Un institut suisse de recherches aussi discret que fondamental

Le 14 octobre 1972, le professeur Louis-Edouard Roulet, président de la Société suisse d’histoire, conviait les instituts d’histoire des universités suisses et les cercles intéressés pour les informer qu’un groupe de jeunes historiens, principalement romands, se proposait d’œuvrer à la publication d’un recueil de sources aussi complet que possible sur la politique étrangère suisse depuis 1848. Le centre de recherches Dodis était fondé !

Depuis lors, les jeunes historiens sont devenus de respectables et célèbres intellectuels, et 29 volumes ont été publiés sur les relations internationales de la Suisse depuis la création de l’État fédéral. Au cours de ces années, des dizaines d’historiens, de personnalités du monde de la science, de l’administration ou de la sphère publique en général ont participé à la publication des Documents Diplomatiques Suisses en tant que membres du groupe de recherche ou de la Commission chapeautant le projet.

Mené par l’excellent Sacha Zala que l’on ne présente plus, l’institut compte nombre de collaborateurs spécialisés dans les relations de la Suisse avec des pays donnés ou les organisations internationales ainsi que dans certains domaines thématiques, permettant ainsi à la communauté des historiens de pouvoir compter sur des sources de première importance qui, année après année, s’enrichissent des documents rendus accessibles au terme de leurs délais légaux. Dodis étudie ainsi chaque année quelque 600 mètres linéaires de dossiers, et sélectionne quelques 60 documents pour l’édition imprimée et près de 1500 autres pour la base de donnée numérique.

Sacha Zala et le Conseiller fédéral Ignazio Cassis. ©TWITTER/Sacha Zala

Placé sous l’égide de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales, reconnu comme un pôle de compétence exceptionnel, Dodis a en outre été pionnier en ouvrant la voie aux Digital Humanities avec sa base de données librement accessible depuis 25 ans. https://www.dodis.ch/fr

Le 18 octobre 2022, le jubilé des 50 ans était donc fêté au sein du Palais fédéral en présence, notamment, du Conseiller fédéral Ignazio Cassis, actuel Président de la Confédération suisse. Celui-ci de s’exclamer au cours de son allocution « Dodis est devenu le principal pôle de compétences en matière d’histoire de la politique extérieure suisse. Grazie per il vostro impegno e entusiasmo! ».

On ne peut que souhaiter que les Chambres fédérales qui soutiennent cet institut et ses recherches fondamentales restent intéressées à la poursuite de ces travaux qui instruisent en fin de compte, à charge ou à décharge c’est selon, le principe éminemment important de la neutralité suisse.

 

Célébration des 50 ans de Dodis au Palais fédéral le 18 octobre 2022, en présence du président de la Confédération, de plusieurs membres fondateurs et de l’équipe actuelle de l’institut ©TWITTER/ Ignazio Cassis

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.

Une réponse à “Un institut suisse de recherches aussi discret que fondamental

  1. Je ne comprendrai jamais ce sympathique Christophe Vuilleumier. Peut-être que Sacha Zala est un peu moins orienté idéologiquement que ses prédécesseurs, il faudrait se renseigner là-dessus. Il n’en reste pas moins que pendant des années la caractéristique des Dodis a été d’être la chasse gardée d’historiens marxistes. C’est anormal.

    On ne peut pas dire que ces historiens étaient techniquement incompétents, au contraire. Simplement c’étaient des militants d’extrême gauche organisés en un soviet et qui trustaient cette institution, comme ils trustent encore les départements d’histoire et de science humaine dans de nombreuses universités. Cette prise de contrôle d’une institution importante par un groupuscule militant a fait partie de la vengeance politique de la gauche intellectuelle suisse, qui avait été quelque peu mise à l’écart pendant la guerre froide, par des élites dirigeantes conservatrices qui avaient gagné la guerre de 39-45, en tenant la Suisse hors du conflit. Elle se sont vengées en accusant ces élites de la guerre de tous les maux et elles ont ainsi joué le jeu de ceux qui outre Atlantique ont voulu dans les années 1990 mettre notre pays à genoux pour lui voler ses banques. Le comble, et là on peut quand-même leur rendre cette justice, est que ces marxistes ont été capables de faire un travail assez sérieux, par quoi ils ont réussi à donner une certaine légitimité au privilège exorbitant qui leur avait été concédé et que rien ne justifiait. En effet, il s’agissait tout de même d’historiens qui pendant des années, alors que la Suisse était sous le feu roulant d’attaques étrangères haineuses, au dessous de la ceinture, avaient toujours pris parti contre notre pays de manière partiale et malveillante, se faisant les sycophantes de nos accusateurs et calomniateurs, contribuant à cette narration antisuisse tendancieuse qui s’est retrouvée dans le très critiquable rapport Bergier et dans les travaux de la commission internationale d’experts, qui n’avaient d’indépendants que le nom. Une commission qui a travaillé, pourrait-on dire, le pistolet sur la tempe.

    Pourquoi est-ce que les élites de notre pays ont choisi de donner les clés de la mémoire diplomatique suisse à une bande de zélotes d’extrême gauche? On peut vraiment se poser la question, beaucoup se la posent tout le temps et ils n’ont pas encore trouvé la réponse. Je crois que d’un côté il y a un certain mépris de l’histoire et des sciences humaines de la part d’une élite essentiellement économique, qui pense que l’histoire n’ayant aucune importance, on peut bien la donner aux gauchistes comme un os à ronger. Mais aussi, peut-être que nos dirigeants, confrontés à une campagne mondiale de dénigrement d’une puissance inouïe ont-ils choisi de faire comme le roseau de la fable, qui se plie, et non comme le chêne qui tente de résister à l’ouragan et risque d’être déraciné. Confier cette tâche à des gens de gauche était aussi une bonne manière de se dédouaner. Une autre considération me paraît plausible également. On savait bien que la Suisse n’avait en réalité rien à se reprocher. Par conséquent même en confiant les archives aux ennemis les plus malveillants, ils n’y avait aucun risque que des documents vraiment compromettants n’apparaissent. Et en effet, cette pensée audacieuse s’est vérifiée. Cette dernière réflexion était donc empreinte d’une certaine sagesse.

    Quoi qu’il en soit je répète ma question que j’ai déjà posée ici. Christophe Vuilleumier est un bon historien. Il aurait pu prétendre à un poste universitaire. Mais cette voie lui était fermée car il était certainement jugé indésirable par les marxistes qui dominent les département d’huistoire en Suisse. J’admire l’humilité et l’esprit chrétien avec laquelle monsieur Vuilleumier vit cette situation injuste. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’il se sente obligé, en plus, d’encenser ceux qui ont accaparé indûment des postes qui n’auraient jamais dû aller à des militants politiques camouflés en scientifiques.

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