'élection de Donald Trump ne constitue pas le moindre, la Suisse n'a guère besoin de chicanes administratives supplémentaires.

Le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann militait pour un retour à 8500 unités, et cela pour une excellente raison: quatre à six emplois suisses sont liés à la venue d'un spécialiste extra-européen. L'apport de cette main-d'œuvre peut donc contribuer à réduire le chômage en Suisse.

Le ballon d'oxygène octroyé par la Confédération à l'économie reste insuffisant. La région lémanique et l'ensemble de ses entreprises, qui contribuent largement à la prospérité suisse, ont besoin d'autorités au fait des réalités économiques et d'une vision d'avenir.

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.