La tête sous l’eau

Oui, la disparition annoncée des oiseaux est une bonne nouvelle !

L'alouette des champs décline partout en Suisse

L’absence d’une réaction politique forte à l’annonce, attendue, de la disparition probable des oiseaux dans nos campagnes est parfaitement logique, car elle s’inscrit dans une tendance, à l’œuvre malheureusement depuis des décennies, qui fait de la nature un espace abstrait dans lequel les émotions et la justice sociale, piliers historiques et fondateurs des mouvements de protection de l’environnement, n’ont plus droit de cité ! Etonnant, alors que c’est l’inégale exposition aux risques environnementaux et aux pollutions qui a fait naître ces mobilisations, à l’origine donc populaires !

La nature, j’ose pas en parler…

Depuis, il faut reconnaître que la situation a bien changé. La protection de l’environnement et de la biodiversité est devenue une affaire de spécialistes, dans laquelle la diversité des liens et des relations que nous tissons avec le monde vivant n’est plus prise en compte.

Les oiseaux disparaissent. Grâce à eux, et à ce qu’ils représentent pour nous, une lame de fond est en train de naître. Un lien lumineux s’est enfin allumé entre nous tous et le monde vivant.

Par exemple, on expliquera à tel ou tel pêcheur que son combat en faveur de cours d’eau libres et propres n’est légitime que si il renonce à y soutenir la pêche avec des poissons non indigènes… Où on dira à cette association d’habitants que sa pétition, qui s’oppose à l’abattage de platanes, est inutile, puisqu’une haie vive va être plantée quelques kilomètres plus loin, en compensation.

Et pourtant ! Les truites, qu’elles soient européennes ou américaines, ou nos platanes hybrides, introduits en Europe au XVIII è siècle, réunissent autour d’eux bien plus d’énergie positive et de sympathie que l’inconnu Spirlin, ou la disparue Pirole en ombrelle.

Les oiseaux et nous:

Heureusement, avec la disparition annoncée des oiseaux, ce n’est cette fois plus la nature abstraite de tel ou tel universitaire qui est en jeu, mais, enfin, nos émotions et nos représentations symboliques. La crainte d’un printemps silencieux est universelle, et s’adresse autant à notre raison qu’à nos cœurs.

Dans la rue, lorsque mes amis pêcheurs et moi-même récoltons des signatures pour l’initiative future3, les gens, pressés et agacés par les élections genevoises, s’arrêtent pourtant tous à l’évocation d’un printemps sans chant d’oiseaux. En une journée, certaines fédérations cantonales récoltent ainsi plus de trois milles signatures.

La disparition annoncée des oiseaux est donc une bonne nouvelle. Elle rappelle aux intellos et aux conservateurs de la nature que leur combat ne sera gagné que lorsqu’ils intégreront les facettes sociales et culturelles de la nature. Ces dernières sont une arme mobilisatrice, et pas une perversion qu’il faut combattre!

Les oiseaux disparaissent. Grâce à eux, et à ce qu’ils représentent, une lame de fond est en train de naître Un lien lumineux s’est enfin allumé entre nous tous et le monde vivant.

Le pouvoir en place a-t-il conscience du tsunami qui va s’abattre ?

Christophe Ebener

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