La Suisse face à l’espionnage 1914-1918

Écrire un livre est toujours une aventure, un voyage dans un univers spécifique dont on revient illuminé, et souvent satisfait. Jean d’Ormesson mentionne que l’écriture demande 98% de sueur et 2% de génie. C’est vrai ! Mais cette sueur porte en elle une part de ce sel de la vie si nécessaire dans notre monde trop souvent soumis à l’indicible.

« L’espionnage en Suisse durant la Grande Guerre », le thème de ce nouveau livre, aura nécessité de nombreuses recherches, recherches qui ne sont pas encore terminées. Une vie serait sans doute nécessaire pour épuiser la question aussi énigmatique du renseignement, étrangement placée à présent sous les feux de l’actualité ! L’espionnage n’est effectivement pas un sujet d’étude qui se laisse aborder aisément. Les sources ne sont pas toujours existantes et peuvent être soumises à caution, l’information et la désinformation s’entremêlant irrémédiablement en un long ballet dont les pas ne sont connus que de certains experts ès manipulation.

Le renseignement, et plus particulièrement le service actif, est une guerre, fourbe et sournoise, tapie dans l’ombre, qui ne compte pas ses victimes en se réclamant de frappes chirurgicales, une guerre qui se développa, de manière insidieuse au cours de la Première Guerre mondiale dans les pays neutres. La Suisse, à proximité immédiate des pays belligérants, parfois à quelques centaines de mètres des affrontements, allait être un terrain particulièrement propice pour l’espionnage. Allemands, Français, Anglais, Autrichiens, Turcs, tous développèrent des réseaux de renseignements sur le territoire helvétique, organisant à certaines occasions des opérations militaires entre Zurich et Genève, que le contre-espionnage suisse allait à maintes reprises éliminer.

Industriels suisses impliqués dans l’économie de guerre, tel Jules Bloch dont le train cheminait sans cesse de Bienne à Genève, chargé de fusées d’obus, Nachrichtenoffizier, comme Hans Shreck, chef du contre-espionnage allemand qui allait être arrêté par la police fédérale avant d’être exfiltré de la clinique dans laquelle il était interné, ou simples agents recrutés parmi la population locale, les espions allaient devenir une hantise dont les Suisses conservent un vague souvenir sans pourtant se rappeler les événements qui défrayèrent les chroniques cinq années durant.

Peut-être faudrait-il nous en souvenir à l’aube du débat portant sur la nouvelle loi sur le renseignement.

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.