M. Mélenchon exagère

Jean-Luc Mélenchon, à la tribune d’une Assemblée nationale désertée par ses membres, dénonçait lundi dernier le comportement de la Suisse à l’égard de son imposition fiscale, de son taux de TVA, de ses ports francs, traitant le pays de « paradis fiscal », taxant le gouvernement helvétique de « moralement suspect »  et terminant sur les mots « la relation fiscale avec la Suisse doit changer » [1]! Une violente diatribe que le rhéteur a développé suite à l’approbation du Parlement français d’un accord, envisagé depuis 1949, portant sur le statut de l’aéroport de Bâle-Mulhouse qui place les entreprises qui y sont implantées sous un mélange de règles fiscales françaises et helvétiques.

“Moralement suspect “! Des termes bien peu respectueux qui rappellent le comportement peu courtois de Nicolas Sarkozy lors du Swiss Economic Forum d’Interlaken, en 2014, lorsque l’ex-président de la République s’était permis de critiquer le système fédéral helvétique.

Il est vrai que chaque pays possède une culture politique différente et que le modèle républicain français, héritier d’une histoire largement monarchique, peine à comprendre le fonctionnement démocratique qui régit la Suisse. Tout comme il est vrai que chaque pays développe ses lois, ses institutions et ses dynamiques en fonction du droit international mais également de ses réalités propres et de son histoire. Des réalités parfois locales, comme pour l’aéroport de Bâle-Mulhouse, ou pour la Polynésie française qui ne connaît pas d’impôt sur le revenu, ni d’impôt de solidarité sur la fortune, ni même de droits de succession. En d’autres termes, une région française disposant d’un pavillon de complaisance à l’instar de l’ensemble des Terres australes et antarctiques françaises tel Wallis-et-Futuna !

Des réalités divergentes, donc, à l’intérieur du même pays, la France, et de ses colonies…, pardon, de ses territoires d’outre-mer…. Il est vrai que la sémantique diverge parfois tout autant que les situations fiscales.

Et que les moralisateurs se rassurent, il reste des arguments à l’encontre de la Suisse puisqu’il aurait été possible pour M. Mélenchon d’évoquer Pilatus et ses exportations. Mais peut-être aura-t-il préféré s’abstenir sur le sujet, conscient que nombre d’ouvriers votant pour la “France insoumise” sont de ceux qui ont permis à l’industrie française d’exporter pour plus de 20 milliards d’euros de matériels militaires en 2016 selon le Figaro[2], faisant du pays des droits de l’homme l’un des champions mondiaux de la promotion des conflits, alimentant, par exemple et selon le Point, la guerre au Yemen en livrant des armes à Riyad[3]. Un marché auquel chaque million exporté correspondraient quelques 9 emplois en France, pour environ 165’000 postes, en large partie d’ouvriers[4].

Alors oui, nous avons en Suisse un système bancaire permettant la confidentialité et dont certains abusent, ainsi que des individus pour qui l’éthique est une notion abstraite. Le scandale HSBC, en 2015, l’a démontré. Mais nous avons surtout un fonctionnement libéral permettant aux entreprises d’exister. Et de là à traiter les autorités helvétiques de « moralement suspectes ! », il ferait beau voir ! Que la zététique de M. Mélenchon s’applique à la France qui, de scandales politico-financiers, en a connu plus de trente depuis le début des années 2010, telles l’affaire de l’hippodrome de Compiègne, celle du financement occulte du parti républicain, l’affaire Balkany, l’affaire Total, l’affaire Sarkozy-Kadhafi, sans oublier Cahuzac, Fillon et les eurodéputés du MoDem.

 

 

 

[1] https://www.tdg.ch/suisse/melenchon-charge-violemment-suisse/story/10826022

[2] http://www.lefigaro.fr/societes/2017/02/28/20005-20170228ARTFIG00302-ventes-d-armes-la-france-a-battu-un-record-historique-en-2016.php

[3] http://www.lepoint.fr/editos-du-point/jean-guisnel/armement-la-france-supermarche-de-l-arabie-saoudite-20-03-2017-2113291_53.php

[4] http://www.ledauphine.com/defense/2017/10/24/la-france-exporte-ses-armes

 

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.

14 réponses à “M. Mélenchon exagère

  1. En fait, en changeant de sujet, vous camouflet la vérité qu’il n’a pas sortie d’un mouchoir mais qu’il a répété de la bouche de députés Suisse et d’ONG qui classent quasiment toutes la Suisse comme un paradis fiscale. La mauvaise foi du type qui a écrit..

