Vive la nature, et à bas la biodiversité!

La nature, chacun sait ce que c’est, et pourtant, elle ne fait l’objet d’aucune définition consensuelle. Vous et moi l’interprétons de manière différente selon notre histoire, notre culture et nos attentes.

Pire, en retirant aux citoyens la compétence de s’exprimer sur la nature qu’ils aiment, le discours actuel sur la biodiversité a certainement aggravé la crise écologique.

Depuis plus d’une décennie, la nature a pourtant disparu des débats publics, au profit de la biodiversité. Ce concept, censé mesurer de manière objective et quantifiable la qualité des systèmes écologiques, ne considère pas la dimension sociale et émotionnelle des rapports de l’homme à la nature. Devenue biodiversité, la nature n’est donc plus qu’un objet d’étude, et pour être autorisé à en parler, il faut en maîtriser le vocabulaire et les concepts.

La biodiversité est aussi une construction sociale

Sous son apparente objectivité, le discours dominant sur la biodiversité est néanmoins truffé de références culturelles écocentrées et d’idées reçues !

Par exemple, l’idée que sans les humains, les écosystèmes sont dans un état d’équilibre, alors qu’en réalité ils se transforment en permanence à des vitesses variables.

Ou encore, que le passé doit servir de référence pour toute politique concernant la biodiversité. Cette idée, fortement imprégnée de valeurs créationnistes, fait de la nature pré-humaine une entité sacralisée, quasiment parfaite, tandis que celle qui nous accompagne est forcément pervertie. La biodiversité a cependant toujours été en mouvement, et n’a jamais suivi de direction préférentielle ! Elle est le produit du hasard, des contingences historiques et, depuis quelques millénaires, des activités humaines. Elle n’a, de ce fait, jamais connu un état de référence meilleur qu’un autre. De multiples catastrophes ont parsemé son histoire, certaines étant même à l’origine de la lignée qui a donnée naissance aux humains.

Et il y a, aussi, son obsession à considérer les espèces exotiques comme une menace pour la fonctionnalité des écosystèmes, alors que la revue Nature, en juin 2011 déjà, appelait les biologistes de la conservation à inventer moins d’histoires farfelues, et à regarder sous un angle plus scientifique le rôle des espèces exotiques !

Un hold up démocratique et contre-productif

La substitution du débat sur la nature par celui sur la biodiversité s’est donc soldé par la construction, via des experts autoproclamés, d’un discours tragiquement réducteur, imprégné de normes sociales et de préférences personnelles, alors qu’il est présenté comme issu de l’évidence scientifique et non négociable !

Pire, en retirant aux citoyens la compétence de s’exprimer sur la nature qu’ils aiment, le discours actuel sur la biodiversité a certainement aggravé la crise écologique.

Il est donc temps de redonner la parole aux gens. Que l’on regarde chaque mètre carré de sol, de jardin ou de forêt, et chaque remous de ruisseau ou de fleuve, pour l’attachement qu’il suscite !

A ces conditions uniquement, nous préserverons les conditions cadres du monde vivant, nous offrant ainsi la chance de choisir dans quelle nature nous voulons vivre demain.

Seule certitude, elle sera différente de celle d’aujourd’hui.

Quant à savoir si elle sera belle ou non, c’est à nous d’en décider !

 

Christophe Ebener

Christophe Ebener

Né à Genève en 1975. Licence de biologie à l’Uni de Genève, ensuite master à l’EPFL . Siège à la Commission de la Pêche du canton de Genève. Président de la Fédération des Sociétés de Pêche Genevoises. Membre des Verts depuis 2003. Réveillé la nuit par l’argumentation et la controverse. Pêche les truites dans les eaux claires et limpides.

4 réponses à “Vive la nature, et à bas la biodiversité!

