LE CONSEIL FÉDÉRAL PRIÉ D’EXAMINER LES PRATIQUES DES DÉPARTEMENTS FÉDÉRAUX EN MATIÈRE D’ARCHIVAGE ET DE PROTECTION DE LA MÉMOIRE

Suite au scandale portant sur les documents disparus concernant l’armée P-26 et la réaction du Président de la Société suisse d’histoire, Sacha Zala, le Conseiller aux États bâlois Claude Janiak déposait il y a peu un postulat (le postulat 18.3029). Celui-ci demandait au Conseil fédéral d’évaluer dans un rapport l’exécution de la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l’archivage (LAr), d’identifier les nouveaux défis et d’émettre des recommandations pour le développement de la loi et pour la pratique de l’archivage. En lien avec cette problématique, la Société suisse d’histoire avait en effet signalé la prolifération incontrôlée de différentes pratiques d’archivage dans les Départements, et exigé des modifications fondamentales dans le traitement des documents fédéraux ainsi que, en particulier, un renforcement des Archives fédérales, en réclamant une extension des droits des chercheurs et chercheuses et une consultation des sociétés professionnelles compétentes.

Ce postulat a en l’occurrence été accepté par le Conseil des États le 13 juin dernier. La Société suisse d’histoire a en conséquence publié sa prise de position à propos de ce rapport :

  1. Les Archives fédérales suisses doivent être renforcées d’un point de vue institutionnel.

Les Archives fédérales doivent obtenir des instruments efficaces pour imposer l’obligation légale de proposer les documents aux Archives fédérales. Elles devraient être dotées d’un statut similaire au Contrôle fédéral des finances, ce qui signifie qu’elles devraient avoir la compétence de mener des contrôles. Comme organe indépendant, les Archives fédérales devraient faire leurs rapports directement auprès des Commissions de gestion des Chambres fédérales.

  1. Les pratiques d’archivage doivent être uniformisées.

Les Archives fédérales doivent obtenir des instruments efficaces pour imposer au sein des Départements une uniformisation des pratiques d’archivage et, en particulier, de la gestion des demandes de consultation. Pour aller dans le sens d’un «Gouvernement ouvert» («Open Government»), il faudrait viser à la création d’un code de conditions facilement intelligible, comparable aux licences «Creative Commons».

  1. Les droits des chercheurs et chercheuses doivent être développés.

Une commission de conciliation doit être créée pour les demandes de consultation selon la LAr, de la même manière qu’il existe dans la loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration (LTrans) la possibilité d’adresser des demandes de médiation auprès du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence.

Les demandes de consultation (jusqu’aux éventuelles décisions sujettes à recours) doivent être traitées par tous les services soumis à la LAr sans encourir de frais pour les requérants et requérantes.

  1. Des délais de protection prolongés doivent être appliqués de manière proportionnée.

Pour les demandes des Départements de soumettre des inventaires à un délai de protection prolongé, doit être créée une commission consultative dans laquelle seront représentés à côté des Départements les sociétés professionnelles comme la Société suisse d’histoire et l’Association des archivistes suisses, ainsi que des experts externes.

  1. L’accès aux documents selon la LTrans ne doit pas compliquer l’accès aux documents selon la LAr.

L’accès immédiat aux fichiers administratifs actuels, accès défini selon la LTrans, a paradoxalement rendu beaucoup plus difficile l’accès aux anciens documents après l’expiration du délai de protection de 30 ans (LAr). Les deux lois sont importantes, mais, en raison de leurs champs d’application très différents, leur application doit être strictement séparée: les services qui traitent les requêtes faites dans le cadre de la LTrans ne doivent pas traiter les requêtes faites dans le cadre de la LAr.

  1. La LAr doit être appliquée de manière différente selon les divers objectifs de consultation.

La LAr prévoit que, pour des «recherches [qui] ne portent pas expressément sur des personnes», «le Département compétent peut autoriser la consultation pendant le délai de protection prolongé» (art. 11, al. 3). Selon cet article, les demandes de consultation doivent être examinées quant à leur objectif et faire en conséquence l’objet d’un traitement différencié. La recherche qualifiée en histoire ne porte jamais sur des personnes au sens de la loi, mais se fonde sur un questionnement historiquement pertinent.

  1. L’accès aux documents originaux doit en tout temps être garanti dans les Archives fédérales.

La numérisation ne doit pas compliquer l’accès aux documents originaux dans les Archives fédérales ou même le rendre impossible. Les documents doivent pouvoir être consultés pour la recherche en tout temps dans leur forme originale.

  1. Davantage de moyens doivent être mis à disposition de l’archivage.

Les moyens qui sont engloutis actuellement par la pratique administrative coûteuse des demandes de consultations doivent être investis dans le développement de l’archivage professionnel au sein de tous les Départements ainsi que dans les Archives fédérales.

 

 

 

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.

Une réponse à “LE CONSEIL FÉDÉRAL PRIÉ D’EXAMINER LES PRATIQUES DES DÉPARTEMENTS FÉDÉRAUX EN MATIÈRE D’ARCHIVAGE ET DE PROTECTION DE LA MÉMOIRE

  1. C’est beaucoup demander!

    Vous pourrez toujours faire des lois et des règlements pour garantir aux sacro-saints “chercheurs” l’accès à tout. Ca ne tiendra jamais quand est en jeu la Raison d’Etat.

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