  2. ” telles l’affaire de l’hippodrome de Compiègne, celle du financement occulte du parti républicain, l’affaire Balkany, l’affaire Total, l’affaire Sarkozy-Kadhafi, sans oublier Cahuzac, Fillon et les eurodéputés du MoDem. ”
    ben alors, Monsieur le Journaliste compétent et tonitruand (ne vous fâchez pas) , vous savez bien qu’aucune de ces “affaires ” n’implique J-L Mélenchon;
    indépendamment du fait que vous avez subodoré que j’aime bien Méluche, il y a tout simplement que le libéralisme, fortement accompagné par le Journal Le Temps, n’est pas soluble dans le programme de la France Insoumise;

    1. Oui, et sans se fâcher, je me permets de rappeler que je ne suis pas journaliste puisqu’il n’est question que d’un article de blog… Cela étant, je ne subodore rien à votre sujet, ignorant que je suis de vos inclinaisons politiques et de votre personne. Quant aux affaires évoquées, elles n’impliquent pas M. Mélenchon, bien entendu, mais vous connaissez sans doute l’adage, “celui qui voit la paille dans l’oeil de son voisin ne voit pas la poutre dans le sien”. Que M. Mélenchon s’en tienne à son pays, surtout depuis les tribunes de l’Assemblée nationale qui ne sont pas celles de Bruxelles!
      Quant aux tendances du Temps, que dire… ? Lorsque j’écrivais dans l’Hebdo, on me taxait de gauchiste. Maintenant que le Temps abrite mon blog, suis-je relevant d’un parti de droite pour autant ?? Je devrais écrire dans Echo Magazine que l’on m’assimilerait peut-être à la Fraternité d’Écône ?

      1. moi je parlerais plutôt des ‘inclinations’ politiques de ce monsieur, pas de ses ‘inclinaisons’. je ne sais pas s’il est incliné ou s’il est droit. mais il est peut-être enclin à voter à gauche. l’inclinaison c’est pour un plan incliné, dans un sens géométrique ou mécanique. l’inclination c’est ce à quoi l’on est enclin mentalement, en politique, ou en sentiments. on parle d’un mariage d’inclination, pas d’inclinaison.

        1. Oui! Il me semblait toutefois plus pertinent de jouer sur l’ironie de la physique des pentes – détour sans doute trop hermétique, ce d’autant plus que j’ai omis les guillemets – en guise de pied de nez à ce lecteur qui évoquait la solution “soluble” du libéralisme !

      2. Nous ne sommes pas un paradis fiscal mais nous nous en mettons plein les poches grâce aux avantage fiscaux que nous fournissons. Hum hum cherchez l’erreur !
        L’argent que vous dégagez de cette façon est de l’argent volé aux autres Etats. Elle est produite dans d’autre Etats et vient à vous uniquement pour échapper aux contrôles.
        Et ensuite on vient se moquer allègrement de la France parce qu’elle alors obligée d’augmenter ses impôts…

          1. Et pas assez d’impôts entraîne l’accumulation des richesses par une petite minorité, ajouté à cela l’ouverture des frontière et la mise en compétition de pays aux normes sociale foncièrement différentes et vous obtenez le cocktail parfait de la mondialisation ultra libérale dont on voit aujourd’hui les conséquences : pauvres toujours plus pauvres, classe moyenne qui s’affaisse et ultra riches toujours plus ultra riches.

            Le taux d’imposition en France est normal, au vu des services dont on dispose.

        1. Ça nous permet d’offrir un salaire royal au plus de 100’000 de vos compatriotes qui viennent bosser chez nous et qui seraient autrement au chômage chez vous…

          1. Hahaha si j’en suis votre logique, il faudrait laisser les braqueurs continuer à braquer des banques sinon ils seraient aux chômage.

        2. Bouh, les horribles Français dont la politique économique fourbe et criminelle les conduit à pratiquer des prix plus bas que les nôtres pour s’attirer une clientèle transfrontalière de façon déloyale et malhonnête…

  3. Je me demande bien pourquoi on continue de mettre en avant des commentaires de Mélenchon: voilà un gars qui a toujours vécu au crochet de la République sans jamais produire qqchose de concret dans les gouvernements où il a fait de brèves apparitions qui continuent de tout critiquer aussi bien pour la France que pour l’UE ou l’Allemagne et maintenant pour la Suisse. Le mieux à faire est surtout de ne jamais le mettre en avant, car c’est cela qu’il attend pour se mettre en évidence, pour prouver qu’il existe!

  4. https://www.armitiere.com/livre/12958057-histoire-du-paradis-fiscal-suisse-christophe-farquet-presses-de-sciences-po
    Histoire du paradis fiscal suisse
    Christophe Farquet
    Presses de Sciences Po Académique

    Les paradis fiscaux aussi ont une histoire.

    Christophe Farquet a dépouillé des archives multiples et inédites pour comprendre depuis quand et comment la Suisse est devenue l’un des principaux centres offshore du monde.

    Après la première guerre mondiale, alors que les autres États européens mettaient en place une fiscalité contraignante sur l’activité économique pour financer leur reconstruction, la Suisse, restée neutre durant le conflit, a maintenu le secret bancaire et offert un régime accommodant aux capitaux étrangers.

    Tout au long du xxe siècle, au fil des négociations internationales, les dirigeants suisses ont d’autant mieux défendu cette position que l’ attractivité fiscale du pays avait une incidence majeure sur l’économie et la politique de ses voisins européens et qu’il devenait un maillon indispensable de la globalisation financière.

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