L’Académie suisse des sciences humaines et sociales au chevet des chercheurs

Le 1er et 2 juin se tenait à Winterthur l’assemblée générale des délégués de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales http://www.sagw.ch/fr/sagw/aktuelles.html. Les points à l’ordre du jour étaient nombreux. Ont ainsi été déclinés les projets poursuivis par l’Académie, notamment : la politique “Open Data “, le “Global Strategy and Action Plan on Ageing and Health“, et les “Sustainable Development Goals“. Occasion également pour Thomas Hildbrand de présenter son rapport, commandé par le comité de l’Académie, “Next Generation, pour une promotion efficace de la relève”.

Sans concession, le rapport Hildbrand évoque les difficultés rencontrées par les post-doc dont la précarité des situations ne fait qu’augmenter – alors qu’en parallèle le personnel administratif des universités se multiplie -, impasses professionnelles pour nombre d’entre eux, brièveté des postes générant une recherche constante de nouveaux moyens de financement au détriment de la recherche, etc… Si les questions abordées dans ce rapport sont nombreuses, les pistes de réflexion existent.

Raison pour laquelle une table ronde, formée notamment de Matthias Egger, président du Fonds National Suisse de la Recherche et de Michael Hemgartner, président de Swissuniversities, suivait la présentation dans le but d’esquisser des solutions. Un débat soutenu par de louables intentions mais relativement vain tant il est vrai que les velléités, chez certains, ne parviennent pas à dépasser le stade du constat, et que les thématiques abordées auraient sans doute mérité un colloque pour chacune d’entre elles : reconversion des scientifiques hors de l’université ; place des femmes dans les postes de professeur (21% de femmes seulement occupent des fonctions de professeur ordinaire alors qu’elles partagent pour moitié avec les hommes les postes dans le corps intermédiaire) ; filières académiques à redéfinir, etc.. ! Autant de questions inhérentes notamment à une pression démographique grandissante dans les universités pour un nombre de postes n’évoluant guère depuis des années, attisant plus encore la compétition.

Les “cultures scientifiques” apparaissent ainsi en mutation constante, stigmatisées par un impératif d’excellence provoquant bien souvent une fuite en avant des chercheurs qui publient articles sur articles, au détriment parfois d’une originalité pourtant essentielle. Une fuite en avant des universités également, lesquelles se montrent plus soucieuses de leur ranking que du destin de leurs chercheurs, et surtout du FNS dont les procédures de sélection, n’en déplaise à Matthias Egger, relèvent trop souvent d’un artisanat provincial et d’un manque de réalisme à l’égard des scientifiques de ce pays dont les horizons se retrouvent souvent définitivement bouchés en raison des modifications très rapprochées des instruments de soutien à la recherche. Une évolution permanente ne permettant que difficilement de mettre en place une planification cohérente.

Et si les sciences humaines et sociales sont en proie à de nombreux problèmes que le responsable du FNS regrette, son aveu d’incompréhension à ce propos ne peut qu’inquiéter et témoigner de la déconnexion grandissante des instances finançant la science, des scientifiques eux-mêmes. Une inadéquation dramatique pour de nombreuses personnes mais également pour l’ensemble de notre société qui, comme le relevait la professeur Simona Pekarek Doehler, y perd en fin de compte une masse colossale de savoirs et de compétences, puisqu’inexploitées faute de moyens suffisants et d’une politique pertinente. Un scandale à l’air du développement durable !

Mais que Matthias Egger se rassure, le FNS n’est pas seul en cause. Les universités suisses, à l’instar des universités étrangères, peinent en effet à trouver des “architectures” pour la relève du corps professoral qui soient efficaces et moins impactant pour les scientifiques écartés de la course académique. Les sacrifices sur l’autel d’Alta Mater ne semblent donc pas prêts de s’arrêter.

 

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Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.

Une réponse à “L’Académie suisse des sciences humaines et sociales au chevet des chercheurs

  1. Je cite ci-dessous un commentaire recueilli sur un réseau social et public, portant sur mon article de blog.

    “Gérald Arboit ??
    Senior Researcher (PHD International Relations History), Author and Teacher
    C’est un problème universel qu’affrontent les Universités : la quadrature du cercle financier conjuguée au règne des petits marquis. Il en résulte une américanisation, c’est-à-dire une concurrence et un utilitarisme, qui consiste à construire des conglomérats universitaires et à privilégier l’employabilité des étudiants et des recherches, tout en constituant des réseaux dont la seule utilité est de veiller à la reproduction de ces petits marquis. D’où un affadissement de la recherche en Sciences humaines, favorisant l’approche socialisante et la déconnexion des enjeux véritables.
    Dans l’analyse scientifique du terrorisme, les seuls chercheurs qui purent bénéficier de la manne publique furent ceux qui avaient le plus l’habitude de vivre sur les fonds publics plutôt que ceux qui étaient les plus compétents. Même chose pour les cybermenaces ! Et c’était déjà la même chose pour l’Intelligence économique il y a vingt ans !”

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