L’égalité salariale au bout du chemin

Le dernier numéro de Numerus, le courrier statistique du canton, révèle que l'écart salarial entre hommes et femmes dans le secteur privé vaudois a atteint son niveau le plus bas en 2014, s'établissant à 12,4% ou 770 francs, alors qu'il s'élevait à 14,7% en 2004. Cette diminution est réjouissante et montre que l'écart se comble peu à peu.

Pour les statisticiens de l'Etat, ce resserrement s'explique notamment par l'augmentation de la part des femmes parmi les cadres supérieurs et moyens et parmi les détenteurs d'un diplôme universitaire. Ils notent aussi et surtout que «les femmes ont probablement plus souvent des parcours professionnels avec des périodes de travail à temps partiel et/ou des interruptions de carrière qui influent sur leur niveau de salaire».

Les chiffres de l'Office fédéral de la statistique le confirment: près de 60% des femmes actives travaillent à temps partiel, contre 16% chez les hommes. Les facteurs qui poussent les femmes à opter pour ce modèle de travail sont connus: la maternité et la situation familiale. Les mères avec partenaires travaillent majoritairement à temps partiel, et souvent avec des taux d’activité bas. Or, ce type de travail comporte de nombreux inconvénients comme le relève l'OCDE: leurs salaires sont souvent moins élevés, les conditions de travail ne sont pas garanties, la couverture sociale est moins bonne et les chances professionnelles et de carrière sont limitées.

Je reste convaincue que la question de l'égalité salariale ne sera jamais résolue en Suisse tant que le problème de l'accueil des enfants ne sera pas réglé. Une femme doit pouvoir travailler suffisamment pour disposer des ressources lui permettant de financer la garde de sa progéniture, et ainsi pouvoir progresser dans son cursus professionnel. L'OCDE, toujours, constate que notre pays a pris avec retard des mesures permettant la conciliation travail-vie familiale. La Suisse n’investit ainsi que 1,4% de son PIB pour l'accueil d’enfants, ce qui la place en queue de peloton international.

C'est une évidence: des offres en suffisance pour l'accueil d’enfants sont primordiales pour permettre aux femmes de s'investir dans le monde du travail. Une étude menée dans le cadre du Programme national de recherche «Egalité entre hommes et femmes» sur l’état des places d’accueil pour les enfants dans le pré- et parascolaire le laissait clairement entendre en 2013: une hausse de l’offre d’accueil extra-familial provoquerait une augmentation de temps complets chez les mères, ce qui aurait une incidence favorable sur l’égalité entre hommes et femmes. Nous n'avons d'ailleurs pas le choix car nous aurons besoin de l'apport des femmes et de leurs compétences pour faire face à la diminution de l'immigration et pour pallier le manque de main-d'œuvre dû au vieillissement de la population.

L'économie apporte sa pierre à l'édifice. Un pas important dans l'accueil parascolaire a été franchi en mars dernier avec l'adoption de la RIE III vaudoise. Au terme de leur accord, l'Etat et les entreprises vont chacun de leur côté contribuer à augmenter les capacités d'accueil, renforçant ainsi la loi sur l'accueil de jour des enfants qui avait fait de Vaud un pionnier en la matière en 2006. Le canton mettra de son côté 30 millions de francs, alors que les contributions versées par les employeurs doubleront en deux étapes. Celles-ci passeront en 2017 de 0,08% à 0,12% de la masse salariale soumise à l’AVS, pour atteindre 0,16% en 2019. Très récemment, Nestlé a inauguré l'extension de sa garderie La Case dans son Centre de recherche de Vers-chez-les-Blanc. Cette nouvelle unité accueillera les enfants des quelque 600 collaborateurs du site, mais aussi ceux des familles des communes avoisinantes, grâce à un partenariat entre la ville de Lausanne et la Fondation La Case.

L'économie s'engage pour davantage de places d'accueil de même que pour l'aménagement des horaires de travail afin de favoriser le travail des parents, un trend qui pourrait être accéléré avec des incitations fiscales. Tous ces efforts sont bienvenus et contribuent à faire avancer l'égalité salariale.

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.