Les Audacieuses / Las Atrevidas |:| Carte Postale de Montevidéo n°4

 

LES AUDACIEUSES

Prenez 8 femmes ajoutez quelques 10aines de kilos de béton, mettez-les dans une prison et mélangez le tout. Le résultat est là.

8 solos performatifs qui viennent remuer les tréfonds de notre inconscient collectif. Elles montrent ce que la société cache, elles dénoncent ce que la collectivité tente d’oublier, elles se jouent de ce qu’on leur a appris à être.

Yann Marussich n’est pas loin. Le rôle qu’il a endossé est encore mystérieux. Il était là, il écoutait, il donnait le rythme, deux heures de chi-kong, une heure de tour de table, une heure de pause, encore une ou deux heures de tour de table et du travail concret, de la pratique. Chacune a fait ce dont elle avait besoin. Se préparer mentalement, faire des recherches historiques, écrire, se préparer physiquement, éventuellement s’entraîner à demeurer dans une immobilité choisie.

Pendant ces six semaines d’immersion réparties sur 6 mois, chacune a frayé son chemin. Avec audace, chacune a empoigné à bras-le-corps ce qu’elle avait à dire. De toutes ces réflexions politiques, sociales et féministes sont nées les images qu’elles ont donné à voir.

Le béton, dans ce laboratoire, est devenu médium pour dénoncer, entraver, immobiliser, révéler, fusiller, construire, détruire, séparer.

Chacune parle de sa performance

 

 

Maria Heller:  “Mon acte sauvage de repos”

C’est une pratique, une manière d’être, un besoin de me laisser tomber en moi-même et de rompre avec le simulacre de continuer à vivre comme ça.

 

 

Luna Anaïs : “Insilio (exil intérieur) – ou rester sans être là”

avec la collaboration de Juan Manuel Ruétalo pour la bande sonore

L’”insilio” est le contraire de l’exil; (…) c’est une manière de partir sans bouger (…) ou de rester sans être vraiment là. C’est l’enfermement/déterrement de soi-même” / Si j’avais pu dessiner ma pensée, ça aurait été une ligne droite profonde qui caresserait tout ce que nous n’avons pas pu oublier. / Elle se divise, se perd, congèle, allume, traverse et n’arrête pas d’apparaître. / Comme aller à vélo en direction de Quinta Normal, sachant que sur le chemin il y a tant de choses à voir que l’on ne peut faire autre chose que laisser passer.

Paula Giuria Bianchi: “Ciudad Vulva”

Un lieu de passage, un rituel d’entrée dans une nouvelle étape liminale entre la fécondité et la mort, entre le féminin et le masculin.

Une déclaration d’identité.

Un acte indécent.

Leticia Sarante: “Animal du béton”

Bête absurde tu répètes ta maladroite déambulation tu es fatiguée parce qu’avant d’aimer tu as appris à user de la force. Exilée dans des labyrinthes de béton sans issue tu as fabriqué une prothèse pour le plaisir fuyant la solitude détruisant irrémédiablement cherchant à l’aveugle une raison d’exister tu as fouillé les décombres de ton bonheur. Qu’est-ce qui te pousse à continuer malgré la douleur? Qu’est-ce qui dégorge sous la sueur et la poussière que couvre ta peau? Tu ne peux pas résister à la faim d’autres corps, à ce qui nécessairement se passe au-delà de ta volonté, à ton désir de forêts de terres et de rivières dans lesquelles attend dans une pierre le magnifique secret de ta liberté.

Nastassja Roca: “Évasion, tout ce qui n’est pas éphémère”

Germer pour combattre l’oubli / proliférer entre les fissures / fleurir sans nom ni gloire, là où personne ne veux -ni ne doit- / ne pas laisser plus de traces que le sillon de la présence dans le sol / être mauvaise herbe, cardon, n’exister qu’en passant, en respirant haut et fort pour hâter le temps / persister, s’adhérer, se défaire / La mauvaise herbe ne meurt jamais: nous sommes cels que personne ne voit. Les oublié.es, caché.es.

Corps liminaux, décolonisés, déviés (es plantes ne connaissent ni douleurs ni enfermements.)

