Etablie depuis 123 ans dans le Haut-Valais, l’entreprise Lonza Group est le plus gros employeur de la région. Elle abrite même depuis peu l’espoir d’un vaccin contre le coronavirus qui sera produit dans ses usines. Mais il y a une face moins glorieuse à ce succès. Outre le risque lié à l’hyper-dépendance économique à une seule entreprise, l’histoire de la Lonza est jalonnée de scandales liés à des problèmes de pollution : décharge de Gamsenried, mercure, benzidine… La région de Viège est ainsi aujourd’hui l’une des plus polluées de Suisse. Lorsque j’étais député au Grand Conseil, j’ai à plusieurs reprises interpellé le gouvernement valaisan sur le mercure et sur la « bombe à retardement » que représente la décharge de Gamsenried, sans beaucoup de succès.
Au début de l’année, un autre grave problème environnemental a été révélé. La production de niacine par Lonza Group qui produit de grandes quantités de protoxyde d’azote (gaz hilarant), gaz qui est près de 300 fois plus puissant que le CO2. Cette émission de gaz hilarant représente ainsi à elle seule 1% des émissions totales de gaz à effet de serre de toute la Suisse, soit à peu près l’équivalent de ce qu’émet la population de Lucerne (83’000 habitants)!
Chantage financier et à l’emploi auprès de la Confédération
Das Magazin a publié le 24 octobre un article, « Die Klimaschande vom Visp », à ce sujet. Le journaliste raconte que la Confédération a mis long à réagir. Lonza aurait négocié des avantages financiers et exercé du chantage à l’emploi pour ne pas être pénalisée. Au final au lieu d’avoir un catalyseur en fonction en 2018 ou 2019, ce sera au mieux pour 2022 (si tout va bien). L’émission de millions de tonnes d’équivalent CO2 auraient pu être évitée avec une réaction plus rapide et volontaire. J’avais déjà interpellé le Conseil fédéral au sujet du gaz hilarant de la Lonza au printemps, notamment pour savoir si d’autres mauvaises surprises du genre pouvaient exister en Suisse. A la lumière de ces informations publiées par Das Magazin, j’ai déposé une nouvelle intervention en octobre dernier afin d’obtenir du Conseil Fédéral sa version des faits et pour savoir s’il faut modifier la législation.
Des entreprises responsables : ici comme là bas
L’histoire des scandales environnementaux de Lonza est révélatrice d’une chose. Dans les affaires du mercure, de l’assainissement de la décharge de Gamsenried comme dans celle du gaz hilarant, on constate la difficulté qu’ont les autorités publiques à faire en sorte que Lonza assume ses responsabilités. Il faut de longues discussions juridiques et des négociations serrées pour y parvenir. Un véritable parcours du combattant, en Suisse, où les institutions publiques fonctionnent pourtant bien. Que se passe-t-il dans les pays où l’Etat est gangréné par la corruption et les règlementations environnementales inexistantes ou pas respectées ?
Pour faire respecter les responsabilités d’une entreprise, de longues discussions juridiques et des négociations serrées pour y parvenir sont nécessaires. Un véritable parcours du combattant, en Suisse, où les institutions publiques fonctionnent pourtant bien.
Gardons bien à l’esprit cette question au moment de nous prononcer sur l’initiative pour des multinationales responsables le 29 novembre prochain. Cette initiative, soutenue également par un comité bourgeois et de nombreux entrepreneurs, demande une évidence: que les multinationales ayant leur siège en Suisse ainsi que leurs filiales soient dans l’obligation de respecter les droits humains et les standards environnementaux dans le monde entier. Contrairement aux arguments avancés par les opposants, il faut souligner 1) que les PME ne sont pas concernées, sauf en cas d’activité à haut risque comme le commerce d’or ou de diamants, 2) que les multinationales ne sont pas tenues civilement responsables pour les actions de leurs fournisseurs, mais uniquement pour celles des entreprises qu’elles contrôlent.
Soyons cohérents : si nous considérons que les multinationales comme la Lonza doivent assumer les pollutions engendrées par leurs activités, il faut voter OUI à cette initiative sur les multinationales responsables car il n’y a pas de raison de tolérer ailleurs ce que nous refusons chez nous.