Une nouvelle hérésie architecturale pourrait plomber une part de notre patrimoine

Au sommet d’un éperon rocheux formé à la confluence de la Mérine et de la Broye, Moudon domine les terres environnantes depuis des millénaires. Le vieux bourg, célèbre pour son bâti et sa topographie médiévale, et érigé vers 1330 en centre administratif et judiciaire vit mainte fois se réunirent les Etats de Vaud, ce qui lui valut parfois le titre de capital. Loin de l’agitation des grandes cités suisses, Moudon demeure un lieu emprunt d’histoire, une perle patrimoniale que les touristes – voire les Suisses eux-mêmes – découvrent toujours avec émerveillement.

La Ville-Haute et ses abords sont donc un haut lieu de l’histoire romande, et sont classés « site d’intérêt national depuis 1945 », époque à laquelle les sensibilités en termes de patrimoine étaient pour ainsi dire inexistantes. C’est dire l’importance que revêt ce site !

Le bourg, couronné de plusieurs maisons seigneuriales, abrite par ailleurs de nos jours le musée du Vieux-Moudon, le musée Eugène Burnand et la fondation Mérine, hébergée au sein du château de Carrouge. Et comme il se doit, les bâtisses existantes sont toutes protégées.

Et pourtant…

L’une de ces bâtisses, le Grand-Air, ancien QG du Registre foncier cantonal, est disputée depuis des années entre le canton et la commune, la question étant de savoir qui en payera la restauration. Et voilà qu’en 1990, les deux entités s’étaient mises d’accord pour élaborer un concours d’architecture visant dans l’un de ses volets la création de logements d’habitations. Un projet qui ressort des cartons actuellement et qui soulève un tôlé d’indignations.

En effet, les projeteurs envisagent ni plus ni moins que la construction de quatre villas à toit plat – malgré la demande du Conseil communal des années 1990 qui proposait des toits traditionnels – et d’un immeuble de quatre niveaux, également à toit plat, au cœur même du site, de quoi le défigurer pour longtemps et faire perdre à la commune une large part de son attrait touristique et peut-être même le label décerné par l’association à vocation touristique « Les plus beaux villages de Suisse ».

Une pétition a dès lors été lancée par un groupe d’historiens et d’archéologues, pétition dont le nombre de signatures ne fait qu’enfler jour après jour, pour préserver ce site patrimonial d’importance majeure afin de demander de rendre inconstructible le sommet du bourg de Moudon.

 

Le vieux bourg de Moudon et le projet “hérétique” [@Matthew Richards]

Espérons que les autorités vaudoises entendront raison et refuseront une telle aberration.

Image de titre: [Les plus beaux villages de Suisse ]

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.

Une réponse à “Une nouvelle hérésie architecturale pourrait plomber une part de notre patrimoine

  1. nul doute que le SDT est partie prenante de ce genre de gabegie?
    Avez vous vu l’espèce de vérue en marbre toute carrée qu’ils ont osé autorisé sous la gare de Bossières à Lutry? pourtant c’est protection Lavaux, sauf pour des gens fortunés … qui ont surement des moyens d’influencer le SDT ?

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