Inés Rocca: “Les rivières naissent du néant”

Le béton est ma maison poussiéreuseet dure. Indestructible. / C’est la limite concrète qui structure ce bouillon de culture. / Il n’est pas dans mon sang, ni dans mes os / c’est ma deuxième peau. / Je suis fille du ciment. /et mère aussi. / Mon utérus ensevelit la terre mais habille les lumières et les rues. / Là se trouvent mes souvenirs les plus chers. / Les bêtes de ma poitrine mâchent. Exclues et indifférentes, leurs corps dérangent. / Le ciment est lourd sur mon bras, sur mes cervicales. / Le ciment fait mal aussi / Il fissure /

Comme l’eau souterraine ou la viscère déchirée. / Cours d’haut / Les rivières naissent du néant.

 

Ihasa Ticono: “Tripalium”

Travail: dérivé du latin tripalium, élément de torture. Le onzième commandement dit: tu ne pourras pas.

Sainte Tête de Ciment dicte, sur la loi d’un dieu quelconque: Tu mangeras le pain avec la sueur de ton front. Six jours tu travailleras, et tu n’auras rien de ton oeuvre, rappelle-toi du samedi pour le sacrifier. Tu ne convoiteras pas la maison de ton patron, tu la construiras et la verras tomber. Tu seras la force de travail et tu ne pourras pas. Tu enfanteras dans la douleur, tes enfants travailleront avec douleur. Ils têteront de tes seins sales, jour après jour, ils suffoqueront de ciment, riront ciment. Tu l’absorberas, vivras de ta torture et poussière deviendras.

 

Paola Pilatti: “Les fusillé.es du ciment”

En 2015 Godin y Lugano, héros nationaux contemporains, ont acheté une entreprise de fabrication et d’importation de ciment. / Ils l’ont appelée Cemento Charrúa*. / Ce corps qui simule un geste ironique, ne fait qu’un geste inutile. L’ironie révèle la littéralité de l’horreur. Le désert de ciment s’étend devant nous et en nous. / Fissure-le.

*Charrúa est le nom du peuple indien qui vivait et a été exterminé sur les terres devenues l’Uruguay après la colonisation.

Yann Marussich sur le laboratoire

“Il y a quelque chose de très politique sous jacent à ces performances je leur ai demandé sans cesse de trouver quelque chose d’à la fois très personnel et universel dans une mise en scène minimaliste le corps / un objet / du béton / un espace Nous sommes dans une prison ce lieu est chargé d’oubliés et de fantômes et chargé d’une histoire peu glorieuse une histoire de dictature mais les dictatures ont pris d’autres formes aujourd’hui elles sont économiques aujourd’hui le béton est en guerre il est même ce qu’on appelle un colonisateur il rend cet élément indispensable à notre société hygiéniste et emploie par tous les moyens jusqu’aux plus délirants mensonges que les Etats ne font que confondre en ignorant le fond du problème la préservation de notre planète contre cette machinerie mondiale qui asphyxie la terre le ciel pie le sable et l’eau sans parler de l’érosion galopante des côtes qui s’en suive huit femmes s’y sont plongé pendant six mois ce n’est pas facile de plonger dans un élément si agressif et si familier à la fois parce qu’au fond nous sommes tous responsables ça fait mal d’être responsable ça pique ces huit femmes doivent trouver des limites pour ne pas se perdre   repousser des limites physiques et psychologiques pour grandir encore dans ce chemin d’humains et comprendre que nous sommes un ensemble et que chacun est chacun l’autre en même temps   miroir étourdissant que le présent nous tend minute après minute visage après visage corps après corps     ces huit femmes combattent avec leurs corps libres et prisonniers à la fois nous vivons dans des prisons successives le corps est une possible prison tout en étant la clé de la libération de l’esprit ces huit femmes combattent Inès Paula Leticia Luna Nataja Ihassa Paola et Maria des prénoms qui finissent sept fois par a aaaaaaa un cri des cris que le s du prénom sans a à la fin rajoute   des cris éphémères incrustés dans le vent si présent à Montevideo     le vent refuge des cris perdus”

 

 

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(VERSION ESPAÑOL)

 

LAS ATREVIDAS

Tome 8 mujeres, agregue algunas decenas de kilos de hormigón, ponga todo ello en una prisión y mezcle. El resultado está aquí.

