Au trou!

Au trou ! Perspectives romandes sur les prisons d’hier et d’aujourd’hui. Voilà un livre, publié par la Société d’histoire de la Suisse romande, qui embrasse sur le long terme la problématique de société que constitue l’emprisonnement dans l’espace romand, une première en Suisse puisque les monographies portant sur le sujet se sont attachées jusqu’à présent à des établissements spécifiques et non à un ensemble de lieux au cours d’époques différentes.

Cet ouvrage recueille les contributions d’une dizaine d’historiens qui travaillent sur la problématique carcérale, toutes périodes confondues, et c’est Irène Herrmann, professeure à l’Université de Genève, qui en signe la conclusion. Celle-ci relève l’irrégularité des processus inhérents à la prison au cours des siècles, prisons qui forment « une image mosaïque, voire même kaléidoscopique », une singularité résultant de la dispersion de pouvoirs cantonaux s’adaptant à des réalités régionales, temporelles et financières.

Et ce livre est à la semblance de sa thématique générale, varié ! Quelle fut la nature des emprisonnements au Moyen-âge dans l’ancien comté de Neuchâtel – de quelle réalité relevait la « prison de guerre » au XVe siècle – et quel fut le lien organique entre religion et emprisonnement ? Des sujets auxquelles s’ajoutent des contributions portant sur la fonction de l’architecture carcérale dans les modalités d’évolution de la justice, sur les mesures disciplinaires prises par l’armée, ou sur l’internement administratif.

Et si les conceptions de la prison varient entre hier et aujourd’hui, avec, de nos jours des régimes plus humains et des temps de détention généralement plus longs, le lecteur remarquera sans doute le rôle que jouèrent les prisons dans le renforcement de la puissance des pouvoirs publics, véritable marketing étatique sur le monopole régalien de l’usage de la répression, longtemps remis en question par des pouvoirs locaux ou le principe de la guerre privée. Une affirmation du pouvoir, à la vue de tous, que les exemples que furent Saint-Antoine à Genève ou la prison de l’Évêché à Lausanne viennent démontrer. La disparition des bâtiments carcéraux de l’espace urbain – les prisons ayant été pour la plupart repoussées aux confins de la ville et de la campagne pour de multiples raisons entre la fin du XIXe siècle et le XXe siècle – a sans doute entraîné un effacement, du moins partiel, de la fonction dissuasive que la geôle exerçait jadis. Un livre portant à la réflexion à plus d’un titre !

 

 

Table des matières

Avant-propos

Françoise Vannotti

Introduction

Jean-Daniel Morerod

La typologie de l’emprisonnement à la fin du Moyen-âge et son application dans le comté de Neuchâtel

Olivier Silberstein

La prison de guerre à la fin du Moyen-âge

Rémy Ambühl

Entre purgatoire terrestre et enjeu de souveraineté : rôle et fonction des geôles lausannoises (fin XVe-début XVIes)

Lionel Dorthe

La nouvelle prison de Neuchâtel (1826-28) : moderniser l’architecture pou réformer la justice

Claire Piguet

Le Bois-Mermet, du concept à l’usage. Création et évolution d’une prison romande

Christophe Vuilleumier

Mesures disciplinaires et justice militaire : la prison dans l’armée suisse (1874-1918)

Ignace Cuttat

Naissance du système pénal et carcéral du canton de Vaud

Léa Berger-Kolopp

Lettres de cachet républicaines ? L’internement administratif pour inconduite et fainéantise dans le canton de Neuchâtel (1939-1963)

Matthieu Lavoyer

Conclusion

Irène Herrmann

 

Au trou ! Perspectives romandes sur les prisons d’hier et d’aujourd’hui, sous la direction de Jean-Daniel Morerod et Olivier Silberstein, SHSR, 200 p, 2019.

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.

Une réponse à “Au trou!

  1. Assange, Guantanamo, que de prisons et murs l’on érige à l’heure où on fait la guerre pour imposer une supposée démocratie!

    Qui se préoccupe de ces pauvres gars, condamnés sans jugement?

    Au trou, Dutrou (peu importe qu’il soit coupable, raison d’Etat)

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