Les internés en Suisse

Alors que la question des réfugiés ne cesse d’être débattue en Europe, la plupart des pays peinent à établir une politique cohérente permettant de prendre en main un problème grave autant pour les accueillants que pour les migrants. Les problèmes de violence que la presse a évoqués récemment dans le centre d'enregistrement de Kreuzlingen autant que certaines mesures administratives que Jacques Neirynck rappelait dans son blog de l’Hebdo avec son article « Maudits les pauvres, car on leur prendra le peu qu'ils ont » laissent pantois !

Pour rappel, la Suisse a accueilli au cours de la Première Guerre mondiale des combattants blessés sur le front, des soldats de nationalité allemande, française, anglaise, et belge. Une époque de guerre durant laquelle l’une des premières ressources du pays, l’hôtellerie, s’enfonçait dans une crise sans précédent. L’idée allait alors germer de soutenir certains grands établissements en leur proposant de se reconvertir en hôpitaux de fortune financés par les États belligérants respectifs.

Les conventions furent passées en automne 1915 entre la Suisse et les pays belligérants en parallèle aux arrangements pris avec les représentants des hôteliers suisses. Le règlement sur l’organisation de l’internement des prisonniers blessés allait être conçu par le médecin colonel Hauser, responsable en chef de la médecine militaire suisse, et devait entrer en vigueur le 25 février 1916. Un premier essai fut tenté avec mille prisonniers français placés à Montana et Leysin, et mille Allemands envoyés à Davos, des soldats nourris et soignés selon le régime appliqué aux troupes suisses, mais contrôlés sans mesure militaire.

Une drôle d’époque durant laquelle la Suisse était parvenue à obtenir des pays belligérants qu’ils lui achètent tant les armes que les soins ! Cent ans plus tard, ou en sommes-nous dans notre tradition d’asile dont nous sommes si fiers ?

(Les photos des internés étrangers en Suisse entre 1915 et 1918 proposées dans cet article proviennent d’archives britanniques et sont pour la plupart méconnues, voire inédites en Suisse)

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.