8 solos performativos que viene a remover lo más recóndito de nuestro inconsciente colectivo.
Ellas muestran lo que la sociedad esconde, denuncian lo que la colectividad intenta olvidar, se burlan de lo que se les ha enseñado.

Yann Marussich no está lejos. El papel que ha asumido es aún un misterio. Estaba allí, escuchaba, daba el ritmo, dos horas de chi-kun, una hora de discusión, una hora de pausa, otra hora o dos de discusión y de trabajo concreto, de práctica. Cada una hizo lo que necesitaba. Prepararse mentalmente, hacer investigaciones históricas, escribir, prepararse físicamente, eventualmente entrenarse a permanecer en una inmovilidad escogida.

Durante esas seis semanas de inmersión repartidas en seis meses, cada una hizo su propio camino. Audazmente, cada una asumió con determinación lo que tenía que decir. De todas esas reflexiones políticas, sociales y feministas nacieron las imágenes que nos mostraron.

El hormigón, en ese laboratorio, se convirtió en un medio para denunciar, obstaculizar,inmobilizar,revelar,fusilar, construir, destruir , separar.

 

Cada una habla de su performance

 

Maria Heller: “MI ACTO SALVAJE DE DESCANSAR”

Es una práctica, una forma de estar, una necesidad de caerme hacia mí misma de romper con el simulacro de seguir viviendo en esto.

 

Luna Anaïs: ” INSILIO – O QUEDARME SIN ESTAR- “

Asistencia y diseño sonoro: Juan Manuel Ruétalo

“El insilio es lo contrario al exilio; (…) es una forma de irse sin moverse (…) o de quedarse sin en realidad estar. Es el encierro/destierro de unx mismx”  /  Si hubiese podido dibujar mi pensamiento, este era como una línea recta profunda que acariciaba todo lo que no pudimos olvidar.   /   Se divide, se pierde, congela, enciende, atraviesa y no deja de aparecer.   /   Como andar en bicicleta en dirección a Quinta Normal, sabiendo que en el camino ves tanto que no puedes hacer otra cosa que dejar pasar.

 

Paula Giuria Bianchi : “CIUDAD VULVA”

Un lugar de paso, un rito de entrada a una nueva etapa liminal  entre la fecundidad  y la muerte, entre lo femenino y lo masculino. / Una declaración de identidad. / Un acto indecente.

 

 

 

 

 

Leticia Sarante: “ANIMAL DEL CEMENTO”

Bestia absurda repites  tu torpe deambular estás cansada porque antes de amar aprendiste a usar la fuerza. Exiliada en laberintos de cemento sin salida fabricaste prótesis para el placer huyendo de la soledad destruyendo irremediablemente buscando a ciegas un motivo para existir hurgaste en los escombros de tu felicidad. Qué te anima a seguir a pesar del dolor? Qué escurre por debajo del sudor y del polvo que cubren tu piel?  Sin embargo no puedes resistirte al hambre de otros cuerpos, a lo que necesariamente sucede más allá de tu voluntad, a tu deseo de selvas de tierras y de ríos en los que aguarda adentro de una piedra el hermoso secreto de tu libertad.

Nastassja Roca: “EVASIÓN // TODO LO QUE NO ES EFÍMERO”

Brotar para combatir el olvido / proliferar entre grietas / florecer sinnombrenigloria, ahí donde nadie quiere -ni debe- / no dejar más huellas que el surco de la presencia en el suelo / ser yuyo, cardo, existir solo de paso, respirando alto y fuerte para apurar el tiempo /persistir.adherirseodeshacerse/ 

Hierba mala nunca muere: somos lxs que nadie ve. Lxs olvidadxs, escondidxs. Cuerpas liminales, descolonizadas, desviadas. (Las plantas no saben de dolores ni de encierros)

Inés Rocca: “LOS RÍOS NACEN DE LA NADA”

El cemento es mi casa polvorienta y dura. Indestructible. / Es el límite concreto que ordena este caldo de cultivo. / No está en mi sangre, ni en mis huesos /  es  mi segunda piel. / Soy hija del cemento./ Y madre también. / Mi útero sepulta la tierra pero abriga luces y  calles. / Ahí están mis recuerdos más preciados./Mastican las bestias de mi pecho. Excluídas e indiferentes, molestan sus cuerpos./El cemento pesa en mi brazo, en mis cervicales. / El cemento también duele./  Agrieta  /  Como agua subterránea o víscera rota. / Curso alto / Los ríos nacen de la nada

 

Ihasa Ticono: “TRIPALIUM”

Trabajo: deriva del latín tripalium, elemento de tortura. El onceavo mandamiento dice: No podrás.

