Xi Jinping s’apprête à changer l’ordre constitutionnel chinois

A Pékin, les premiers mois de septembre sont souvent les plus beaux de l’année ! Le soleil brille, les vents sont faibles et les températures clémentes. Politiquement, c’est aussi le calme… avant la tempête ! En effet, les représentants du parti communiste chinois (presque 90 millions de membres – ce qui en fait le plus grand parti politique au monde en concurrence avec un parti communiste indien) sont sur le point de se retrouver, le 18 octobre prochain, pour leur 19ème rendez-vous quinquennal.

L’approbation du programme du prochain quinquennat ainsi que la formation du nouveau bureau politique (politburo), soit un collège de 7 membres qui contrôle le parti, donc le pays, seront les thèmes centraux de cette réunion de tous les superlatifs.

Les préparations et les délibérations se jouent depuis plus de 5 ans, voir 10, pour le Président Xi Jinping, élu Secrétaire générale du parti le 15 novembre 2012. En effet, le 18 octobre prochain, Xi renouvellera son mandat de Secrétaire du parti pour une période de 5 ans et un nouveau bureau politique permanent composé de 7, voire de 5 membres, se présentera à la presse dans un ordre hiérarchiquement défini. Sa configuration déterminera le futur politique de la Chine, mais encore, celle des ambitions et du pouvoir du Président actuel.

La tension est palpable et les spéculations sont nombreuses. A ce jour, rien n’a filtré des dernières séances du politburo qui s’est réuni presque 10 jours dans la station balnéaire de Beidaihe dans la province du Hebei (285 km à l’est de Pékin). Ceci est certainement dû au couvre-feu instauré par Xi sur les cadres du parti depuis son accession au pouvoir. Une fuite serait considérée comme une fausse note et la légitimité de Xi, déjà nommé « Core leader » du parti en octobre 2016, serait entamée.

En résumé, il y a quatre enjeux institutionnels qui devront être discutés et résolus préalablement à la formation du prochain politburo le 18 octobre prochain. Le premier étant l’âge limite de la prise d’un mandat par un membre du politburo. En effet, ce dernier est établi symboliquement à 67 ans au plus tard et 5 membres actuel du politburo ne pourraient plus se représenter. Xi fera-t-il cesser cette pratique pour maintenir son allié Wang Qishan (né en 1946) au bureau politique ? Pour rappel, ce dernier est le grand ordonnateur de la lutte anti-corruption qui sévit en Chine depuis 2012. Plus de 100’000 membres du parti auraient été condamnés pour corruption dont près de 120 hauts fonctionnaires, 15 généraux et plusieurs présidents de sociétés publics chinoises. Mais encore, partant du principe que Xi aura 68 ans en 2021, changera-t-il l’ordre constitutionnel en briguant un troisième mandat (interdit selon la gouvernance actuelle) ?

Deuxième enjeu institutionnel, est-ce que Xi intégrera son possible successeur dans la prochaine composition du politburo ? En effet, Xi Jinping est selon l’ordre constitutionnel autorisé à remplir 2 mandats de 5 ans maximum. Il débutera ainsi son deuxième terme cette année et il est, par habitude, de bonne facture de nommer son futur successeur comme Vice-Président. Si ce dernier n’est pas annoncé comme tel, alors Xi, laissera un vide institutionnel et cherchera certainement à prolonger son règne en affaiblissant les velléités de ses possibles successeurs.

Troisième enjeu, est-ce que le nombre de membre du politburo diminuera de 7 à 5 ? Il est logiquement plus facile de diriger le pays avec 5 dragons que 7. Le Président chinois Hu Jintao en sait quelque chose ! Selon les observateurs avertis, son mandat a été affaibli pour deux raisons. La première, parce que le Président précédent, Jiang Zemin, a maintenu son pouvoir après son départ en y plaçant ses alliés à tous les postes stratégiques du parti. La deuxième, parce que la composition du bureau politique sous son mandat était de 9 membres, donc trop lourde pour l’obtention d’un consensus entre les multiples factions.