  1. En tant qu’astrophysicien je ne peux qu’abonder avec les critiques exprimées dans ce blog. L’univers ne fait qu’explorer l’immensité combinatoire des possibilités de formes de la matière. La vie n’est probablement qu’une des manifestations possibles parmi les formes de matière complexes auto-reproductive et auto-correctrice. L’histoire de la vie sur terre ne montre que ça, le foisonnement de formes jamais en équilibre stricte, mais en évolution. L’humain n’en n’est qu’une des formes possibles, et il n’y a aucune raison scientifique de penser que cette forme soit ultime. Sur le futur long terme la destruction de la biodiversité par les humains est surtout un problème pour les humains eux-mêmes, la vie saura bien corriger cette idiotie comparable pour la biosphère à une des catastrophes déjà endurée par le passé.

  2. Il n’est pas très utile d’opposer “biodiversité” à “nature”, les deux représentant des visions complémentaires que quelque chose d’infiniment complexe. Il est particulièrement réducteur, et populiste, de penser qu’il suffirait de regarder “chaque mètre carré … pour l’attachement qu’il suscite”. L’immense majorité de ce fait tenir fonctionner l’écosystème de ce “mètre carré” est invisible et ne peut donc susciter l’attachement. Qui est attaché aux bactéries, aux champignons et aux insectes du sol? Evidemment qu’il n’y a pas (et n’y a jamais eu) d’état de nature, qu’il s’agirait de préserver. Mais de là à défendre l’idée que la nature ne vaut que par son attachement aux humains, c’est confondre la nature avec son jardin.

  3. Très intéressant, à propos de populiste : une belle leçon d’humilité à ceux qui affirment par exemple en se prévalant d’être les protecteurs de la nature et en utilisant le mot biodiversité pour faire passer une idéologie : concernant le retour du loup : “Dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité, la pérennité de l’espèce sur notre territoire est un impératif.”
    A propos du loup taxé d’«espèce parapluie», de «clé de voûte de la biodiversité», d’«indicateur de la qualité ou de l’intégrité d’un habitat» et autres idées reçues qu’ils ont inspirées eux-mêmes, les auteurs, Luiggi Boitani et David Mech constatent ceci : «Les loups ne méritent pas de tels labels. Si ceux-ci ont été de formidables moyens pour déclencher les émotions, obtenir et réunir rapidement des soutiens au rétablissement des loups, il nous faut prendre conscience que ce furent là des raccourcis pour vendre un produit, plutôt que de bonnes bases scientifiques.»
    De même : “c’est au nom d’une biodiversité retrouvée, dont le loup est un indicateur et
    un symbole, que ses partisans défendent la présence de l’espèce ;”
    Non cette affirmation n’engage que des gens désinformés ou aveuglés par une idéologie : Selon le Plan
    d’action pour la conservation du loup en Europe (Canis lupus), Editions du Conseil de l’Europe : « Les loups
    vivent dans les habitats les plus divers et leurs vastes aires de répartition témoignent de la capacité de
    l’espèce à s’adapter aux conditions les plus extrêmes. L’habitat du loup a été décrit comme tout endroit où
    l’espèce n’est pas exterminée par les humains et où il y a quelque chose à manger. »
    de plus l’espèce n’est absolument pas en danger, ni dans le monde, ni en Europe, nu en Europe communautaire selon l’UICN.

  4. Encore petit mot ” Quant à savoir si elle sera belle ou non, c’est à nous d’en décider !”
    Je ne pense pas que nous ayons la possibilité de savoir ce qui est bien ou mal pour la nature. La quasi totalité de la population est déconnectée de la réalité et ne réagit que par l’affectif.
    Pour un végan seul l’animal sauvage vit bien. Quelqu’un qui utilise ses neurones se demande si l’animal sauvage bourré de parasites, confronté en permanence à la recherche de sa nourriture, aux intempéries, à sa survie face au prédateur tout en cherchant sa place face à l’urbanisation galopante…est plus heureux que l’animal domestique, surtout lorsqu’il s’agit d’élevage traditionnel respectueux de la nature et de l’animal.
    Pour nous ruraux qui vivons de et avec la nature, cette réflexion nous rassure car elle donne une autre possibilité d’appréhender cette nature que celle des évangélistes du tout sauvage qui pondent leur théorie entre 2 voyages en avion.

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