Le coût exorbitant de l’abandon des bilatérales

Chute du produit intérieur brut, moins d'emplois, nouvelles barrières au commerce, place scientifique moins compétitive : voilà ce que nous devons craindre en cas d'extinction des accords bilatéraux I. 

Centrale dans le débat sur la mise en œuvre de l'initiative " Contre l'immigration de masse ",la question des conséquences d'un abandon des bilatérales I (et surtout leur ampleur) a été traitée par deux études indépendantes, réalisée sur mandat du Secrétariat d'Etat à l'économie suisse (SECO). Comme l'a relayé  le Conseil fédéral, les deux instituts de recherche économique s'accordent sur un point inquiétant : la suppression des Bilatérales I coûterait des milliards à la Suisse. En moins de 20 ans, on perdrait l'équivalent d'un revenu annuel actuel. Selon Ecoplan, en 2035, le PIB serait inférieur de 4.9 %, alors que le BAK évalue ce chiffre à 7,1 %. Soit une perte de 460 à 630 milliards de francs.  (Lien hypertexte sur le communiqué avec plus de chiffres)

La même semaine, une étude de KPMG révélait que 73 % des entreprises interrogées, sondées dans l'ensemble des secteurs d'activité, craignaient les répercussions négatives d'une extinction des accords bilatéraux. L'inquiétude par rapport à nos relations avec l'Union européenne est donc bien réelle.  Et pour cause.

Barrières au commerce

Depuis l'entrée en vigueur Bilatérales I, l'accès au marché européen a été grandement simplifié. En supprimant les obstacles techniques au commerce, c'est-à-dire en facilitant la vérification de la conformité et la commercialisation des produits suisses en Europe (et vice-versa), l'accord a permis à nos entreprises de gagner du temps et de l'argent.  Et les chiffres sont clairs : les entreprises suisses ont vendu pour 87 milliards de marchandises aux pays de l'EU en 2001, alors que ces exportations ont dépassé les 116 milliards en 2013. L'évolution de nos exportations montre que la Suisse a  nettement bénéficié des Bilatérales. Les sociétés, fortes d'un accès simplifié à des millions de nouveaux  consommateurs étrangers, ont pu se développer et crée des emplois.

Le marché européen représente 60 % des exportations suisses. Ce chiffre suffit à expliquer pourquoi la préservation de ces accords est cruciale pour  l’industrie d’exportation suisse. Un retour en arrière n'est tout simplement pas imaginable.

La recherche et l'embauche

Mais un blocage avec l'Europe ne toucherait pas que les exportations. La recherche occupe également une place centrale. Avec une économie fondée sur l'innovation, préserver une place scientifique compétitive et prospère  est essentiel pour la Suisse. L'accord sur la recherche l'a aidé dans ce sens. Il a permis  aux chercheurs et aux entreprises helvétiques de participer aux programmes-cadre de l'UE, améliorant les performances du pôle de recherche suisse tout en renforçant l'innovation. On peut redouter une perte conséquente si elle en vient à les rompre. Souvenons nous  que, directement après le vote du 9 février 2014, Bruxelles a suspendu les négociations sur la participation suisse aux programmes "Horizon 2020" et "Erasmus".  

Quand au marché du travail, l'accord sur la libre circulation a permis aux employeurs d'embaucher, sans trop de bureaucratie, des spécialistes en provenance de l’espace européen qu’ils ne trouvent pas en Suisse. On note que  l'immigration en provenance de l'UE n'a pas conduit à l'éviction de la main-d'œuvre résidente. Elle a été un complément pour le marché du travail indigène.

Perte d'attractivité

En plus de ces conséquences évidentes, l'abandon des bilatérales conduirait aussi à une inquiétante perte d'attractivité, qu'on peut difficilement chiffrer. Il ne faut en outre pas oublier de tenir compte de la détérioration des relations de la Suisse avec son principal partenaire commercial. Il faut donc s'attendre à ce que les retombées économiques soient encore plus graves. Cet aspect a été mis en évidence par les deux études, qui estiment avoir sous-estimé les retombées négatives.

Les faits montrent que la place économique suisse a largement profité, et à bien des égards, des accords bilatéraux. Il s'agit de maintenir cette dynamique.

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.