Visa pour l’innovation

Faciliter la venue et le séjour de cerveaux étrangers sur son territoire est le rêve de nombreux responsables de l'économie. La délivrance d'autorisations de travail en suffisance devient alors une nécessité absolue, sous peine de voir des créateurs d'entreprises et autres jeunes pousses quitter leur pays d'accueil pour des raisons purement administratives. Dans le canton de Vaud, près de la moitié des projets soutenus par la Fondation pour l'innovation technologique (FIT), organisme que la CVCI a contribué à lancer, ont pour créateurs des ressortissants étrangers.

Pour favoriser l'arrivée et le maintien d'entrepreneurs novateurs sur sol américain – une start-up sur quatre a pour fondateur un entrepreneur étranger au pays de l'Oncle Sam -, l'administration Obama a lancé un projet aussi novateur que judicieux. Il consiste à offrir des  visas spéciaux aux dirigeants de start-up venus d'ailleurs. Pas question de quota ou de contingent! Pour bénéficier d'un tel sésame, son futur titulaire devra détenir au moins 15% du capital d'une société fondée aux Etats-Unis au cours des trois dernières années et avoir levé au minimum 350 000 dollars auprès d'investisseurs américains. Ce visa sera valable deux ans, et renouvelable pour trois années supplémentaires.

Ces exigences supposent certes de détenir des fonds en suffisance, une denrée dont les créateurs de start-up ne disposent pas forcément. Mais au moins ce modèle a-t-il le mérite de réduire les contraintes administratives. Jordi Montserrat, responsable romand de l'incubateur Venturelab, a loué ce modèle l'autre jour sur les ondes de La Première, estimant qu'il permet d'adresser un message fort aux porteurs de projet. En Grande-Bretagne, un système similaire existe sous la forme de visas d'entrepreneurs.

Et en Suisse, où en sommes-nous? Jordi Montserrat nourrit quelques inquiétudes au sujet de la compétitivité de notre économie. Pour ce dernier, notre pays ne va pas assez vite dans cette direction et aurait même plutôt tendance à faire des pas en arrière. L'exemple de Google est à ce propos très évocateur. L'un de ses cadres a révélé à la fin de l'an dernier que le géant américain n'avait engagé que deux nouveaux collaborateurs dans son siège zurichois! En cause: des autorisations de travail délivrées au compte-goutte depuis que la Berne fédérale a décidé de réduire les contingents d'employés hors de l'Union européenne, à la fin de l'année 2014.

Les déclarations de Google ont alerté les milieux de la promotion économique zurichois. Balz Hösly, président du conseil d'administration de l'organe de promotion Greater Zurich Area, a ainsi déclaré que «les contingents de personnes venant d'Etats tiers posent problème. On parle de travailleurs originaires de Chine, de Singapour, des Etats-Unis ou du Brésil (…) Ce sont des gens très demandés sur le marché du travail. Et c'est là qu'il faut être moins restrictif.»

A l'heure où l'on est en demeure de régler la question de l'immigration suite à la votation du 9 février 2014, notre pays doit s'interroger sur les meilleurs moyens d'attirer et de garder les créateurs et développeurs des jeunes pousses de demain, une problématique qui va bien au-delà de la question européenne. Rappelons que le quota des travailleurs non européens est aujourd'hui quasiment épuisé en Suisse. Dans le domaine des start-up, les Etats-Unis, ont fait preuve de créativité avec leurs visas spéciaux. Sachons nous aussi innover!

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.