La guerre des inventions scientifiques 1914-1918

C’est bien connu, la guerre écrase les corps, annihile des familles, détruit des mondes. C’est le malheur du temps que les fous guident les aveugles disait William Shakespeare ! La guerre a toutefois provoqué des révolutions scientifiques historiques, entraînant l’essor économique de certains domaines spécifiques.

La Première Guerre mondiale a bien évidemment été un terrain privilégié pour les innovations militaires. Le développement des gaz de combat et de l’aviation sont des exemples bien connus. Nous connaissons un peu moins bien les inventions concernant les systèmes d’écoute inventés par les pays belligérants. Des oreilles de Mickey qui allaient s’avérer extrêmement efficaces pour annoncer l’arrivée d’avions ennemis ou le déploiement d’unités de soldats.

La création de sous-marins ou de chars blindés allait, quant à elle, passer par de nombreux stades, aux formes parfois excentriques, avant d’aboutir aux silhouettes que l’on connaît.

L’inventivité des hommes dans l’armement n’allait pas finir d’augmenter, améliorant constamment les munitions, des fusées d’obus aux balles explosives, des balles dont les impacts allaient être attestés sur les victimes civiles serbes par le criminologue lausannois Archibald Reiss en 1914.

Les astuces mises en place par les agents de renseignement de tous bords allaient se succéder en une longue suite d’artifices rendus possibles par les progrès de la science, telles ces bombes au sodium aussi grosses que des boîtes de corned-beef, déclenchant de violents incendies difficilement maîtrisables, ces billets de banque coupés en deux dans le sens de l’épaisseur et portant des informations sur les faces internes, ou les systèmes automatiques de photographies fixés sur des pigeons voyageurs.

La médecine allait faire également des bonds prodigieux grâce à la réserve infinie de patients, ramenés des lignes de front, présentant des pathologies innombrables, voire encore inconnues comme ces troubles psychiques décrits par certains psychiatres français. Des traumatismes mentaux dont le grand public a maintenant conscience et qu’il sait être une réalité commune à l’ensemble des combattants depuis les nombreux films traitant de la guerre du Vietnam.

Les médecins allaient ainsi inventer des antiseptiques comme le britannique Dakin et le français Carrel, procéder à des campagnes de vaccination de masse sur les soldats, notamment pour lutter contre la typhoïde, mettre sur pied la transfusion sanguine dont la première tentative sur un humain sera réalisée par le Belge Hustin, le 16 octobre 1914, une technique qui permettra de sauver de nombreux soldats. Hustin pour parvenir à ce résultat inespéré s’était alors appuyé sur les travaux d’un ennemi, l’Autrichien Landsteiner qui avait réussi en 1900 à distinguer les premiers groupes sanguins.

Les premières greffes de peaux sont également testées dès l’ouverture du conflit, faisant des soldats mutilés de tristes Frankenstein dont on ne peut qu’imaginer qu’elles allaient être les séquelles psychologiques. Autre révolution, la radiographie, que l’on doit à Marie Curie, devait être appliquée à la médecine, permettant de localiser les balles et les éclats de shrapnels

Enfin, l’arsenal de prothèses, remplaçant des membres ou une partie de visage, d’instruments divers et variés comme les ouvres-bouches, les gouttières de contention, les infernaux casque de Darcissac qui permettent de ressouder une tête disloquée en trois semaine d'immobilisation, les appareils de Camus, créés pour les anesthésies de courte durée, ou ceux d'Ombredanne qui manqueront cruellement dans les « ambulances » de secours, vont être successivement inventés pour soulager les combattants.

On devine qu’elles furent les enjeux liés à la science et la course menée par les pays pour surpasser les « autres ». Mais, on pourrait également se demander quels furent les projets envisagés dans les pays neutres, ou les relations éventuelles des instituts académiques suisses, par exemple, avec leurs pendants à l’étranger ?

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.