Santa Cabeza de Cemento dicta, sobre la ley de cualquier dios: Comerás el pan con el sudor de tu frente. Seis días trabajarás y no tendrás nada de tu obra, acuérdate del día sábado para sacrificarlo. No codiciarás la casa de tu patrón, la construirás y la verás caer. Serás la fuerza de trabajo y no podrás. Parirás con dolor, tus hijos trabajarán con dolor. Mamarán de tus tetas sucias, día a día, jadearán cemento, reirán cemento. Lo absorverás, vivirás de tu tortura  y en polvo te convertirás.

Paola Pilatti: “LXS FUSILADXS DEL CEMENTO”

En el año 2015 Godín y Lugano, héroes nacionales contemporáneos, compraron una empresa de fabricación e importación  de cemento.   /  La llamaron cemento charrúa.  /  Este cuerpo que simula un gesto irónico no hace más que un gesto inútil. La ironía revela la literalidad del horror.  /  El desierto de cemento se expande ante nosotxs y en nosotrxs.  /   Agrietalo.

 

Yann Marussich sobre el Laboratorio de cemento

Hay algo muy político subyacente en estas performances     les pedí todo el tiempo encontrar algo muy personal y universal a la vez en una puesta en escena minimalista / el cuerpo / un objeto / el cemento / un espacio   estamos en una cárcel este lugar está repleto de olvidados y de fantasmas cargados de una historia poco victoriosa una historia de dictaduras pero las dictaduras tomaron otras formas hoy son económicas   hoy el hormigón está en guerra hasta es los que llamamos un colonizador éste elemento se ha vuelto indispensable para nuestra sociedad higiénica y utiliza todos sus medios hasta las más delirantes mentiras los estados cómplices no afrontan el fondo del problema la conservación de nuestro planeta contra esta máquina económica mundial que asfixia la tierra el cielo saquea la arena y el agua sin hablar de la erosión salvaje de las costas que a esto le sigue         ocho mujeres se sumergieron durante seis meses no es fácil sumergirse en un elemento tan agresivo pero a la vez tan familiar porque en el fondo todos somos responsables duele ser responsable   pica   estas ocho mujeres deben encontrar límites para no perderse ampliar sus límites físicos y psicológicos para seguir creciendo en este camino de humanos y entender que somos un todo y que cada uno es uno y el otro al mismo tiempo     espejo vertiginoso que el presente nos ofrece minuto a minuto rostro tras rostro cuerpo tras cuerpo   estas ocho mujeres luchan con sus cuerpos libres y a la vez prisioneros vivimos en cárceles sucesivas   el cuerpo es una posible cárcel pero también es la clave de la liberación del espíritu     estas ocho mujeres luchan Inés Paula Leticia Luna Nastassja Ihasa Paola y María nombres que terminan siete veces con la a aaaaaaa un grito gritos que la s del nombre sin la a al final Inès agrega           gritos efímeros incrustados en el viento tan presente en Montevideo                       el viento   refugio de los gritos perdidos

2 réponses à “Les Audacieuses / Las Atrevidas |:| Carte Postale de Montevidéo n°4

  1. Waow quelle aventure ! Elles sont si belles, si courageuses… Merci pour ces postales filmées avec douceur et sensibilité. Parfois c’est comme si on pouvait nous aussi les frôler de très près… à travers les images… Merci, c’est beau, c’est touchant.

    1. Elles ont été magnifiques, j’ai suivi toute leur trajectoire pendant ces 6 derniers mois et je dois dire que voir le résultat a été un cadeau. Oui, du courage, c’est le moins qu’on puisse dire, je me réjouis de leur offrir une belle place dans le documentaire qui suivra.

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