Finalement, dernier enjeu, est-ce que les prochains membres du politburo seront tous des alliés du Président ou Xi devra-il composer avec les différentes factions (chose courante comme en Suisse d’ailleurs) ? Pour rappel, Xi Jinping, actuel Secrétaire général du parti communiste et Président de la République populaire de Chine est l’une des figures de la 5ème génération de dirigeant du parti communiste. Il est surtout connu comme le chef de fil de la faction des « Princes rouges », héritiers des fondateurs et anciens du régime. Le père de Xi était Vice-Premier ministre sous Mao Zedong et le Vice-Président de l’Assemblée populaire sous Deng Xiaoping. Cette faction s’oppose à celle de la « Ligue de la jeunesse communiste chinoise » dont le chef de fil est l’ancien Président Hu Jintao et dont le représentant actuel au politburo n’est autre que le Premier Ministre, Li Keqiang. Par ailleurs, il est important de mentionner que les « Princes rouges » sont proches de la faction de « Shanghai » menée par l’ancien Président Jiang Zemin. Xi Jinping, fut lui-même le Secrétaire du parti de la municipalité de Shanghai, territoire administratif, économique et financier très puissant, ayant le statut de province en Chine.

Vous l’aurez compris, le résultat de ces tractations sera déterminant pour l’avenir politique du Président Xi mais principalement pour la stabilité de tout le système de gouvernance du parti. Dans le passé, les choses semblaient relativement claires, mais aujourd’hui, de nombreux doutes subsistent. Les opposants au Président Xi propagent que ce dernier cherche a rétablir le statut de « Chairmanship » du parti dont Mao Zedong et Deng Xiaoping ont su profiter. Il est connu que l’influence des anciens présidents reste forte dans le parti après leur départ à la retraite et Xi semble déterminé à tourner cette page en cassant cette pratique et en instaurant ses propres idées et méthodes. Comme le disait Deng Xiaoping : « Peu importe que le chat soit gris ou noir, pourvu qu’il attrape les souris ».

PS : J’en profite pour vous recommander la lecture du livre « Coup d’Etat à Pékin » de Ho Pin et Huang Wenguang paru aux éditions Slatkine & Cie. Ce livre retrace l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping au travers du scandale de Bo Xilai, Secrétaire du parti de la municipalité de Chongqing, fils de Bo Yibo, l’un des huit immortels du Parti communiste chinois.

Fuis ceux qui te disent qu’ils connaissent la Chine !

« Fuis ceux qui te disent qu’ils connaissent la Chine ! » C’est la première réflexion qui m’a été faite dès mon arrivée en 2008 dans l’empire du milieu de la part d’un suisse vivant à Pékin depuis quelques décennies.

En effet, plus j’ai pensé comprendre cet empire secret, plus lourde a été la chute. La Chine semble être à la fois le pays le plus connu tout étant le plus mal compris de notre monde terrestre.

Vous l’aurez peut-être remarqué, certains étrangers se plaisent après quelques mois de vie en Chine à partager leur expérience sous la forme de conférences. Pour ceux ayant passé plus d’un an dans ce nouveau monde, la conclusion de ce séjour se termine souvent par la publication d’un livre dès le retour, mais après plus de 5 ans passé en Chine, la chose la plus importante que j’ai apprise, c’est de se taire ! Eh oui, nous serons toujours que de simples observateurs de cette civilisation en perpétuel mouvement.

A ce propos, je remarque souvent que les étrangers les plus érudits du monde chinois sont en effet les plus modestes.

La Chine est une planète à part ! Un monde parallèle et mystérieux qui fascine. Ma plus grande réussite fut de comprendre que, si je souhaitais m’intégrer et réussir ma mission de premier représentant du World Economic Forum en Chine, je devais désapprendre ce qui m’avait été enseigné de ma culture européenne pour mieux réapprendre les nouvelles bases de cet écosystème chinois, afin d’espérer en maitriser certains contours.

A cet effet, c’est à Davos en 2009, lors d’une de mes premières discussions avec l’assistant personnel de l’ancien Premier Ministre (PM) chinois, Wen Jiabao, que je réalisais la profondeur de la civilisation chinoise. Nous discutions du moyen de transport à utiliser par son excellence entre Zurich et Davos et je compris vite que la délégation était favorable au train (2h30 de trajet) alors que je proposais la variante héliportée (30 minutes) afin de maximiser la présence dans la station grisonne du PM. Après moultes tentatives, l’assisant du « Premier » m’indiqua de manière très diplomatique que la culture chinoise avait plus de 3000 ans et que ce n’était pas 2h00 de trajet supplémentaire qui allait avoir des conséquences sur l’histoire de l’empire. Vu sous cet angle, tout est relatif !

C’est bien « sens dessus dessous » que l’on se sent en Chine (thème de ce blog). Une sensation incessante de ne pas pouvoir maîtriser ce monde, doublé d’une perte de repères incessantes, et parfois très incommodante.

Ce blog se veut donc être, en toute modestie, une série de témoignage en lien avec des faits présents associés à des analyses personnelles. Il se veut apolitique et, dans la mesure du possible, il permettra de compléter la très longue littérature déjà dédiée à ce pays si fascinant.