Une nouvelle sémantique carcérale française ?

Le Président Emmanuel Macron s’exprimait le 6 mars sur la politique carcérale de son pays, annonçant une série de réformes.

https://www.facebook.com/EmmanuelMacron/videos/2121326211433287/?hc_ref=ART1cTDyUZITf537LbYlKGjuVvO29nFoRTcE6rhp4vdCMXEGdjIkTL98AZYcqHJ75oY

Des réformes, mais plus sûrement une révolution pour un problème de société fondamental grevant les finances publiques, concernant les nombreuses professions de la justice, le destin des criminels et des délinquants et, bien entendu, les victimes et leur famille. Une révolution puisqu’il est question non seulement d’abolir les courtes peines de prison qui engorgent tant les établissements pénitentiaires que les contentieux des juges au profit de mesures tels amendes ou bracelets électroniques, mais également de renforcer la probation. Cette dernière, destinée à réinsérer le délinquant dans une normalité socialement admissible, à lui donner les moyens de donner un sens à sa vie pour la développer harmonieusement, demeure sous nos latitudes le parent pauvre du monde carcéral. Certes, les modèles scandinaves ont ouvert la voie très concrètement à ce principe depuis plusieurs années, certes la Suisse et de très nombreux pays européens y consacrent des moyens. Mais des moyens toujours très insuffisants. Une politique qui, pourtant, seule, permet d’extraire le délinquant de ses déviances et du milieu criminogène qui ouvre ses filets à « l’ex-tolard » le plus souvent professionnellement démuni et ostracisé, et potentiellement futur récidiviste.

Emmanuel Macron, au travers de son discours, a démontré non seulement sa compréhension du sens donné à l’emprisonnement qui se fonde sur trois piliers essentiels, punition, sécurisation du criminel, et réinsertion, mais il parvient en outre a en faire une synthèse extrêmement clair, critiquant sans concession le système qui prévaut en France et démontrant une nouvelle fois, fort de sa majorité politique, sa force de proposition.

Que ceux qui ne reconnaissent pas d’utilité aux sciences humaines en général et à la philosophie en particulier puissent en tirer une leçon et s’inspirer de cet esprit de synthèse qui caractérise un leader politique formé auprès du grand philosophe Paul Ricoeur !

Il est étonnant de constater que le Président des Français, parlant de prison et de politique pénitentiaire, n’évoque pas le philosophe Michel Foucault, dont le livre Surveiller et punir (1975) avait largement influencé les conceptions carcérales de la fin du XXe siècle. Serions-nous à l’aube d’une nouvelle sémantique carcérale ? Quoi qu’il en soit, si cette nouvelle politique que l’Élysée entend développer porte ses fruits, la France ne tardera pas à en mesurer les conséquences qu’on ne peut qu’estimer positives.

Un rééquilibrage dont les effets seront inévitablement ressentis en Suisse, laquelle enregistrait, entre 2014 et 2016, 1’196 Français condamnés pour un délit au code pénal sur le territoire et non titulaires d’un permis, un effectif occupant la quatrième place derrière les Yougoslaves, les Roumains et les ressortissants d’Afrique occidentale[1].

 

[1] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/criminalite-droit-penal/justice-penale/personnes-condamnees.assetdetail.3543707.html

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.